[Regard d'expert] De l’énergie fossile à la chaleur verte, en Flandre et en Europe

Rédigé par

D2Grids Project

2350 Dernière modification le 27/09/2019 - 10:40
[Regard d'expert] De l’énergie fossile à la chaleur verte, en Flandre et en Europe

Le chauffage et la climatisation de nos bâtiments et de notre industrie représentent la moitié de la consommation d'énergie de l'UE. Dans les ménages européens, le chauffage et l'eau chaude représentent à eux seuls 79% de la consommation finale totale d'énergie (9,348 pétajoule) ; pour les ménages belges, la part du chauffage et de l'eau chaude représente au total 85% de la consommation finale (290 pétajoule). En Belgique, 87% du chauffage est encore produit à partir de combustibles fossiles alors que seulement 10% est produit à partir d'énergies renouvelables, principalement à partir de la biomasse. Pour atteindre les objectifs de l'UE en matière de climat et d'énergie, le secteur du chauffage doit réduire fortement sa consommation d'énergie et diminuer son utilisation de combustibles fossiles.

La directive européenne révisée sur les énergies renouvelables intègre le secteur du chauffage et de la réfrigération, en fixant un objectif indicatif de 1,3 % d'augmentation annuelle moyenne des énergies renouvelables entre 2021-2030. Par ailleurs, l'UE s'est engagée à décarboniser le secteur de l'énergie, y compris le chauffage et le refroidissement des bâtiments et de l'industrie, afin de parvenir à une économie des émissions de gaz à effet de serre nette nulle d'ici 2050. Ces engagements se reflètent également dans le pacte énergétique belge : l'objectif n'est plus de chauffer les bâtiments avec des combustibles fossiles d'ici 2050, mais avec des technologies renouvelables et à faible émission carbone (pompes à chaleur, chauffage urbain, géothermie, chaleur solaire, biomasse, biogaz ou gaz synthétique). Des mesures supplémentaires dans le secteur du bâtiment sont introduites dans le projet de Plan Politique climatique flamand 2021-2030 pour atteindre ces objectifs, ce qui pourrait entraîner une réduction d'environ 44 % des combustibles fossiles d'ici 2030 par rapport à 2005.

Ces niveaux d'ambition impliquent des défis importants pour le secteur du chauffage en Europe, fortement d'hétérogène. Le secteur du chauffage se compose en effet de nombreux petits acteurs aux niveaux local et national, s'appuyant sur une diversité de technologies, d'infrastructures et de sources d'énergie, et opérant dans des conditions climatiques et géographiques différentes. Contrairement à l'électricité, la chaleur ne peut pas être transportée efficacement sur de longues distances, c'est pourquoi la capacité de production de chaleur doit être déployée relativement près de son point d'utilisation. Étant donné que les bâtiments diffèrent par leur taille, leur année de construction et leur fonction, les systèmes de chauffage des bâtiments doivent être adaptés à leurs caractéristiques. Pour répondre à ces besoins divergents, un large éventail de technologies a été développé du côté de l'offre, allant des solutions à l’échelle d’un seul bâtiment (fioul, le gaz naturel, les appareils solaires thermiques, les systèmes de pompes à chaleur), aux solutions multi-bâtiments ou réseaux de chauffage urbain (basés sur les combustibles fossiles, la chaleur fatale industrielle ou encore la chaleur renouvelable de source géothermale, les déchets, le biogaz, la biomasse, les pompes solaires thermiques, etc). En raison de la forte dépendance locale, de la grande variété des solutions technologiques et de la structure fragmentée des acteurs, le processus de décarbonisation représente un défi de taille pour le secteur du chauffage, par rapport à d'autres secteurs comme l'énergie éolienne et solaire terrestre. En savoir plus. 

Il est fondamental de tenir compte de la complexité technique et non technique du procédé pour accélérer la mise en œuvre de la chaleur bas carbone. Les ingrédients essentiels de la décarbonisation sont l'existence d'une stratégie claire à long terme, prenant en compte les limites du contexte local, l'identification des obstacles et des catalyseurs permettant d'établir des connaissances communes parmi les acteurs de la chaleur à faible teneur en carbone, ainsi qu'un système de surveillance adéquat afin d’évaluer les progrès réalisés. Dans ces domaines, Energyville offre un soutien étendu aux décideurs politiques, tant au niveau local qu’au niveau européen.

