[Dossier Quartiers Bas Carbone] #22 - Vers l’évaluation performancielle des projets d’aménagement opérationnel

Rédigé par

Alliance HQE-GBC

3221 Dernière modification le 06/02/2020 - 12:00
[Dossier Quartiers Bas Carbone] #22 - Vers l’évaluation performancielle des projets d’aménagement opérationnel

L’approche bas carbone ne doit pas se cantonner à des solutions, procédés ou types de matériaux. Il est nécessaire d’agir sur tous les plans : renouvellement urbain, gestion de chantier, déblais, gestion des terres, économie circulaire, formes urbaines, desserte en transports, choix des produits et équipements, place du végétal, performance des bâtiments, mobilités, usages, … 

Elargir la vision nécessite d’avancer sur l’évaluation. Elle seule permettra d’objectiver les choix et de déterminer si oui ou non un projet s’inscrit dans une logique bas carbone en cohérence avec la trajectoire des Accords de Paris.

L’Alliance des professionnels pour un cadre de vie durable porte à travers ses cadres de référence, du bâtiment aux infrastructures en passant par l’aménagement, une vision globale et multicritères. La démarche HQE Aménagement applique les fondamentaux de son approche à la dimension quartier.

Dans le champ de l’aménagement comme aux autres échelles, le programme HQE Performance quartier concrétise sa volonté de co-construire avec eux les cadres et les outils pour accompagner les pratiques des acteurs. Fidèle à sa mission d’innovation, l’Alliance propose sa vision du nécessaire passage, dans l’aménagement opérationnel, des logiques de moyens à celles des résultats en adéquation avec les attentes mais aussi les réalités du terrain.

Deux niveaux d’entrée pour embarquer tous les acteurs dans la culture de l’évaluation

Pour élaborer des cadres et des approches qui ne soient pas déconnectés des réalités du terrain tout en étant scientifiquement fondés, l’Alliance HQE-GBC applique le processus de l’innovation à l’élaboration de méthodes et outils d’évaluation.

En passant par des concours, des appels à test, à outils ou à manifestation d’intérêt, ce process de la recherche à la pratique courante peut s’appliquer à deux niveaux que nous qualifierons ici d’initié et d’expert.

> Des besoins d’un cadre commun d’indicateurs pour une initiation à l’évaluation dès aujourd’hui.

Ex. HQE Performance quartier (http://www.hqegbc.org/amenagement/nos-campagnes/hqe-performance-quartier/)

L’objectif du Test HQE Performance qui s’est déroulé en 2018 était d’abord de développer une culture commune de l’évaluation à l’échelle de l’aménagement opérationnel et de poursuivre son appropriation dans des démarches globales de quartiers durables.

Elaboré dans une dynamique partenariale,

  • en lien avec le label EcoQuartier qui vise à donner l’impulsion et valoriser le portage politique dans une perspective de massification des projets d’aménagement durable,
  • dans la continuité de la certification HQE Aménagement (qui définit des exigences en termes de management et de process d’opérations)
  • et des développements méthodologiques de l’AEU2 porté par l’ADEME (en particulier le référentiel d’évaluation des opérations d’aménagement AEU2 publié en Avril 2017),

Le test HQE Performance quartier visait à poursuivre l’outillage des acteurs de terrain pour objectiver les performances des opérations d’aménagement avec des indicateurs dés aujourd’hui opérationnels et calculables pour tous avec des données disponibles et contribuer ainsi à faire progresser la qualité environnementale des quartiers.

L’importance de la contextualisation justifiait l’ambition -et le test l’a confirmé- d’un intérêt de contribuer à partager une même règle du jeu et une méthode commune d’évaluation pour quelques indicateurs incontournables, sur les thématiques – Mobilité, Energie/Climat et Economie circulaire, ce que nous nommons le niveau initié.

> Des travaux de recherche en cours pour développer les outils experts et méthodes de demain

Ex. projet de recherche Quartier E+C- (http://www.hqegbc.org/respect-environnement/quartier-energie-carbone/)

Lancé fin 2018, le projet de recherche Quartier E+C- a débuté par la définition du cahier des charges de la méthode désormais disponible.

L’état des lieux sur les besoins d’évaluation en énergie et carbone des acteurs de l’aménagement a permis de mieux cerner le besoin des acteurs de l’aménagement opérationnel en termes de méthode d’évaluation et de déterminer de façon pertinente les temps du projet auquel elle pourra éclairer utilement les décideurs pour des projets plus sobres en énergie et en impact carbone.

L’analyse des domaines et leviers d’actions en propose une liste quasi exhaustive et leur classement par type d’approche technique, organisationnelle ou comportementale. Quant au recensement des outils et méthodes existants, il a montré qu’il n’existe pas de méthode qui se serait imposée dans les projets d’aménagement au travers d’une approche standardisée.

En synthèse, le cahier des charges propose pour la méthode à développer une unité fonctionnelle en lien avec l’usager, en rupture avec les conventions actuelles à l’échelle des bâtiments. (Article CSTB)

> Deux approches complémentaires aux temporalités différentes.

Ces deux approches, aux temporalités différentes, proposent de répondre aux besoins pour l’évaluation à l’échelle des opérations d’aménagement et des quartiers en fonctionnement. Elles y répondent de manière différenciée selon le niveau de maturité des acteurs sans être pour autant antagonistes. Dans la partie qui suit, nous proposons, indépendament des niveaux, d’analyser plus en détail les besoins vers une évaluation performancielle.

