#10 Un référentiel de construction et rénovation pour les lycées

Rédigé par

La rédaction C21

8234 Dernière modification le 31/07/2019 - 09:15
#10 Un référentiel de construction et rénovation pour les lycées

En mettant en place le référentiel de Sobriété, la Région des Pays de la Loire souhaite rationnaliser la construction et la rénovation de ses lycées, tout en facilitant leur maintenance. Retour sur la genèse de ce projet avec Jean Williamson, chef du Service Études Économie Maîtrise Énergétique et Modélisation du Patrimoine à la Région des Pays de la Loire.

 

Qu’est-ce que le référentiel de Sobriété ?

En matière de construction et de réhabilitation, le nouveau Référentiel de sobriété architecturale, technique et économique, opérationnel dès le début de l’année 2018, est au croisement d’un engagement fort de la Région en matière de transition énergétique et d’une nouvelle stratégie d’investissements dans les lycées. C’est un outil très concret d’aide à la définition de projets architecturaux sobres, fonctionnels et de qualité.

Ce Référentiel est issu d’un travail collectif de capitalisation d’expérience, notamment sur le patrimoine des lycées, et de revisite de l’ensemble des référentiels existants, pour intégrer, en un seul document, toutes les exigences fixées par la Région des Pays de la Loire pour la construction, la restructuration et la rénovation, pour des bâtiments confortables et simples à habiter, plus économes et plus faciles à exploiter.

Tout le Référentiel est guidé par un souci constant de « sobriété », permettant de concilier qualité d’usage et de fonctionnalité avec davantage de simplicité, de solidité, de durabilité, de facilité de nettoyage, d’entretien et de maintenance ultérieure, et de pilotage aisé des installations techniques. Le Référentiel promeut des solutions efficaces, reproductibles et plus économes, tant au stade de l’investissement que de l’exploitation-maintenance ultérieure, sans toutefois nuire à la qualité technique et architecturale.

 

Pourquoi avez-vous ressenti la nécessité de créer le référentiel de sobriété ?

Le point de départ de notre réflexion a été fondé sur deux constats :

  • D’une part, les difficultés techniques et les coûts générés par l’entretien et la maintenance de solutions techniques trop complexes ou uniques.

    Ce type de complexité était particulièrement identifié sur la génération des bâtiments construits ou rénovés dans les années 90. A cette époque, la Région issue de la décentralisation alors toute récente, venait de reprendre la responsabilité bâtimentaire des lycées publics. Sans recul, la Région n’était pas nécessairement en mesure d’établir des programmes de constructions ou de travaux très prescriptifs ou restrictifs dans une période d’évolution technologique forte.

  • D’autre part, le fait que les bâtiments des années 60 et 70, contrairement à ceux des années 90, étaient conçus avec des formes simples permettant de faire évoluer leurs usages.

    Il ne s’agit pas de dire qu’un lycée deviendra un hôpital, mais de prendre en compte le fait que les usages et la manière de vivre dans le bâti évolue au fil des réformes pédagogiques. Aujourd’hui par exemple, les élèves sont autorisés à rester dans les couloirs, demandent à se réunir par petits groupes pour travailler ou discuter, et l’enseignement lui-même pousse à ce type de besoins. Ceci invite à passer la largeur des couloirs de 1,60 à plus de 2,00 mètres, mais aussi à travailler sur les circulations, l’acoustique, réinterroger l’existence de halles de grandes dimensions qui ne remplissent pas leur fonction de lieu de rencontre des étudiants et présentent de médiocres résultats en termes de performances énergétiques.

On voit ainsi qu’un référentiel s’esquisse.

Enfin, pour revenir sur la sobriété, on parle souvent du neuf, mais il ne faut pas oublier les rénovations qui touchent 90% des établissements.

La Région des pays de la Loire a ainsi mis en place une stratégie d’investissement dans les lycées ambitieuse, avec une trajectoire de 780M€ sur la période 2018-2024, qui permet de déployer une programmation de travaux dans l’existant autant que de construire du neuf.

 

Créer un référentiel régional est ambitieux, comment avez-vous procédé ?

Nous avons démarré la démarche en capitalisant sur notre expérience quotidienne. En partant du patrimoine des lycées dont les solutions techniques étaient satisfaisantes pour les usagers et simples à entretenir et maintenir, nous avons revisité l’ensemble des référentiels existants, pour intégrer, en un seul document, toutes les exigences fixées par la Région des Pays de la Loire pour la construction, la restructuration et la rénovation, pour des bâtiments confortables et simples à habiter, plus économes et plus faciles à exploiter.

