Matériaux bio-sourcés, la chimie végétale s'organise

La chimie verte sort peu à peu des laboratoires pour rejoindre les entreprises et intégrer les lignes de production en série. 

Elle est notamment mis en œuvre dans des bioraffineries,  ces nouvelles filières industrielles qui transforment la biomasse agricole, forestière et algale en une diversité de produits biosourcés: ingrédients et compléments pour l’alimentation humaine et animale, biomolécules, agromatériaux, bioénergies (biocarburants, électricité, chaleur). 

En France, une structure industrielle de ce type s'est ainsi mise en place autour du pôle de compétitivité IAR, en Normandie, Picardie et Champagne-Ardennes, un pôle qui réunit 130 acteurs et est situé à Laon. 

L'IAR regroupe des industriels, des agriculteurs, des organismes de formation et des organismes de recherche sur les produits bio-sourcés. 

Son champ d’action s'étend du laboratoire jusqu’au développement industriel.

Leader français pour la fourniture de produits non-tissés aiguilletés à base de fibres naturelles, l'entreprise normande EcoTechnilin fournit un bon exemple d'application des recherches menées. 

Ses matières premières sont le lin, le kenaf, le jute et le chanvre. « Sur le long terme, les industriels savent que le prix du pétrole va augmenter et que la ressource va poser des problèmes d'approvisionnement. Nous travaillons donc à fournir une alternative au pétrole... et il commence à y avoir une demande » explique Karim Belhouli, directeur général.
Une demande qui émane du secteur du bâtiment (sous-couches de parquet, dalles de plafond, revêtements muraux) et des équipementiers automobile (tablettes arrières, fonds de coffre et passages de roues, intérieurs de portes...). « Nos matières présentent les mêmes qualités que les matériaux non renouvelables. C'est l'objet de travaux de recherche depuis des années, qui aboutit aujourd'hui à une production de 7000 tonnes/an de matériaux 100 % bio-sourcés pour les industriels »  se réjouit Karim Belhouli.

Créée en 1995, basée à Yvetot et composée de 30 collaborateurs, EcoTechnilin produit notamment des matériaux en composite lin (d'origine normande) et résine issue des déchets de l'industrie sucrière. La résine est une sorte de caramel liquide (alternatif à la résine polyuréthane) appliquée sur le lin puis séchée. Elle a pour fonction de faire la forme du produit et de rigidifier l'ensemble.  Ce matériau « naturel »  peut être associé à un noyau en liège. « Sa légèreté, sa grande rigidité et ses propriétés de résistance au feu en font un matériau compétitif pour des applications dans le secteur du bâtiment » précise le directeur général. 
EcoTechnilin représente l'une des étapes de la  bio-raffinerie du lin, que l'on peut décrire comme ceci : 

- huile et graines vont à l'alimentation animale ou la peinture
- la paille est transformée par les producteurs de panneaux de particules 
- les fibres longues du lin servent pour le textile 
- les fibres courtes servent au papier de banque et au papier cigarette,
- les fibres courtes plus « nobles », car plus résistantes sont employées par EcoTehnilin. C'est là qu'intervient la transformation chimique la plus complexe, car le produit doit résister à la chaleur des fours industriels.  Ces fibres ne sont pas consommables par les animaux. 
- les poussières servent à faire du terreau. 

Le plus gros frein au développement de cette chimie verte ? 

« Rassurer l'utilisateur final quant aux volumes disponibles, répond Karim Belhouli et donc organiser la filière pour que les producteurs agricoles ne changent pas de culture d'une année à l'autre. Il faut aussi se situer exactement au même prix que les matériaux classiques. Ce qui est encore difficile, on ne fait pas de gros bénéfices ! »

Jean-Philippe PIE - Source Blog salon ecobat - http://blog.salon-ecobat.com/materiaux-bio-sources-la-chimie-vegetale-sorg

Leg photo : EcoTechnilin dispose de deux lignes de production en usine (cf photo) et d'un laboratoire où sont mis au point puis testés les produits.