#14 - Projet ANR RGC4 : Résilience urbaine et gestion de crise dans un contexte de crue à cinétique lente.

Rédigé par

Marc Vuillet

Responsable Pôle Construction Résiliente

4414 Dernière modification le 10/04/2019 - 13:21
#14 - Projet ANR RGC4 : Résilience urbaine et gestion de crise dans un contexte de crue à cinétique lente.

Le projet RGC4 (2016-2019) ambitionne le développement d’outils opérationnels pour l’amélioration de la continuité d’activité des réseaux techniques de la métropole parisienne face à une crue majeure de la Seine. Il s’agit principalement d’identifier et de limiter les effets de défaillances en cascade susceptibles de se produire parmi les réseaux techniques et les services.

Les réseaux techniques, forces et faiblesses des territoires urbains

Les fonctions sans cesse accrues des villes reposent sur une complexification des réseaux techniques urbains. La recherche d’efficacité pousse parfois à multiplier les (inter)dépendances entre les infrastructures et services associés. Or les composants de ses réseaux sont très souvent vulnérables aux aléas naturels. Surtout, les interruptions de certaines portions de réseaux sont susceptibles de provoquer des interruptions sur d'autres parties de  réseaux, propageant les conséquences de l’aléa initiateur sur des zones plus vastes, voire sur d’autres infrastructures dépendantes. Nous pouvons citer comme exemple un enchaînement de défaillances entraîné par l’ouragan Sandy survenu aux Etats-Unis en 2012. L’inondation de postes électriques a entrainé des coupures d’électricité très importantes, ce qui a entre autre provoqué l’arrêt des raffineries de pétrole et par effet domino l’approvisionnement de stations essences qui n’étaient pas touchées par les impacts de premier ordre - c’est-à-dire provoqués directement par l’aléa [Haraguchi and Kim, 2014]. Et ce alors même que l’approvisionnement de ces stations devenait un enjeu primordial pour faire face aux problèmes de mobilité, engendrés par le dysfonctionnement du métro new-yorkais, mais aussi aux nouveaux besoins en matière d’hydrocarbures, nécessaires pour faire fonctionner des groupes électrogènes.

 

La résilience des réseaux techniques parisiens

Le contexte francilien pose des difficultés toutes particulières avec des crues lentes, d’une durée pouvant se compter en semaines voir en mois. Cela pose notamment le problème du fonctionnement du territoire dans un contexte de services dégradés. En Ile-de-France qui porte un tiers de l’économie nationale, les effets sur les réseaux se font sentir bien avant le niveau de la crue centennale à Paris (à partir du scénario R.06 soit 60% du débit de la crue centennale mesuré à la station d’Austerlitz).

Nous en avons eu un très bref aperçu lors de la crue de printemps 2016 de la Seine en Ile-de-France [Pottier et al., 2019]. Le niveau atteint à Paris-Austerlitz était pourtant 2 mètres au-dessous de celui de la crue centennale de 1910 (6,10 m contre 8, 62 en 1910 et 8.96 m en 1658) et les perturbations ont concerné à la fois des zones inondées et non inondées privées de services essentiels à la population (transports RER C et stations de métro fermées préventivement, les coupures d’électricité, de chauffage ou d’eau dans des centres villes de la petite et grande couronne parisienne). Dans le cas extrême de crue à Paris (scénario R1.15) ce sont 1,5 millions de clients en région parisienne qui seront privés d’électricité parfois 3 jours avant l’arrivée de l’inondation, et la surface de la zone touchée par une interruption des services d’électricité correspondrait environ au double de la surface inondée, près de la moitié de toutes les lignes de RER et métro fermées aussi préventivement (140 km fermés sur 313 km), 5 autoroutes le long de la Seine inaccessibles, 5,2 million d’abonnés qui subiront des coupures prolongées d’eau potable en région parisienne [DRIEE, SGZDS, 2016]. C’est pourquoi, par exemple, les opérateurs de réseau ont une obligation réglementaire de maintien d’un service public minimum (art. R.732.1 Code Sécurité Civile).

Apports de la recherche : données, méthodes et outils à destination de l’opérationnel

Le projet RGC4 capitalise sur plusieurs actions passées [Toubin, 2014 ; Fujiki, 2017 ; Creton-Cazanave et November, 2017] ou en cours, via le projet UrbaRiskLab de l’université Gustave Eiffel. Il est l’occasion d’échanges et de collaborations plus approfondies avec de nombreux partenaires, Secrétariat général de la zone de défense, Ville de Paris, RATP, etc. Plusieurs points sont tout particulièrement abordés, relatifs aux retours d’expérience de phénomènes de défaillances en cascades en Ile de France et à l’étranger [Bocquentin et al., 2018 ; Pottier et al., 2019], aux choix de méthodologies d’identification et/ou de modélisation des effets cascades parmi les réseaux techniques urbains [Bocquentin et al., 2019], à la problématique de l’auto évacuation des personnes [Hery et al., 2019], à la mobilité des population en modes dégradé, concernant la réaffectation des personnels [Lhomme et al., 2019] ou encore l’identification de tracés de bus se substituant aux portions de lignes de métro mises à l’arrêt.

Le travail de formalisation des retours d’expérience [Pottier et al., 2019] a permis de formaliser les scénarios des défaillances en cascade s’étant produit au sein des réseaux et des services lors d’évènements majeurs : tempête Sandy en 2012 à New York, ouragan Katrina en 2005 à la Nouvelle-Orléans, inondations à Brisbane en 2012, Bangkok en 2011 etc. Il a également permis de définir un ensemble de facteurs déterminants pour la continuité d’activité des services. 

