Le low-tech : une alternative pour construire durablement ?

Rédigé par

Damien Cacouault

responsable du développement

21686 Dernière modification le 07/05/2020 - 10:57
Le low-tech : une alternative pour construire durablement ?

Les adeptes des nouvelles technologies et du numérique nous promettent bonheur et confort depuis longtemps. Pourtant, dans le secteur de la construction, le BIM, les smart-grid et autres chantiers connectés seront-ils suffisants pour construire les bâtiments de demain dans un monde aux contraintes matérielles croissantes ?

Il ne s'agit pas de refuser systématiquement tout outil numérique, dont l'utilisation est parfois nécessaire, mais plutôt de ne pas présenter le numérique comme l’unique réponse universelle. A l'inverse, cet article vise à mettre au premier plan des solutions constructives « low-tech ». Ce terme renvoie à une véritable philosophie d’action fondée sur des principes simples : efficacité, sobriété et durabilité, afin de réellement faire face aux défis environnementaux. Comment adopter une telle démarche et quels projets concrets sont déjà mis en œuvre ?

Les principes généraux du low-tech

Le terme « low-tech » a une histoire relativement récente. A partir des années 1950, il apparaît peu à peu dans les ouvrages des penseurs du « Small is beautiful », dont Ernst Schumacher est la figure de proue. Véritable précurseur, il défend tout au long de sa carrière d’économiste et de philosophe la « la production de ressources locales pour les besoins locaux », ainsi que le développement d’une « technologie à visage humain ».

À présent, la conscience de l’urgence environnementale se généralise, c’est pourquoi le concept de low-tech gagne en popularité. En France, une génération d’ingénieurs, conférenciers et auteurs engagés, renouvellent la notion de low-tech, notamment en lien avec les professions de la production urbaine. Alain Bornarel, ingénieur, défend le recours à des méthodes de construction plus frugales que les méthodes héritées de la construction de masse d’après-guerre. Philippe Bihouix, ingénieur et directeur de l’AREP (Agence d’architecture interdisciplinaire, filiale de la SNCF), invite tous les secteurs de production à se tourner vers l’essentiel, à repenser nos besoins réels à l’aune de nouvelles contraintes matérielles.

Des méthodes constructives orientées vers l’essentiel

La vision de Philippe Bihouix est applicable au secteur de la construction. En effet, est-il judicieux de nous rendre tributaires de capteurs et réseaux numériques complexes pour améliorer le confort thermique, quand celui-ci peut être entièrement assuré par un choix de matériaux simples et naturels ? L’approvisionnement des matériaux, les procédés constructifs employés, l’isolation, tout peut être repensé afin de réaliser au mieux les éléments essentiels du bâtiment.

Pour cela, on peut par exemple se tourner vers des techniques d’éco-conception, utilisées depuis plusieurs décennies mais encore peu répandues en France. Parmi celles-ci, la terre crue ne nécessite aucune combustion (bilan carbone exemplaire), présente une très bonne inertie thermique et mobilise des ressources locales, disponibles dans le périmètre des chantiers. De même, l’alliance du bois et de la paille est une option efficace pour obtenir une isolation thermique et phonique optimale, à l’aide de matériaux bio-sourcés, et de limiter l’empreinte environnementale d’un chantier.

Une réflexion sur l'acte de construire

Au-delà d’un choix technique, la pensée low-tech peut être vue comme un choix éthique. En effet, la pandémie mondiale actuelle amène l’ensemble des secteurs à se recentrer sur le savoir-faire de son territoire, plutôt que sur des produits d’importations lointains. Dans le cas de la filière bois française, la marge de développement est encore conséquente. Celle-ci est un levier intéressant pour dynamiser l’économie et les emplois locaux, ainsi que pour combiner les atouts de la construction artisanale à des productions industrielles de plus grande échelle, ce qui permet d’obtenir des structures de grande qualité.

Il faut enfin rappeler que les principes low-tech font la part belle à la réparation et au réemploi. Dans le secteur de la construction, l’idée est donc de réaliser des bâtiments dont la vie peut être prolongée autant que faire se peut. C’est pourquoi les éléments constructifs doivent être robustes, réparables et recyclables pour que l’impact écologique et social de chaque construction soit optimal.

C’est sur ce principe que repose le procédé constructif d’Agilcare, à travers l’utilisation d’éléments constructifs modulaires en bois conçus pour être réemployables. Ces éléments permettent le montage et démontage successifs de bâtiments en vue de proposer des constructions performantes et évolutives. Plus largement, cette solution constructive s’inscrit dans la démarche de « Construction Renouvelable » qui s’appuie sur trois piliers : un prélèvement raisonné des matières premières renouvelables, une sobriété énergétique exemplaire et le réemploi successif des éléments constructifs.

Conclusion

En résumé, les procédés low-tech sont de véritables choix d’avenir afin d’augmenter la résilience de tout un secteur en peine de renouvellement. Ces méthodes simples sont d’ailleurs loin d’être antagonistes avec la notion de qualité, contrairement aux représentations ancrées dans l’imaginaire collectif.

En revanche, la diffusion de ces méthodes ne se fera pas sans un appui de la puissance publique. Il est clair que les obstacles ne sont plus uniquement financiers ou techniques, mais bien réglementaires voire culturels. Ces freins sont encore majeurs dans le développement des solutions low-tech, mais ils sont peu à peu levés par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie nationale bas-carbone.

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