Territoires : dans la Drôme, la rénovation façon commando

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

1199 Dernière modification le 29/10/2012 - 09:23

Complète, cohérente et à prix supportable : tels sont les principes qui doivent guider la rénovation thermique des maisons individuelles. 

Mais sur le terrain et face au propriétaire, comment faire ?  Dans le Sud de la Drôme, une expérience pilote montre le chemin. 

Plutôt que d'intervenir en ordre dispersé, les artisans du bâtiment s'y regroupent en unités de 5 à 7 entreprises, capables de formuler une offre unique, cohérente, à prix raisonnable et d'effectuer les travaux en continu.

Baptisé Dorémi, ce projet a été lancé en 2011, sur un territoire dénommé «Biovallée» entre Loriol et Die, sous l'impulsion collective de quatre intercommunalités, du bureau d'études Enertech, de l'association Négawatt et du Conseil régional Rhône-Alpes, stimulé par l'engagement d'un conseiller, Didier Jouve.

Cette « Biovallée » n'en est pas à son coup d'essai en matière de développement durable, c'est ainsi le territoire français qui comprend la plus forte densité d'exploitations agricoles bio (20 % de la surface). Après l'alimentation, les collectivités locales ont décidé de s'atteler à la rénovation de l'habitat. « La Biovallée compte environ 15 000 maisons individuelles, mais très peu ont bénéficié à ce jour d'une rénovation thermique constate Vincent Legrand, directeur de l'institut de formation Négawatt. Notre conviction est que l'offre doit se structurer, pour qu'une demande puisse émerger ».

Cette structuration consiste non seulement à réunir des artisans motivés et de qualité, mais aussi à les former gratuitement aux techniques de rénovation, à faire émerger un interlocuteur unique pour le client, à proposer une solution financière convaincante et enfin, à effectuer un suivi de chantier. Après avoir fait passé le message auprès des fédérations professionnelles, des chambres de métiers, dans les magasins de matériaux (le plus efficace), les responsables de Dorémi ont organisé plusieurs formations cette année, regroupant à chaque fois entre 100 et 200 professionnels. « L'idée est de leur présenter une méthode de travail, une boite à outil technique et financière simple et pratique, applicable dans toutes les situations, pour que la rénovation cesse d'être un casse-tête » résume Vincent Legrand.

Ces solutions sont inspirées par les 10 Solutions techniques de référence définies par le cabinet Enertech, qui ont pour point commun de permettre à tous les types de bâtiments rencontrés de passer sous la barre des 50 kw/h/m2/an - sans préjuger de l'usage ensuite par les occupants, qui demeure un point capital. Lesdites solutions ne sortent pas de la cuisse de Jupiter, elles proviennent du décryptage par Enertech de 4 500 simulations sur des bâtiments situés partout en France. La boîte à outil n'est d'ailleurs pas censée être utilisée dans la seule « Biovallée » mais sur tout l'Hexagone. 
Après les séances de formation, les artisans manifestent ou non leur souhait d'aller plus loin et de constituer une équipe complète dédiée à la rénovation : isolation murs,  toiture, sols,  vitrages, étanchéité à l'air, ventilation et chauffage. Lorsque les corps d'état indispensables sont réunis, un pilote est désigné, par exemple la plus grosse entreprise ou le professionnel le plus motivé. Il sera l'interlocuteur unique du client. Ce pilote doit notamment être capable de fournir un devis collectif à prix raisonnable, que l'association Négawatt situe autour de 300 euros/mètre carré et d'informer le client sur le montage financier possible, en particulier à partit de l'EcoPTZ. A cette fin, le projet Dorémi met à disposition des artisans un programme informatique qui prend en compte le dispositif EcoPTZ, les moyens financiers du client et l'évolution des prix de l'énergie ; il permet donc de deviser avec des arguments solides. 

« Menée en ordre dispersé, une rénovation peut être non seulement contre-productive -par exemple, un chauffage trop puissant – mais inutilement onéreuse – jusqu'à 700 euros du mètre carré. C'est pour éviter ces écueils  qu'une approche coordonnée est indispensable de la part d'artisans bien formés » explique Vincent Legrand. Pour le moment, cinq groupements se sont constitués, avec pour objectif de réaliser plusieurs dizaines de chantiers en 2013. 

Laboratoire en France, l'idée n'est pas si originale en Europe. 

Des groupements de ce type existent déjà en Allemagne et commencent d'ailleurs à prospecter en Alsace, tel le GCPEB - Groupement de Compétences en Performance Energétique du Bâtiment qui rassemble des entreprises artisanales allemandes sélectionnées par les Chambres de métiers de Rhénanie-Palatinat et de Francfort. Le projet Dorémi pourrait bien faire tâche d'huile dans l'Hexagone, c'est d'ailleurs ce que laisse penser l'intérêt manifestée par certaines collectivités locales et Conseils régionaux. 

Par Jean-Philippe PIE - Source Ecobat infos

Legende Photo : 

Une maison rénovée basse consommation dans la Drôme. Les groupements d'artisans visent  plusieurs dizaines de chantiers en 2013, dans la « Biovallée ». 

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