Paléo-inspiration : réussir la transition énergétique grâce aux innovations d’hier

Rédigé par

Leonard / Matthieu Lerondeau

Head of Communications & Communities, Leonard

2724 Dernière modification le 12/09/2019 - 10:21
Paléo-inspiration : réussir la transition énergétique grâce aux innovations d’hier

« L’histoire de l’énergie a laissé quantité de bonnes idées sur le bord de la route ». C’est sur ce constat qu’une association française, Paléo-énergétique, promeut un coup d’œil aux vieilles innovations qui pourraient nous montrer de nouvelles manières de répondre à la crise énergétique. Une paléo-inspiration souvent low-tech qui prétend aussi faire prendre un temps d’arrêt au cours sans fin de l’innovation technologique.

Dans le Maine-et-Loire, en 1945, deux bricoleurs, faute de trouver du carburant pour transporter de la farine dans leur camion entre le moulin et l’entrepôt, ont une idée : se servir du moulin à eau pour produire de l’électricité et séparer oxygène et hydrogène, ce dernier étant brûlé, directement, dans le moteur à explosion de leur vieux camion. Ils rouleront six ans avec ce camion. Nous sommes pourtant 73 ans avant le « Plan national de déploiement de l’hydrogène », lancé en 2018 par le gouvernement français en vue notamment de développer des solutions zéro émission pour les transports… C’est dire si l’hydrogène a attendu avant d’être présenté comme une solution d’avenir !

Les « vieux pots » de l’innovation

C’est à ce type d’allers-retours temporels que se livre l’association Paléo-energétique, programme de recherche citoyen et participatif lancé en vue de « réécrire l’histoire de l’énergie ». Expositions itinérantes, interventions pédagogiques, collaborations avec les villes : l’équipe, mêlant des personnalités venues du design, de l’ingénierie ou des beaux-arts, ne ménage pas ses efforts pour « rechercher les innovations d’autrefois pour préparer les solutions de demain ».

Publié l’an dernier, un livre proposant une contre-histoire des innovations énergétiques compile ces « vieux pots », du chauffage solaire aux véhicules électriques, dans lesquels on n’a pas encore cherché à faire de nouvelles soupes. Outre l’alimentation des véhicules à l’hydrogène, on y trouvera de nombreux cas d’usage oubliés quelques décennies durant avant de sortir de la poussiéreuse histoire des techniques pour devenir une innovation attrayante. C’est le cas des coussins à air et du monorail de l’aérotrain, grand projet avorté des années 1970 et qu’un entrepreneur a récemment remis sur le devant de la scène, en y ajoutant simplement une nouvelle brique technologique, indisponible alors – un moteur à induction linéaire alimenté par une pile à hydrogène. Autres inspirations précurseuses : la pile Clamond, première pile thermo-électrique (cogénérant chaleur et électricité) datant de 1874, une allusion à l’autopartage dans un récit de Zola, de nombreux véhicules électriques (dont un tricycle) ou encore une imprimante fonctionnant au solaire dès 1882.

L’urgence climatique, contexte propice à la paléo-inspiration dans l’énergie

Leonard s’en est déjà fait l’écho : ces dernières années, de nombreux chercheurs et ingénieurs ont choisi de puiser leur inspiration dans l’histoire des techniques, en particulier dans le domaine de l’ingénierie civile. La raison n’a rien de hasardeuse : les défis technologiques contemporains – énergétiques, urbains, liés aux modes de production et de construction – appellent tout particulièrement à de nouvelles méthodes, autour de valeurs (durabilité, frugalité, abordabilité, robustesse, simplicité, intégration de la nature voire ouverture) qui n’ont pas été prioritaires dans les cinquante dernières années, et qui peuvent justifier ce coup dans le rétroviseur.

Sur la question des innovations liées tant au stockage qu’à la production d’énergie, dans l’introduction à l’ouvrage Rétrofutur, on retrouve du reste cette idée qu’en période d’accès compliqué aux ressources naturelles (prix, disponibilité), « le bon sens, le low tech, la sobriété » semblent être des arguments qui font facilement mouche. Ordinaire, simple, robuste, durable, autour d’une ressource durable, n’utilisant que des technologies ouvertes, le tout sans laboratoire officiel, ni ingénieurs : l’électrolyse utilisée par nos deux bricoleurs de l’après-guerre coche toutes les cases… et n’est pas loin des préoccupations de Paléo-energétique, de l’efficacité à la précarité énergétique.

En prenant un peu de hauteur, ce retour vers le passé permet aussi de rappeler que, loin de tout déterminisme technologique,  les conditions d’émergence et de massification d’une invention sont multiples, et ne dépendent pas que de leur efficacité technologique et économique. Elles sont aussi – surtout ? – liées au contexte (il suffit par exemple que le prix du baril s’envole durablement pour qu’on s’intéresse avec plus d’attention aux alternatives énergétiques) et de l’intérêt « des divers groupes sociaux qui influencent le processus de conception » (dont le public, mais aussi l’« esprit du temps »). Ainsi, si la « plus grande route solaire du monde » lancée en grande pompe en 2016, n’a pas convaincu, c’est probablement, comme l’explique Le Monde, que les effets d’annonce ont primé sur l’efficacité technique ou environnementale. La route solaire, pourtant, est loin d’être morte-née, sans attendre les paléo-chercheurs du futur ! Entretemps, de nouvelles briques technologiques, ou de nouveaux intérêts, auront surgi.

 

Article publié sur Leonard - Vinci
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