[Entretien] Les Ouvrages Olympiques, levier de développement du réemploi et du recyclage de matériaux sur les chantiers

4674 Dernière modification le 03/08/2020 - 11:35
[Entretien] Les Ouvrages Olympiques, levier de développement du réemploi et du recyclage de matériaux sur les chantiers

La Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (SOLIDEO) a lancé une partie de ses appels d’offres pour la mise en place des équipements des J.O. Elle souhaite en faire des supports d’innovations pour bâtir pour la ville de demain, à travers la mise en place d’objectifs environnementaux ambitieux, et en suscitant la participation de nombreuses TPE et PME. Elle mène notamment une réflexion poussée sur le réemploi et le recyclage de matériaux de chantier, ce qui contribue au développement général de ce marché. Rencontre croisée avec Sébastien Duprat, directeur général de Cycle Up et Emmanuel Cazeneuve, fondateur et PDG de Hesus. Les deux entreprises sont spécialisées dans la gestion des déchets de chantier, et ont remporté des appels d’offre de la SOLIDEO sur le réemploi et le recyclage de matériaux.

La SOLIDEO affiche de très fortes ambitions environnementales. En quoi vos entreprises font-elles écho à cet engagement ?

Emmanuel Cazeneuve : La SOLIDEO porte son attention sur de nombreuses thématiques environnementales, dont la qualité de l’air, la pollution, la biodiversité, mais surtout la gestion des déchets sur les sites de construction. C’est sur ce dernier point que nous sommes particulièrement en phase. Aujourd’hui, les questions liées à l’environnement influencent de plus en plus le déroulement des chantiers, qui doivent revoir leur impact carbone. À Hesus et Cycle Up, nous travaillons sur l’optimisation des matériaux, en revalorisant les déchets de chantiers. Il s’agit d’éviter la surproduction massive de matériaux. Les déchets du BTP, c’est 220 millions de tonnes en France (5 fois le volume des ordures ménagères), et 150 Millions Tonnes de Terres Excavées, dont une partie pourrait très bien être réutilisée sur d’autres chantiers, comme matériaux de construction. Ainsi, Hesus et Cycle Up ont créé des plateformes digitales afin de mettre en contact les différents acteurs des chantiers : ceux qui génèrent des déchets, et ceux qui ont besoin de matériaux pour construire.

Sébastien Duprat : Il y a deux choses à savoir à ce sujet. La première, c'est que l'ambition environnementale ne peut plus être considérée comme une option ou une coquetterie, c'est un facteur de faisabilité d'ensemble du projet. Certaines grandes opérations échouent douloureusement à cause de ce critère. La seconde, c'est que de manière générale, on sous-estime beaucoup l'impact environnemental du secteur de la construction. Or, les gains tirés de l’optimisation des matériaux sont cruciaux. Le point commun de Cycle Up et Hesus, c’est que nous lions l’outil digital, et le caractère opérationnel. On n’a rien inventé, il ne s’agit pas de changer la totalité des acteurs et leur savoir-faire, mais d’optimiser leurs échanges de matériaux.

 

 

Quels sont les avantages du recyclage et du réemploi de matériaux sur les chantiers ? 

E. C. : Le recyclage et le réemploi présentent des atouts économiques non-négligeables. Tout d’abord, nos solutions circulaires coûtent moins cher que les solutions classiques (linéaires) d’approvisionnement en matériaux. Mais en plus, elles gagnent en productivité, grâce à notre plateforme digitale qui facilite la logistique. Cette plateforme, c’est pour les clients un véritable point d’entrée ouvrant l’accès à toutes les solutions du marché permettant de gérer leurs matériaux. On prend en compte le prix, l’aspect circulaire et la faisabilité des solutions proposées. On vérifie également qu’elles correspondent bien à la taille du chantier concerné. De plus, la plateforme digitale permet de récolter des données qui servent à optimiser les déplacements des camions et donc de réduire l’impact carbone des chantiers.

S. D. : Dans nos métiers, on fait du réemploi et du recyclage de déchets tous les jours. L’important, dans l’optimisation, c’est de savoir choisir le bon outil au bon moment. On n’essaie pas de faire de la réutilisation à tout prix. C’est important que la solution choisie corresponde aux besoins du client, et surtout qu’elle soit économiquement viable. C’est pourquoi on a développé une palette de solutions pour utiliser les déchets des chantiers. Plus on accompagne les clients en amont, plus on sera à même de les guider vers des choix optimisés. Pour l’instant, on n’a jamais atteint 100 % de recyclage et de réemploi sur un projet. D’ailleurs, cela ne sert à rien de pousser à 100 % si ce n’est pas économiquement viable pour le chantier. Mais, même pour 15 %, ça vaut le coup de se mobiliser. Cela montre qu’on avance.

 

3. Comment créer une synergie entre les différents acteurs impliqués dans les processus de gestion des déchets de chantier ?

S. D. : Notre marché a l’avantage d’être un marché émergent. Il y a de la place pour tout le monde pour l’instant, c’est donc facile de mettre en place des synergies entre tous les acteurs du recyclage et du réemploi. Nous avons choisi de nous inscrire dans une démarche d’économie collaborative. Un même acteur peut être un jour notre fournisseur, et le lendemain notre client. Nos relations se basent sur la transparence et la fiabilité. Il faut que l’on soit exemplaires. On demande à nos clients de collaborer, alors qu’ils peuvent être en concurrence d’habitude. On doit donc garantir les conditions de cette collaboration.EE

E. C. : Comme le marché est loin d’être saturé, certaines structures qui marchent bien peuvent servir d’exemple pour d’autres, et les tirer vers le haut. Le rôle de Cycle Up et Hesus, en tant qu’entreprises déjà installées dans le secteur, c’est d’aider les plus petites à émerger. C’est un fait, on ne pourra pas tout faire sur le marché. On a besoin des autres. Plus le marché va se développer, plus les différents chantiers pourront intégrer la dimension réemploi et recyclage de matériaux. C’est pourquoi Hesus a mis en place une nouvelle structure, The Chantier, qui aide les starts-up à se développer. Il y a beaucoup de travail à faire avec les acteurs de l'économie sociale et solidaire également. Il peut encore exister des incompréhensions entre nos structures, mais cela est en train de changer. Et c'est pour le mieux.