Pour ne plus chauffer nos bâtiments avec des énergies fossiles d'ici 2050, le changement de nos combustibles est nécessaire, loin des sources fossiles comme le mazout et le gaz naturel. Une étude récente d'Energyville à l'appui du Plan de Politique climatique flamand 2021-2030 a indiqué que les solutions de chauffage bas carbone, où les chaudières au fioul sont progressivement supprimées, sont relativement moins chères que les chaudières au gaz naturel. Du point de vue du système, il peut donc être recommandé de donner la priorité au remplacement des installations au fioul par des alternatives plus durables. L'élimination progressive des chaudières au fioul est une tendance qui dure depuis des décennies : dans le bilan énergétique flamand, nous constatons une diminution de la part du fioul dans la consommation énergétique résidentielle d'environ 50% en 1990 à environ 25% en 2017. Cette tendance a été principalement induite par le remplacement des chaudières au gaz naturel et, dans une moindre mesure, par des solutions à faible émission de carbone. Par conséquent, la récente coalition de fabricants, de fournisseurs d'énergie, d'installateurs, d'organisations environnementales et d'experts a pour ambition d'arrêter l'installation de nouvelles chaudières au fioul d'ici 2021 et de ne permettre que la vente et l'installation de solutions de chauffage durables d'ici 2030.

 

Le remplacement des chaudières au fioul par des chaudières bas carbone sera efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais insuffisant pour répondre à une demande de chauffage entièrement décarbonisée d'ici 2050. D'autres options technologiques pour couvrir la demande de chauffage existent, telles que l'électrification par les pompes à chaleur, la biomasse, la géothermie profonde, la valorisation de l'excès de chaleur industrielle, ou à long terme l'hydrogène ou le méthane vert ou synthétique. Tous ces vecteurs énergétiques peuvent avoir leur place dans la couverture de la demande énergétique future à l'horizon 2050, mais dépendent fortement des obstacles et des leviers propres à chaque technologie.

Dans l'étude MIRA Environmental Outlook 2018: Solutions for a sustainable future, les parties prenantes ont organisé des ateliers pour cartographier les obstacles et les leviers de la chaleur durable en Flandre. Voici certaines conclusions concernant les pompes à chaleur basse température : pour que les pompes à chaleur deviennent une solution crédible à faible teneur en carbone, trois transitions sans rapport avec les pompes à chaleur doivent se produire : 1) une transition vers un approvisionnement en électricité à faible teneur en carbone, 2) une transition vers un parc de logements bien isolés par le biais de rénovations et 3) une transition vers des systèmes de distribution de chaleur domestique basse température (ex. chauffage au sol). La condition la plus difficile pour le succès d'une transition vers les pompes à chaleur pourrait donc être totalement indépendante de la technologie elle-même. De plus, la structure de la facture énergétique actuelle entrave la massification des pompes à chaleur, car elles sont actuellement plus chères à l'achat et à l'utilisation que les chaudières à gaz. Comme indiqué dans le projet de Plan de Politique climatique flamand 2021-2030, une taxe verte pour augmenter la facture de gaz naturel et réduire la facture d'électricité améliorera la rentabilité des pompes à chaleur.

 

Si les réseaux de chaleur urbains ne sont pas uniquement liés aux sources d'énergie renouvelable, l'évaluation de l'UE-28 intitulée Policies and measures on renewable heating and cooling in Europe montre que le chauffage urbain est un facteur favorisant une part plus élevée d’énergies renouvelables : Les États membres de l'UE où la part des énergies renouvelables dans le chauffage et la climatisation en général est particulièrement élevée sont également les États membres disposant de vastes réseaux de chauffage urbain (Danemark, Finlande, Suède et pays baltes). Cette évaluation souligne également l'importance de la réglementation en tant qu'instrument politique de soutien au chauffage urbain : les pays sont tenus d'adopter une législation nationale pour réglementer leur marché du chauffage urbain. Le chauffage urbain est considéré comme une option rentable pour fournir du chauffage et de l'eau chaude sanitaire aux bâtiments situés dans des zones densément peuplées. Pour la Belgique, on s'attend à ce que 37 % de la demande de chaleur puisse être satisfaite par les réseaux de chaleur et de froid (base de référence < 5 %). L’un de ses avantages réside dans la possibilité de valoriser la chaleur fatale des industries ou la chaleur produite par les centrales de cogénération, la biomasse, l'énergie solaire ou les systèmes géothermiques (profonds). Pour décarboniser la chaleur, le défi est d'intégrer autant que possible ces sources d'énergie durables disponibles, qui malheureusement fluctuent et ne sont souvent pas disponibles au moment voulu. L'utilisation de la flexibilité intrinsèque d'un réseau de chaleur urbain permet de produire plus d'énergie à partir d'une plus petite source d’énergie durable, résultant en des réseaux plus efficaces et plus compétitifs. En outre, le chauffage urbain peut même soutenir les réseaux électriques en faisant fonctionner des pompes à chaleur et des centrales de cogénération à des moments de surplus ou de pénurie d'énergie renouvelable sur les réseaux électriques. Le principal obstacle au chauffage urbain par rapport aux réseaux de gaz ou d'électricité est un coût d'installation plus élevé et des pertes de rendement plus élevées pendant le transport. Pour minimiser cela, les réseaux de chauffage urbain de demain fonctionneront à des niveaux de température inférieurs à ceux d'aujourd'hui, causant moins de pertes et permettant l'utilisation d'une chaleur excédentaire de faible qualité et renouvelable. La numérisation des réseaux sera un élément clé de cette transition, qui a été, entre autres, développée dans le cadre du projet européen H2020 STORM . Par exemple, le contrôleur STORM optimise la demande de chaleur des bâtiments et des quartiers en fonction de l'apport de chaleur au moyen d'algorithmes d'auto-apprentissage. Ce contrôleur, testé avec succès sur deux démonstrateurs (aux Pays-Bas et en Suède) avec une réduction significative des émissions de CO2, est actuellement en cours de commercialisation. Dans le projet suivant H2020 TEMPO, les caractéristiques de ce contrôleur sont étendues.

