Territoires : Grenoble apprend à piloter ses écoquartiers

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

1234 Dernière modification le 19/11/2012 - 11:06

Ce sera l'un des thèmes transversaux de l'édition 2012 d'Ecobat Méditerranée : l'usage des bâtiments. Comment garantir leur performance technique dans le temps, comment favoriser l'appropriation par les occupants de fonctionnalités nouvelles ?

Les premiers écoquartiers offrent un début de réponse. Et notamment le tout premier du genre, lancé à Grenoble en 2003, édifié sur plusieurs années et terminé en 2011. Construit sur les 8,5 hectares d'une caserne militaire et imaginé bien avant que le Grenelle de l'environnement banalise la notion de construction durable, le quartier de Bonne réunit aujourd'hui près de 1 000 logements – dont certains dans les anciens casernements -, des bureaux, des commerces, des hôtels, des cinémas.

Pionnier en France, le quartier a été conçu selon un objectif de performance énergétique moyenne de 42 kwh/m2/an hors eau sanitaire et éclairage, ce qui il y a 10 ans était  révolutionnaire. Un objectif qui n'est d'ailleurs pas atteint et c'est paradoxalement, l'un des aspects les plus intéressants de cette réalisation prototype.  « Nous avons été épinglés par la presse nationale sur le décalage entre les promesses de l'écoquartier et la réalité de ses performances. En fait, il faut compter deux à trois ans pour effectuer les bons réglages et pour que les habitants prennent les bonnes habitudes » explique Philippe de Longevialle*, adjoint au maire, co-président de la commission politique de la ville et rénovation urbaine et l'une des figures de la vie politique du département. La question de la maintenance est ainsi devenue cruciale. « Nous avons plusieurs équipes en charge du suivi des immeubles. Leur rôle est majeur, car c'est là que nous apprenons à piloter finement notre éco-quartier. On sait qu'un simple filtre encrassé va modifier la consommation... Il faut aussi se familiariser avec le comportement réel des occupants.  Nos calculs initiaux étaient basés sur une température intérieure de 19 C° . Mais on ne peut pas empêcher les habitants de chauffer à 22 C° ! En la matière, la seule réponse est la pédagogie permanente, ce qui marche plutôt bien ». 

Les « réglages » en cours révèlent que ce n'est pas la conception initiale des projets qui pèche, mais plutôt la conduite des chantiers (pas assez de coordination entre les entreprises), le contrôle à la livraison (manque de précision, sur l'étanchéité à l'air par exemple) et le suivi et la maintenance des immeubles. Philippe de Longevialle milite désormais pour une forte implication des bureaux d'étude du début du projet à la fin des travaux et pour une formation plus complète des entreprises aux nouvelles techniques de construction et à la compréhension globale des édifices. 

Cela dit, l'écoquartier De Bonne n'a pas seulement permis d'essuyer les plâtres... Il commence à tenir ses promesses et de ce point de vue, tire toute la ville vers le haut. « Le décalage de performance énergétique entre ce quartier et tous les autres permet aux Grenoblois de prendre  conscience des enjeux, de se poser des questions sur leur habitat et in fine, de prendre des décisions d'investissement » se réjouit Philippe de Longevialle. A cet égard, De Bonne est sans doute beaucoup plus efficace que toutes les campagnes de communication sur le sujet.

Et cet effet boule de neige n'est pas près de s'arrêter, car trois nouveaux écoquartiers sont en chantier (Presqu'Ile, Flaubert et Esplanade), fourmillant d'idées nouvelles. Comme ce réseau de chaleur prévu à la Presqu'Ile qui récupérera l'énergie dégagée par les laboratoires des organismes de recherches et entreprises de haute technologie, lesquels ont fait la réputation de l'endroit et vont maintenant contribuer à le chauffer. Mais Grenoble sait maintenant qu'au delà des éclairs de génie technologiques, l'écologie urbaine est aussi un art d'exécution.

Jean-Philippe Pié - Source Ecobat Infos

 

Legende Photo : Situé sur le boulevard Gambetta, De Bonne Energie, bâtiment à énergie positive, est l'un des emblèmes du quartier.

 

* Présent à Ecobat Méditerranée, Philippe de Longevialle participera vendredi 23 novembre à la table-ronde « Intégrer le bâtiment de demain dans un écosystème plus intelligent et plus écologique. »


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