Smart grids, smart cities : mettre en balance poids carbone et bénéfices de ces structures « intelligentes » !

2878 Dernière modification le 10/10/2017 - 11:01
Smart grids, smart cities : mettre en balance poids carbone et bénéfices de ces structures « intelligentes » !

Entre 30 et 80 milliards d’objets connectés sont attendus dans le monde d’ici à 2030, dont un nombre croissant lié aux secteurs du bâtiment et de l’énergie à des fins d’instrumentation et de pilotage. Si l’objectif de cette démarche reste l’optimisation de la consommation énergétique et la réduction des émissions de GES, on se pose rarement la question de l’impact environnemental global de la dissémination massive de ces dispositifs ; pourtant, leur nombre et la nature complexe de leurs composants devraient nous inviter à considérer cette problématique et à rationaliser leur usage. 

Les équipements connectés: un développement exponentiel

Depuis quelques années, on assiste à une croissance phénoménale du nombre d’équipements électriques et électroniques dits « connectés », c’est-à-dire qui cherchent en permanence à se connecter à un réseau pour collecter des données ou en publier à destination d’autres dispositifs susceptibles de la traiter. Dans le secteur du bâtiment, le phénomène est notamment soutenu par la règlementation thermique, qui impose l’instrumentation des édifices neufs à des fins de sensibilisation et de maîtrise de l’énergie.

Les échanges entre ces objets passent s’effectuent désormais en grande partie sur Internet, si bien que le trafic mondial a quintuplé entre 2009 et 2014 et qu’il va encore tripler dans les 5 années à venir.

Ces deux phénomènes entraînent une augmentation de la demande en électricité au niveau mondial, aussi bien en volume qu’en proportion, et ce alors même que la consommation individuelle de chaque équipement ne fait que diminuer depuis les années 80.

 

Fig1 - Croissance de la consommation électrique du secteur des technologies de l’information et de la communication, en pourcentage de la consommation électrique totale. Greenpeace USA, Clicking Clean, A Guide To Building the Green Internet, mai 2015

Datacenters et infrastructures réseaux au cœur du sujet

Les datacenters (grappes de serveurs informatiques dispositifs permettant de traiter l’énorme masse de données générée par ces objets) et l’infrastructure réseau qui leur permettent de communiquer engloutissent aujourd’hui la moitié de de l’électricité nécessaire au secteur des technologies de l’information, alors qu’ils ne pesaient que 35% du total il y a 5 ans (Fig.2).

Fig 2 - Décomposition de la consommation d’énergie par poste dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, en 2012 et 2017. Greenpeace USA, Clicking Clean, A Guide To Building the Green Internet, mai 2015

Une prise de conscience émergente des acteurs du secteur…

Pendant des années, la conception de ces installations a répondu en priorité à des besoins de sécurisation, sans vraiment se soucier de leur efficacité énergétique. Aujourd’hui, on arrive à concevoir des installations plus performantes, voire au bilan carbone nul en exploitation (investissements massifs dans les énergies renouvelables, mutualisation avancées des serveurs, etc.).

Par ailleurs, la croissance de la demande favorise l’émergence, sur les sites d'entreprise et dans les zones résidentielles de haute densité, de datacenters de proximité fonctionnant comme des satellites sur une installation centrale. Cette architecture « relocalisée » permet d’envisager de nouvelles solutions de production, d'optimisation et de réutilisation de l'énergie (Fig.3).

Fig. 3 - Un exemple de « chaudière numérique » Stimergy. Les serveurs sont immergés dans un bain d’huile qui permet de récupérer la chaleur émise pour produire de l’eau chaude utilisable dans le  bâtiment. Crédit : Samuel Moraud

…Qui doit être complétée par un engagement des prescripteurs et des utilisateurs terminaux

Mais ces efforts réels pour améliorer l'efficacité énergétique de ces équipements lors de leur phase de fonctionnement trahissent une démarche qui vise plus, en définitive, la réduction des coûts et accessoirement des émissions de GES qu'une diminution des impacts environnementaux au sens large, car ces impacts se concentrent très largement lors des phases de production et en fin de vie de ces dispositifs, et non pas durant leur exploitation : on sait qu'il faudrait désormais utiliser un ordinateur entre 70 et 100 ans pour consommer autant d’énergie que lors de sa fabrication ! En regard des efforts requis dans le bâtiment pour la réduction de l’impact carbone associé aux solutions constructives (RT2020), comment occulter le fait que l’empreinte carbone d’un ordinateur de bureau est du même ordre que celle nécessaire à la construction d’1 m2 de bâtiment en béton (environ 1 TeqCO2) ?

Source : Brochure Ademe “La face cachée du numérique” – Juin 2017

A l’heure où la gestion technique autonome des bâtiments laisse progressivement la place à d’ambitieux programmes de collecte et d’analyse de données à une échelle beaucoup plus vaste1, dans lesquels l’interconnexion permanente de chaque entité (bâtiment, véhicule, individu) devient le prérequis à la maîtrise énergétique au niveau de la ville ; à l’heure où l’optimisation énergétique en exploitation ne relève plus de l’expertise technique mais de l’efficacité des algorithmes des traitements et des infrastructures d’échanges de données, il est plus que jamais nécessaire de questionner les besoins réels des utilisateurs terminaux et des prescripteurs, et de reposer les questions fondamentales : les  systèmes d’instrumentation du bâtiment et de la ville auront-ils vraiment l’efficacité énergétique qu’ils revendiquent ? Par quels acteurs, pour répondre à quels besoins, et à quels horizons ? Quelle en sera la durée de vie ?

En attendant, ETAMINE préconise un questionnement systématique pour assurer un juste dimensionnement de ces structures  « smart », pour lesquelles on corrèle trop souvent « innovation » et « toujours plus » !

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