Rénovation énergétique : l’urgence d’accélérer !

Rédigé par

Olivier Durin

1642 Dernière modification le 15/04/2019 - 11:38
Rénovation énergétique : l’urgence d’accélérer !

Article rédigé par Sabrina Tiphaneaux, Directrice du Pôle énergie – Industries, « Les Échos études »

Les volontés d’accélérer la rénovation énergétique du parc résidentiel sont là, mais le marché est poussif. Le nombre de rénovations complètes a du mal à décoller, butant sur deux écueils : la rentabilité des projets et la relative complexité de la démarche pour les ménages.

Sur un marché très encombré, les acteurs qui seront en mesure de lever ces deux principaux freins en jouant le rôle de guichet unique s’ouvrent un potentiel de près de 20 milliards d’euros par an.

C’est l’une des conclusions phares à laquelle sont parvenus les consultants des Echos Etudes dans leur dernière publication « Le marché de la rénovation énergétique des logements » (décembre 2018).

Une priorité nationale

Le plan de rénovation énergétique des bâtiments annoncé début 2018 se met en place. La campagne FAIRE (Faciliter, Accompagner et Informer pour la Rénovation Energétique) a démarré en septembre 2018. 14 milliards d’euros d’aides seront mobilisés dans les 5 ans pour la rénovation de 500 000 logements par an.

L’enjeu est de taille : 27 à 29 millions de logements ont une étiquette énergétique de D ou moins alors que les prix des énergies flambent. Sur les dix dernières années, à l’exception du fioul, toutes les autres énergies ont augmenté deux à trois fois plus vite que l’inflation.

Lutter contre la précarité énergétique devient une urgence quand on sait qu’elle concerne 7 millions de Français. Le remplacement des équipements les moins performants est aussi une priorité dans un secteur qui émet, chaque année, près de 61 millions de tonnes de CO2.

Et pourtant, l’ambition n’est pas nouvelle. Déjà, le PREH (Plan de rénovation énergétique de l’habitat) lancé en 2012, fixait les mêmes objectifs sans y parvenir. Selon l’estimation des Echos Etudes, entre 310 000 et 340 000 logements ont fait l’objet de travaux de rénovation énergétique en 2017. Autant dire que le compte n’y est pas…

Intensifier le soutien

Le principal frein au décollage du marché reste le coût des travaux. Pour une rénovation énergétique efficace, il faut compter plus de 25 000 euros en moyenne, pour un temps de retour sur investissement qui se situe plutôt entre 15 et 25 ans.

Des chiffres qui ont de quoi faire hésiter les ménages. Même les plus convaincus décalent leurs dépenses ou ne réalisent qu’une partie des travaux nécessaires.

Certes, il existe de nombreux dispositifs d’aides à la rénovation qui permettent de financer, tout ou partie, des travaux. Mais ils sont assez peu connus des ménages et relativement complexes. D’autant plus que leurs modalités changent régulièrement. Ces effets de « stop and go » pèsent fortement sur la dynamique de certains segments de marché.

Dans ces conditions, les objectifs semblent difficilement tenables. Pour le logement social, l’ambition paraît plus réaliste compte tenu de l’historique des réalisations. Pour le reste du parc, cela semble plus compliqué.

Le durcissement du mécanisme des CEE produira ses effets jusqu’en 2020, avant sans doute un relâchement avec l’entrée dans la période suivante. Au-delà, il faudra intensifier le soutien si l’on veut relever le défi de rénover tout le parc de logements au niveau BBC-rénovation d’ici 2050.

Un marché de près de 20 milliards d’euros

Bien que poussif, le marché est attractif. Il représente un potentiel de près de 20 milliards d’euros par an selon les estimations des Echos Etudes. Une multitude d’acteurs se positionnent pour tenter de capter cette manne avec, au centre du jeu, les artisans/installateurs. Ils sont courtisés par tous les acteurs de la rénovation et s’organisent en réseaux (Eco Artisan, Synerciel…) pour mutualiser leurs ressources.

Les fabricants de matériaux et d’équipements (Atlantic, Rockwool…) de leur côté, structurent leurs offres et misent sur leurs réseaux de partenaires installateurs. Quant aux fournisseurs d’énergie, ils cherchent à placer leur offre d’énergie au moment des rénovations et collecter des CEE pour satisfaire à leurs obligations.

Les négociants en matériaux (Bigmat, Point P…) et les enseignes spécialisées (Castorama, Lapeyre, Leroy Merlin…) s’appuient sur leurs points de vente et leurs liens étroits avec les artisans/installateurs pour attirer les projets. Enfin, de nombreux acteurs cherchent à prendre une place en développant une approche globale (Cozynergy, Mychauffage.com…) ou en jouant le rôle d’intermédiaire (Enchantier.com, Illico-travaux.com…).

Dans les années à venir, la concurrence va s’intensifier entre ces différents acteurs. La bataille fait rage pour drainer les projets des ménages et s’imposer comme le point de passage incontournable. Avec, en toile de fond, un risque d’intermédiation qui se profile pour nombre d’entre eux.

 

Estimation par Les Echos Etudes du marché de la rénovation énergétique du parc de logements privés en 2017
Source : « Le marché français de la rénovation énergétique », Les Echos Etudes, décembre 2018

 

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