Une thèse en cours[1] s’attache à recenser et décrire les méthodes d’identification et de modélisation des (inter)dépendances produites lors d’initiatives variées, issues de la recherche, de recherches-actions et/ou du domaine commercial. Elle propose notamment une définition des besoins pour l’Ile de France et des critères de choix de méthodes en fonction des initiatives, des objectifs de l’échelle d’étude et des moyens disponibles [Bocquentin et al., 2019]. Associée à ce travail, une action vise à l’étude des besoins en termes d’outil pour l’échange des informations cartographiques numériques. Aussi des questionnaires sont actuellement en cours visant à mieux connaître les retours d’expérience des collectivités et des opérateurs réseaux pour les crues de 2016 et 2018, ainsi que leurs préoccupations et dispositions vis-à-vis de la continuité d’activité face à des crues majeures.

Concernant la problématique d’estimation de l’auto-évacuation, un modèle [Héry et al., 2019] est développé couplant simulations de Monte Carlo et simulations multi-agents. Le modèle est appliqué aux tours de l’ensemble Beaugrenelle, calé à partir de retours d’expérience et d’enquêtes visant à mieux connaître les capacités et volontés potentielles d’évacuation des ménages.

L’outil Moppi, pour Mobilité des Personnels en Période d’Inondation [Lhomme et al., 2019], également développé dans le cadre du projet, propose une solution exploitant SIG et algorithmes en vue d’aider les structures à réaffecter leurs personnels bloqués par la mise à l’arrêt des réseaux de transports ferrés et les routes coupées, consécutive à l’inondation, à la stabilité des ponts ou encore de mesures spécifiques telles les barrières mobiles. Cette application fait l’objet d’une communication spécifique « outil » dans le cadre de ce dossier. Concernent la mobilité une application a été développée [Lhomme et al., 2019]par les élèves ingénieurs en informatique de l’Insa Rouen, dans le cadre d’un PIC (Projet Insa Certifié). Exploitant les cartographies vectorielles des voiries, des zones inondées, des lignes et des stations du réseau métropolitain, l’application permet de générer de façon semi automatisée des itinéraires optimisés de lignes de bus palliatifs au réseau ferré à l’arrêt, tenant compte des fermetures de voiries et des plans de circulation.

Enfin une dernière action de recherche vise à construire un prototype de priorisation des actions de remise en services des réseaux afin d’optimiser les actions conditionnant un retour à la normal rapide.

Un article signé Marc Vuillet, Responsable du Pôle Construction et de l'Axe de Recherche Resilience Urbaine chez EIVP Enseignant chercheur Lab'Urba
 
Pour en savoir plus :  rgc4.wordpress.com
[1] Marie Bocquentin, « Les réseaux urbains du Grands Paris face à une crue de la Seine – Elaboration d’un outil d’identification et de modélisation des scénarios de défaillances en cascade- », 2016- Ecole doctorale Ville Transports Territoires, Lab’Urba/EIVP

 

Bibliographie

Bocquentin M., Vuillet M., Lhomme S., Cariolet J-M., Pottier N., Diab Y. (2019) “étude des (inter) dépendances et des défaillances en cascade au sein des réseaux urbains : le cas d’une crue de la Seine en Ile de France” La houille blanche, à paraître.
Creton-Cazanave L. et November V. (2017) EU Sequana – La gestion de crise à l’épreuve de l’exercice, La Documentation Française, 240 p.
DRIEE-IDF. (2016) «Réduire la vulnérabilité des réseaux structurants d’Île-de- France en cas de crues, c’est l’objectif de la signature de la déclaration d’intention.» DRIEE Ile-de-France. 21 03 2016.
Fujiki, K. (2017). Etude prospective des impacts sociaux d’une inondation majeure en région Ile-de-France. Disparités socio-spatiales dans la prise en charge des populations franciliennes en situation de crise et post-crise : une analyse cartographiée et quantifiée des besoins des ménages, de l’évacuation à la reconstruction. Phd thesis. Université Jean Moulin Lyon 3.
Haraguchi, M., Kim, S. (2014). - Critical infrastructure systems: a case study of the interconnectedness of 404 risks posed by hurricane Sandy for New York city. Input paper prepared for the Global Assessment 405 Report on Disaster Risk Reduction 2015. Columbia Water Center, the Earth Institute, Columbia 406 University, UNISDR.
Héry M., Edjossan-Sossou A.M., Deck O., Mehdizadeh R. (2019), Probabilistic model of building evacuation during a flood. Conférence : European Safety and Reliability Conference (ESREL 2019)
Lhomme S., Vuillet M., Cariolet J-M., Del Mondo G. (2019). “Des outils d’aide à la décision pour faire face aux défis de la mobilité dans le cas de crues à cinétique lente” 15eme rencontre Géorisque 2019 « Résilience et adaptation aux catastrophes naturelles », Montpellier, 22 janvier 2019.
Olsvik A J., Mehdizadeh R., Deck O, Edjossan-Sossou A-M, Vuillet M., (2018) “Modelling the Cascade Effect of Failing Critical Infrastructures During a Flood with Multi-Agent Simulation”10 émes Journées de la Fiabilité des Matériaux et des Structures, Bordeaux, 27 et 28 mars 2018.
Pottier N. Daniel J., Vuillet M. 2017 (à paraître). Analyse des retours d’expérience d’inondation majeures pour la résilience des réseaux urbains, in Géorisques , Leone F., Vinet F., Presses Universitaires de Montpellier.
 Crédit photo : Marie Bocquentin (doctorante, RGC4)
Partager :