 

En raison de l’importance du contexte local et de la grande variété des solutions technologiques, une évaluation à l'échelle régionale tenant compte des possibilités et limites géospatiales est essentielle pour définir une stratégie de décarbonisation. Cette stratégie ne peut être imposée d’en haut par les autorités régionales ou nationales ; les collectivités ont un rôle important à jouer dans la transition vers la chaleur durable dans l'environnement bâti car elles sont bien placées pour traiter les aspects sociaux, environnementaux et économiques locaux. De ce point de vue, le principe de subsidiarité semble jouer un rôle en faveur des autorités locales qui, par exemple, sont de préférence chargées d'élaborer des plans locaux de zonage thermique. Ceci est reconnu dans le projet de Plan Flamand de politique climatique 2021-2030 qui stipule que d'ici 2030, chaque municipalité doit élaborer une stratégie énergétique spatiale pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. Outre les plans de zonage thermique, un autre mécanisme à été développé pour aider les autorités locales à élaborer des stratégies énergétiques spatiales le «Heat Check », Warmtetoets. Il permet stimuler les solutions thermiques à faible teneur en carbone pendant les moments de transition sur le territoire municipal, en fournissant un cadre de réflexion approfondi entre les différentes solutions thermiques. Sous l'autorité de l'Agence flamande de l'énergie, Energyville cartographie actuellement les exigences du bilan thermique, en consultant les acteurs concernés sur le terrain.

EnergyVille offre des outils et des études pour soutenir les scénarios énergétiques à long terme pour les municipalités, à la fois pour des conseils technologiques concrets, des stratégies de rénovation et des études géospatiales de haut niveau. En tant que conseiller indépendant, Energyville accompagne les autorités dans les études de faisabilité technique et économique de cas concrets de chauffage urbain et de récupération de chaleur excessive Energyville est également partenaire du projet européen D2Grids visant a déployer les réseaux de chaleur et de froid de 5e génération. En savoir plus

Points clés

1) La décarbonisation du secteur du chauffage dépend fortement du contexte local et nécessite donc une stratégie à long terme claire, l'identification des obstacles et des leviers des technologies de chauffage bas carbone ainsi qu'un système de monitoring adéquat.

2) En raison de l’importance du contexte local, d'une grande variété de solutions technologiques et d'une structure d'acteurs fragmentée, le processus de décarbonisation représente un défi de taille pour le secteur du chauffage. Une évaluation à l'échelle de la région, y compris les possibilités et limites géospatiales locales, est essentielle pour définir une stratégie de décarbonisation. Les autorités locales jouent un rôle important dans la transition vers la chaleur durable. En tant que conseiller indépendant, Energyville accompagne les autorités dans les études de faisabilité technique et économique de cas concrets de chauffage urbain et de récupération de chaleur excessive. 

3) Il est essentiel de mettre l'accent sur l'innovation et le développement technologique des technologies immatures, comme le gaz vert ou l'énergie géothermique. Ces technologies seront nécessaires pour la transition vers une nouvelle génération de réseaux de chauffage urbain à haut rendement énergétique et durables, conçus pour être combinés avec des bâtiments à faible consommation d'énergie.

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