#24 - Territoire et risques - Conjuguer résilience, transition et mutations

3038 Dernière modification le 17/04/2019 - 13:05
#24 - Territoire et risques - Conjuguer résilience, transition et mutations

 

La résilience des territoires et le « métabolisme urbain », au centre de l’initiative « 100 villes résilientes» de la Fondation Rockefeller, font converger défense, sécurité intérieure et continuité d’activité. Face à la mutation des crises et des ruptures, une approche intégrée et systémique des risques offre une réponse viable. 

 

Résilience et « métabolisme urbain »

 

À l’origine du mot, en métallurgie, la résilience désigne une qualité des matériaux qui tient à la fois de l’élasticité et de la fragilité, et qui se manifeste par leur capacité à retrouver leur état initial à la suite d’un choc ou d’une pression continue. Le mot fait florès. En psychologie, elle consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte pour ne plus avoir à vivre dans la dépression et se reconstruire. La résilience serait rendue possible plus par le travail intérieur propre que par l’encadrement médical d’une thérapie.

 

La résilience d’une économie est sa capacité à surmonter rapidement des chocs et perturbations économiques. La résilience écologique est la capacité d’un écosystème, d’un habitat, d'une population ou d'une espèce à retrouver un fonctionnement et un développement normal après avoir subi une perturbation importante. L’agrégation des nuances, permet d’aboutir à un concept globalisant : la résilience des territoires.

 

Dans ce cadre, on ne peut que saluer la nouvelle stratégie de résilience de la Ville de Paris présentée en octobre 2017. Elle est fondée sur un principe de transversalité. On parle de métabolisme urbain. Cette nouvelle approche met en relation tout ce qui fait une ville pour que l’ensemble soit plus solide et plus cohérent lorsqu’une crise intervient, à savoir les politiques sectorielles de gestion technique (eau, déchets, énergie, mobilité, habitat) et sociale (aide aux plus défavorisés, scolarité, santé, etc.). Un exemple : alors qu’auparavant un espace vert n’avait qu’une seule fonction d’agrément, il devient aujourd’hui un élément dans la gestion du ruissellement des eaux de pluie, un espace destiné à promouvoir la biodiversité animale et végétale, un jardin potager, un outil pour lutter contre les chaleurs excessives de l’été et un lieu de convivialité. Elle n’oublie pas non plus la coopération avec les territoires environnants.

 

Crédit photo: Luiz Silveira 

Saluons également les efforts de Lisbonne qui, dans un contexte de crise économique et de perte importante d’habitants vers les périphéries, a su mettre en place un des plans les plus complets. Milan fait preuve d’originalité. New-York a développé le concept d’équipes locales d’intervention d’urgence volontaires. De nombreux autres exemples existent. Certains ont été présentés lors du séminaire « résilience des territoires » organisé par le CEREMA, à Lyon, en octobre 2017. Ils se fondent en France notamment sur le Code de la défense et la notion de continuité d’activité ainsi que sur le Code de la sécurité intérieure. Au niveau international, un réseau de pionniers est piloté par la Fondation Rockefeller sous l’appellation « 100 Resilient Cities ».

 

Transition et mutation

 

La transition n’est pas une mode. Elle affronte trois sujets : la rareté de nombreuses ressources (biodiversité, énergies, matériaux), la résistance aux pressions sur l’environnement et in fine sur notre santé et le maintien du nécessaire niveau de croissance économique et de développement.

 

Signalons à titre d’illustration qu’une voiture n’est utilisée qu’1 % du temps. Les infrastructures sont sous-utilisées. Elles ne sont utilisées à leur potentiel maximum (peakload) que 3 % du temps. D’où le besoin de mettre en place la « servicisation » des infrastructures et des équipements. Cela implique leur numérisation. Les résultats peuvent être spectaculaires. Il s’agit de gagner en efficacité avec comme moyens clés le numérique et la mobilisation de tous. La transition écologique et énergétique va donc de pair avec la transition numérique et la révolution de la participation directe.

 

La transition n’est pas un long fleuve tranquille. En 2013, Carl Benedict Frey et Michael Osborne, d’Oxford, avaient fait sensation en estimant que 47 % du total des emplois aux États-Unis présentaient de grands risques de devenir automatisables. L’OCDE est plus mesurée, dans une étude de 2016, le pourcentage des emplois automatisables serait de seulement 9 % en moyenne dans les 21 pays de l'OCDE. Cela reste substantiel.

 

Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson, du MIT,  dans leur livre Machine, Platform, Crowd : Harnessing the Digital Revolution  globalisent encore plus le sujet. Ils explorent trois axes de la révolution numérique : les machines accomplissent des tâches dévolues aux cerveaux ; les plates-formes remplacent les produits ; la foule peut s’acquitter de fonctions réservées à des acteurs très spécialisés. L’enjeu est énorme. Il est systémique et non seulement quantitatif.

 

Il faut donc renforcer nos capacités d’anticipation et de pilotage des mutations, des adaptations, des accommodations dans la transition écologique.  L’idée est d’optimiser la transition écologique voulue grâce à une approche intégrant simultanément les enjeux économiques, sociaux, financiers, numériques et de gouvernance à travers une approche territoriale basée sur un dialogue multipartite sur l'anticipation et de suivi des mutations en cours et à venir. La construction de métriques adaptées est également une nécessité.

 

 

Approche par les risques et sécurité globale 

 

Aussi bien pour la résilience que pour les mutations, la logique multi-sectorielle est essentielle. On peut proposer une approche par les risques. Bien évidemment, il faut prendre en compte tous les risques (risques naturels, technologiques, humains couplés aux dimensions économiques et sociales). On constate alors que nos cartographies des risques explosent. Les contextes de nos crises sont en mutations stupéfiantes, nos fondamentaux sont ébranlés. Les ruptures actuelles exigent d’aller bien au-delà de la prolongation des exigences déjà connues et de la mobilisation des invariants.

 

Une solution viable est l’approche globale des risques, associant et mobilisant l’ensemble des acteurs, facilitant l’échange et le croisement d’informations, de connaissances, permettant le plus possible d’éviter les surprises, les « trous dans la raquette ». Concrètement, l’idée est de regarder si à un niveau territorial, l’ensemble des problèmes de sécurité est appréhendé et cela dans une logique globale. Cela consiste à indexer tous les problèmes et les méthodes de mitigation, de voir si elles sont toutes là puis de voir si tous les couplages sont prévus. C’est une approche territoriale de la sécurité globale. En quelque sorte, on vise à mettre en place un système de gestion de l'ensemble des risques auxquels une collectivité peut être exposée par la base de notre organisation sociale et qui soit efficace et en amélioration continue.

Un article signé Antoine-Tristan Mocilnikar, Ingénieur général des Mines dans l’administration

Crédit photo: Wong Zihoo
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