Ce référentiel est le fruit d’une concertation en large collectif. Ainsi, la cinquantaine de techniciens et ingénieurs de la Direction du Patrimoine Immobilier y a participé, tandis que la Direction des Ressources Humaines est allée dans les lycées, sur le terrain, pour nourrir la réflexion avec contributions des agents qui ont en charge la maintenance et le fonctionnement des bâtiments au quotidien.

Ceci a permis d’identifier des éléments structurels ou matériaux trop innovants à éviter, du fait de leur risque de dégradation dans le temps, ou de leur difficulté d’accès pour l’entretien courant ou la rénovation, ou encore de la difficulté à trouver les compétences pour en assurer le suivi dans le temps.

Nous avons pu aussi appréhender que certains choix techniques, qui semblent anecdotiques, sont impactants sur les tâches et les conditions de travail des agents. Ainsi des escaliers avec contremarches évitent que la poussière ne s’accumule au pied dans des endroits difficiles d’accès. De même la conception et la localisation des locaux d’entretien dans les bâtiments constituent un élément pour l’organisation du travail et la prévention des risques professionnels.

Pour la partie technique, l’ambition a été de redéfinir ce qu’est une maintenance de qualité, pour que le personnel de maintenance travaille en limitant le plus possible les risques ou la fatigue excessive.

Avec cette démarche qui s’est étalée sur trois ans, nous avons capitalisé sur l’expérience de nos agents et valorisé leur travail. On peut dire que cette concertation a permis d’aboutir à un travail exhaustif et qu’elle permet de nourrir aujourd’hui l’amélioration continue de ce référentiel.

 

Pouvez-vous nous évoquer les grandes lignes de ce référentiel ?

Il était fondamental pour nous d’arriver à des locaux qui prennent en compte tous les types d’utilisateurs, du lycéen à l’agent, et dont la maintenance soit facilitée.

Une réponse a paru évidente : celle de la sobriété dans nos opérations, qui impose d’être humble, d’accepter de faire du low-tech, sans toutefois faire de compromis sur la qualité, le confort d’usage, et la simplicité de l’exploitation.

La ligne directrice est de faire aussi efficace (voire mieux) mais plus simple en définissant clairement les usages et en pensant aux évolutions futures.

Nous avons aussi développé une approche fondée sur le fait qu’un bâtiment à usage pédagogique doit être éducatif, ce qui renvoie à une certaine sobriété des équipements : fermer ou ouvrir des fenêtres, éteindre la lumière en sortant d’une salle ou tirer la chasse d’eau sont des gestes du quotidien qui s’y enseignent. Or, aller vers des solutions technologiques automatisées, qui demandent une maintenance constante et forcément plus coûteuse, détournent de cette dimension pédagogique. Comme le rapportait un responsable d’établissement : « les éclairages automatisés, on met deux ans à les régler, cela fonctionne durant deux ans, à la cinquième année cela tombe en panne et tout reste allumé en permanence ! »

Ensuite, sur le plan architectural, nous avons choisi de créer un référentiel qui fixe une trame pour la conception des espaces. Tout se fait suivant des multiples de 15 m² (30, 45, 60, 75 m², etc.). Les espaces sont rationnalisés, comme par exemple, des bureaux de 15 m2 pour tout le monde (au lieu de superficies différenciées) et les équipements mutualisables entre les différentes unités fonctionnelles sont systématiquement identifiés : hall, salles de réunion, sanitaires, vestiaires, etc. Le référentiel prescrit également des formes simples, des toitures en pentes, des équipements techniques protégés et non plus inaccessibles en toiture pour éviter leur vieillissement accéléré, etc.

Enfin, les hypothèses de calcul (saisonnalité de l’occupation, rythme scolaire,…) sont figées pour la détermination de l’efficacité énergétique.

Nous rappelons à la maitrise d’œuvre que les usages d’un lycée évoluent en fonction des élèves, mais aussi de l’évolution des programmes.

 

Ces limites claires, ne sont-elles pas perçues comme trop précises par les architectes ?

Il faut préciser que la mise en œuvre de ce référentiel laisse la part belle à d’autres enjeux. La Région mène une politique volontariste en matière énergétique et de développement durable. Elle déploie une démarche HQE et développe l’utilisation de matériaux biosourcés ou locaux. Elle a aussi introduit des démarches de réemploi d’équipements existants.

Il est nécessaire que tout le monde soit conscient que nous faisons face à une raréfaction des ressources, y compris financières. C’est dans cette optique que nous suivons de près chaque programme, chaque objectif, et que nous engageons nos assistants à maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre à la sobriété, et aux économies.

 

Propos recueillis par Clément Gaillard - Construction21

Crédit photo :  Région Pays de la Loire - A. Monié

 

Pour en savoir plus, retrouvez Jean Williamson à l’Atelier N° 9 du congrès Cities to Be le 13 septembre


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