Les composantes d’une évaluation performancielle

Une évaluation performancielle repose d’abord sur des données et des méthodes, des outils facilitant sa mise en œuvre et des valeurs cibles pour comparer les résultats. Sa diffusion nécessite en outre l’acculturation des acteurs, leur appropriation des méthodes et outils en question pouvant nécessiter une montée en compétences.


 

 

Borner le chemin vers une pratique courante de l’évaluation nécessite donc de mener de concert différentes initiatives en faveur de :

  •   La maturité des acteurs
  •   Le développement des méthodes et la démocratisation des outils
  •   La disponibilité des données
  •   Et enfin la fixation de valeurs cibles

> Maturité des acteurs

L’intégration des enjeux énergie carbone en particulier questionne le rôle des différents acteurs. Ces évolutions rendent d’autant plus nécessaire la participation de tous les intervenants et parties prenantes car elle garantira la prise en compte des usages en conception et les performances en exploitation.

Si dans une logique de performance seuls les résultats comptent, le management reste un moyen pour les atteindre. Les démarches orientées process telle que HQE Aménagement participent de la bonne gouvernance des projets pour accompagner les pratiques : transparence, traçabilité, et dialogue des parties contribuent ainsi à préparer à l’exigence demain d’objectiver ses choix à travers l’évaluation.

Travailler sur l’évaluation à deux niveaux d’engagement participe aussi de l’accompagnement de la montée en puissance et de la maturité des pratiques sur ce sujet.

> Développement des méthodes et démocratisation des outils

Les travaux pour établir les règles d’évaluation des indicateurs environnementaux à l’échelle des bâtiments, via les méthodes d’ACV ont nécessité plusieurs Test HQE Performance, l’implication de nombreux acteurs volontaires et des améliorations au fil de l’eau des règles établies … Ces initiatives en faveur d’approches « expertes » d’évaluation co-existent avec des approches « initiées » pas toujours performancielles mais néanmoins exigentielles (cf. les exigences des référentiels de certification).

Une approche initiale d’exigences en termes de réduction carbone au niveau du quartier pourrait s’exprimer dans différents indicateurs par exemple :

  • Le renouvellement urbain (avec l’idée de favoriser quand cela est pertinent la rénovation plutôt que les démolitions reconstructions et constructions neuves)
  • L’optimisation des VRD
  • La gestion des terres excavées à proximité
  • La récupération des Eaux pluviales
  • L’efficacité énergétique à l’échelle du bâti et des services urbains
  • Les sources d’énergies et de chaleur renouvelables, de récupération et leur mutualisation
  • La conception bioclimatique des bâtiments et des espaces publics
  • L’accessibilité aux transports en commun
  • La mixité fonctionnelle
  • La promotion des mobilités actives

Ces indicateurs sont d’ores et déjà applicables sur les opérations mais nécessitent toutefois une définition claire et partagée de leur mode de calcul (périmètres, unités, ...).

D’un point de vue « expert » à l’échelle des opérations d’aménagement les méthodes pour comptabiliser les quantités de CO2 équivalents ne sont aujourd’hui pas arrêtées. Il n’existe en effet pas de norme ACV Quartier pour les calculer sur l’ensemble du cycle de vie.

Actuellement les outils émergents ou pour certains déjà utilisés (GES Urba, NEST, Urban Print, …) se réfèrent à des règles qui leur sont propres. Les travaux en cours permettront demain l’homogénéisation des méthodes et à terme la démocratisation des outils. (Certains travaux et outils ont été présentés dans ce dossier => lien vers les articles : BBCA / CSTB / Efficacity).

> Disponibilité des données

Peut-être encore plus que dans le bâtiment, le nerf de l’évaluation des quartiers sera la disponibilité des données. En particulier les approches expertes qui nécessitent un nombre important de données, au-delà des données projet. En plus des données d’impact, la prégnance des contextes et des situations des opérations d’aménagement nécessite à la fois de recourir à des SIG et des bases de données nombreuses et éclatées (INSEE, Géoportail, …).

C’est pourquoi, la montée en puissance des évaluations expertes doit être anticipée en confortant dès maintenant les bases et outils de reporting à la fois sur les données contextuelles, de projet ou d’impact.

Pour l’heure, la disponibilité des données contextuelles reste inégale selon les territoires, une grande variabilité des cas étant constatée en lien notamment avec des pratiques et outils de gestion des données existantes au sein des organisations et des territoires. La collecte plus systématique des données reste également à organiser et à structurer (observatoires, cahiers techniques, …). Enfin, il faut aussi conforter les données de base sur les impacts FDES et PEP pour les bâtiments et favoriser leurs équivalents pour les éléments constitutifs de l’urbain.

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Ces actions contribueront demain à pouvoir fixer des objectifs réalistes mais ambitieux, en premier lieu pour le carbone mais sans oublier les thèmes de la biodiversité ou de la santé par exemple car c’est l’essence même de HQE que d’être multicritère.

Le sujet carbone est crucial pour le maintien de conditions de vie qui soient tenables, il n’est toutefois pas en contradiction avec les enjeux de santé, de qualité, et de confort même s’il nous faudra en revoir nos conceptions au fur et à mesure que nous nous éloignerons de la trajectoire des 2°C. C’est pour éviter cela que le quartier bas carbone doit devenir la norme.

http://www.hqegbc.org/amenagement/

 

 Article rédigé par Nathalie Sement, chargée de mission auprès de l'Alliance HQE-GBC

 

Crédit photo : Stefan Nikolovski via Unsplash

 

Consulter l'article précédent :  #21 - Castelnouvel : trois leviers pour un éco-quartier économe et bas-carbone


           

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