Les microgrids : des réseaux smart et décentralisés au service de la transition énergétique

Rédigé par

David Ascher

GÉRANT

3184 Dernière modification le 17/07/2018 - 10:22
Les microgrids : des réseaux smart et décentralisés au service de la transition énergétique

Les microgrids, par leur souplesse et leur modularité, peuvent répondre à de nombreux enjeux énergétiques. Mais les chalenges à relever pour leur généralisation sont encore nombreux. Détails avec Justine Lux, Consultante mc2i Groupe.

 

 

 

Des réseaux connectés ou îlotés

Les microgrids sont des réseaux intelligents de petite taille qui reposent sur des moyens locaux de production d'électricité et de chaleur et apportent un approvisionnement électrique à un petit nombre de consommateurs afin de leur fournir une alternative, moins chère et plus fiable, aux réseaux électriques centralisés. 

La particularité des microgrids par rapport aux Smart grids ou tout autre type de réseau, est que ces micro réseaux intelligents peuvent fonctionner en synchronisation avec le réseau général ou en mode îloté grâce à des solutions de stockage et un système de contrôle intelligent. L'ilôtage signifie que les microgrids peuvent se désynchroniser du réseau national d'électricité, permettant ainsi à un groupement de bâtiments de s'approvisionner en électricité en parfaite autonomie.

Les principaux enjeux des microgrids

Pour chaque projet de microgrids, un ou plusieurs enjeux sont clairement identifiés en amont du projet, ce qui permet de définir le niveau de complexité de l'architecture microgrids à mettre en place ainsi que les différents composants et solutions techniques à utiliser.

Etendre la couverture énergétique : Les microgrids permettent d'électrifier les zones isolées qui sont faiblement ou non raccordées aux réseaux électriques, comme par exemple les territoires insulaires ou les villages dans les pays en voie de développement. La mise en place de microgrids leur offre également l'opportunité de ne plus dépendre uniquement des énergies fossiles. C'est le cas du projet PowerCorner avec un microgrid solaire en Tanzanie.

Assurer la sécurité d'approvisionnement : Les microgrids avec leur capacité d'îlotage permettent de sécuriser l'approvisionnement énergétique en fournissant de l'électricité pendant les périodes de coupures de courant ou de perturbations sur le réseau principal de distribution. Exemple avec le projet microgrid dans un centre médical à Austin pour assurer le maintien des opérations

Optimiser la facture énergétique : Avec l'installation d'infrastructures de production d'énergies vertes telles que les panneaux solaires, les clients de zones résidentielles ou de zones d'activité économiques peuvent optimiser au mieux leur consommation d'électricité en choisissant soit de s'approvisionner en électricité depuis le réseau principal ou depuis le microgrids en fonction de l'offre la moins chère à un instant donné. C'est l'objectif du projet Nice Grids à Carros pour assurer l'équilibre de l'offre / la demande d'électricité.

Produire et consommer une énergie verte : L'intégration des nouvelles sources d'énergies renouvelables au sein des microgrids permettent d'envisager une véritable transition vers des infrastructures plus durables et à très faible empreinte carbone. Les unités de stockage peuvent de surcroît pallier les problématiques de variations imprévisibles propres aux EnR grâce à leur capacité à conserver l'énergie produite pendant plusieurs jours. D'où le projet microgrids 100% photovoltaïque au cirque du Mafate sur l'île de la Réunion.

Maintenir l'équilibre du réseau : Les microgrids ont la capacité d'absorber les perturbations transitoires sur le réseau et de maintenir une fréquence et une tension stables de l'électricité grâce au contrôleur installé au cœur du système microgrids, ce qui s'avère particulièrement utile pour les zones industrielles où différents moyens de production et vecteurs d'énergie cohabitent. C'est l'objectif du projet microgrids APS au sein de WWECC aux USA pour restaurer la stabilité de la fréquence.

Les trois challenges auxquels doivent faire face les microgrids

De nombreux projets microgrids ont pu voir le jour grâce aux initiatives lancées et financées par les acteurs institutionnels et privés. Mais ces projets sont pour la plupart des exemples isolés car des barrières bloquent encore la démocratisation de cette technologie.

Le premier challenge est d'ordre économique : la complexité de la fonction d'îlotage qui en fait la particularité des microgrids augmente considérablement les coûts d'investissement et d'infrastructures par rapport aux réseaux locaux intelligents qui ne comportent pas cette caractéristique et qui peuvent être donc plus compétitifs. Les coûts et la valeur ajoutée des microgrids doivent donc être estimés avec précaution afin d'évaluer leur adéquation avec les besoins énergétiques des clients finaux. Au-delà de la question de la pertinence économique des microgrids, il demeure difficile de définir si les microgrids sont des réseaux privés ou s'ils répondent à une mission de service public. Le modèle d'affaires et les modalités de tarification de ces mini réseaux restent encore à façonner.

Cette difficulté de définition pose également un second challenge de nature règlementaire. Par exemple, le caractère privé ou public du réseau de distribution n'est pas pris en compte par le droit européen pour définir le régime applicable à ce réseau et à son gestionnaire. En France, une ordonnance a ouvert la voie fin 2016 aux réseaux fermés de distribution dans l'industrie mais les modalités d'îlotage ne sont pas précisées. Le cadre législatif autour des microgrids n'est pas encore mature mais son évolution devrait permettre le développement et l'expansion de ces mini réseaux intelligents.

Enfin, l'exploitation des microgrids induit des défis d'ordre technique. L'infrastructure technologique des microgrids permet la synchronisation et désynchronisation au réseau principal. Mais passer de l'interconnexion à l'îlotage peut entraîner des déséquilibres offre-demande de puissance. Aussi, si les microgrids ont besoin de se déconnecter rapidement du réseau principal en cas de défaillance de celui-ci, ils doivent être capables de protéger ses propres charges et doivent également assurer des fonctions de protection au sein de leur propre réseau si des courts-circuits sont détectés.

Malgré les challenges qui restent encore à relever pour exploiter pleinement le potentiel des microgrids, de nombreux projets microgrids ont déjà été mis en place et ne cessent de se multiplier. D'après la Commission de régulation de l'énergie (CRE), le marché des microgrids devrait atteindre plus de 40 milliards d'euros d'ici 2020, représentant ainsi une opportunité prometteuse pour tous les acteurs qui souhaitent se positionner sur ce marché comme l'ont déjà fait Engie et EDF.

Avis d'expert proposé par Justine Lux, Consultante mc2i Groupe

 

Article publié sur Actu-Environnement
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