S. D. : L’évolution de nos entreprises, notamment Hesus qui est en super-croissance depuis 10 ans, montre bien qu’il est possible de développer un modèle économique soutenable derrière les préoccupations environnementales. C’est très important pour inciter les acteurs de l’aménagement, pour les promoteurs, qui se projettent dans le long terme, à utiliser nos solutions. La viabilité de notre modèle les rassure. Le problème du secteur associatif, c’est qu’il dépend beaucoup des subventions. Il y a peu de visibilité de long terme. Ce qui peut décourager de faire appel à eux pour des projets de long terme.

  

Vous proposez la mise en place d’un « showroom du faire » dans le cadre de votre participation aux Ouvrages Olympiques. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

E. C. : L’objectif premier de ce showroom, c’est de partager des solutions locales, qui pourraient être déployées à grande échelle. À l’origine, avec Cycle Up, on voulait trouver un lieu pour créer et montrer un savoir-faire autour du recyclage et du réemploi de matériaux dans le mobilier urbain. Nous voulons montrer au monde le savoir français en terme d’économie circulaire.

S. D. : Nous avons pensé ce showroom en trois temps. Avant les J.O., pendant la phase de programmation et de chantier, il servira à créer de l’innovation, à faire émerger des solutions. C’est donc un lieu ouvert à tous les acteurs du recyclage et du réemploi, un lieu de synergie. Il s’agit de développer et partager les compétences, les formations et les savoir-faire. Pendant les J.O, le showroom aura vocation à montrer à tous les usagers des ouvrages olympiques, visiteurs, délégations et même sportifs, les différentes innovations qui auront émergé. Ce sera un lieu d’exposition. Enfin, après les J.O, il s’agira de continuer à générer de l’activité économique à partir de ces solutions. C’est la phase d’héritage, qui est primordiale pour développer le secteur du réemploi et du recyclage.

 

La SOLIDEO a investi 12M d’euros dans le Paris Fond Vert. En quoi cela participe au développement d’un modèle économique autour de la transition durable ?

E. C. : Un des problèmes majeurs auquel font face les entreprises, c’est le manque de fonds propres. Si la SOLIDEO émet des marchés à destination des ETI ou des PME, mais que ces dernières n’ont pas de fonds propres, elles pourront difficilement répondre aux appels d’offres. C’est pourquoi la SOLIDEO a décidé d’investir dans le Paris Fond Vert, qui aide les entreprises (PME à forts potentiels et offrant des solutions à impact positif pour l’environnement) à se développer en leur apportant des fonds. Cela permet de donner leurs chances à des plus petites structures, moins solides financièrement que les grands groupes, mais qui ont des innovations intéressantes à apporter et un très fort potentiel de croissance. 

S. D. : Effectivement, et il ne faut pas perdre de vue que les fonds propres, c’est surtout important pour la deuxième phase de croissance d’une entreprise. En premier lieu, il est nécessaire de trouver des clients. S’il n’y a pas de marché, peu importe les fonds de base, l’entreprise ne survivra pas. La SOLIDEO veille à maintenir le rôle des TPE et ETI dans les Ouvrages Olympiques et ce type d’initiative constitue un message non négligeable à l’encontre du monde des TPE-PME-ETI.  

 

Quels conseils souhaiteriez-vous donner aux TPE et PME intéressées par les appels d’offre de la SOLIDEO ?

E. C. : Il faut y aller. 100 % des gagnants ont tenté leur chance. Il faut absolument s’associer entre structures. Nous, à chaque fois, nous avons gagné avec d’autres sociétés, jamais seuls. Le consortium est un point clé de la réussite. Il est également très important de se faire connaître, et de faire parler de sa solution, avant de répondre aux appels d’offre. Si jamais vous êtes sélectionnés, cela vous servira de tremplin. La SOLIDEO donne une très bonne visibilité sur les autres marchés, elle permet d’être identifié par les acteurs du secteur. C’est la porte d’entrée pour l’ensemble de ces marchés et des maîtres d’ouvrages respectifs. 

S. D. : Les Ouvrages Olympiques, c’est un très gros projet. Il est nécessaire d’avoir des innovations ambitieuses au niveau environnemental, qui soient concrètes, fiables, et réalisables dans les délais imposés. Pour postuler, il faut pouvoir répondre à ces critères. En général, plus les délais d’un chantier avancent, plus les ambitions environnementales deviennent secondaires, car il faut le boucler à temps. Mais on sait que la SOLIDEO veillera à les maintenir au premier plan jusqu’au bout. Si vous pensez avoir des solutions adaptées aux appels d’offre, n’hésitez pas.

 

  Sébastien Duprat

 Directeur général de Cycle Up

Emmanuel Cazeneuve

PDG de Hesus

 

 

 

 

Propos recueillis par Manon Salé - Construction21 la rédaction

 

PME & TPE : nous avons besoin de vous !

Rejoignez la plateforme #entreprises2024 et participez aux appels d’offres liées à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024

Je consulte les appels d’offre

 

 

 

Communauté Construction Bois
Retrouvez toute l'actualité des Ouvrages Olympiques 2024 sur Construction21.

 

Partager :