#5 Le biomimétisme : une réponse pour construire sous climat chaud ?

Rédigé par

Nicolas Vernoux-Thélot

gérant architecte DPLG

10130 Dernière modification le 30/08/2019 - 11:17
#5 Le biomimétisme : une réponse pour construire sous climat chaud ?

En plus de 4 milliards d’années, la Nature a acquis un certain savoir-faire en matière de conception. Alors pourquoi ne pas appliquer celui-ci à des productions humaines ? Tel est le propre du biomimétisme. Utilisé par la recherche scientifique,  ce savoir-faire est aussi très apprécié en architecture. Dans quelle mesure la Nature a-t-elle des modèles efficients nous enseigner afin de limiter notre dépense énergétique ? Réponse dans cet article suite à un entretien avec Nicolas Vernoux-Thélot architecte et fondateur du cabinet In Situ Architecture et concepteur de l’église de Nianing

Si l’on en croit Darwin, la Nature a donné et imposé à certaines espèces les clés d’une évolution réussie. Si ce processus de sélection est très connu sur les plans génétique ou biologique, il est tout aussi important en ce qui concerne l’adaptation à l’habitat. Il en va ainsi de certains arbres, reliés par un vaste réseau souterrain et formant un seul et même être vivant. Sous climat chaud, l’une des expressions les plus spectaculaires de la Nature est probablement la termitière. En tirant avantage des flux d’airs cette dernière offre en effet une température constante de l’ordre de 27°C, alors que l’environnement extérieur peut atteindre une amplitude thermique de 50°C.

A la vue de ces stratégies adaptatives de survie efficientes et très évoluées, il est donc tout à fait pertinent de s’interroger sur l’application de ces dernières à l’échelle des productions humaines, notamment sous climat chaud.

 

La singularité du biomimétisme par rapport aux autres procédés de conception

Le biomimétisme éclaire sur la manière dont les systèmes biologiques résolvent les problèmes. Bien qu’extraordinaire rapportée à l’échelle de l’évolution, l’intelligence humaine diffère de celle de la Nature. Les recherches tendent à prouver que cette dernière est à la fois paresseuse et intelligente dans sa manière de résoudre les difficultés. En effet, malgré leur apparence sophistiquée et la rapidité avec laquelle elles sont mis en place, la plupart des solutions conçues par l’homme sont « rudimentaires et additives ». En d’autres termes, elles sont basées sur l’utilisation de davantage de matériaux et d’énergie (deux ressources coûteuses) pour accélérer les réactions. Les processus naturels quant à eux exploitent des géométries et des propriétés matérielles qui sont uniques, au risque, il est vrai, de sacrifier un grand nombre d’individus avant qu’une réponse satisfaisante n’apparaisse.      

L’apport du biomimétisme à l’architecture

L’architecture est une discipline influencée par de nombreux aspects des sciences naturelles et sociales. Parmi ces influences, l’inspiration de la biologie est actuellement en plein essor. Dans le domaine du bâtiment, la Nature peut nous inspirer à plusieurs égards et pourrait permettre d'améliorer les performances environnementales des projets et répondre ainsi aux enjeux du développement durable.

Que ce soit pour améliorer l’isolation ou l’aération des bâtiments ou encore la qualité des matériaux et la solidité des structures, les solutions mises en place sont généralement très efficaces. Ceci d’autant plus dans une société où l’on se tourne de plus en plus vers l’économie des ressources.

Les spécialistes du biomimétisme s’accordent pour distinguer actuellement deux approches possibles :

  • soit on recherche dans la nature des phénomènes susceptibles de répondre à des enjeux de développement durable et on essaie de les transférer à l’architecture,
  • soit on part de problèmes architecturaux et on tente de trouver dans la nature les phénomènes que l’on pourrait transférer.

Ces deux approches nécessitent une activité pluridisciplinaire faisant coopérer des biologistes et des architectes.

S’inspirer de la Nature sous climat chaud

La particularité de la construction sous climat tropical ou désertique est de prendre place le plus souvent dans des environnements aux contraintes naturelles fortes, que ce soit en termes de températures, de précipitations, d’événements climatiques ou telluriques ou de gestion des ressources. En prenant en compte la végétalisation dès la conception des villes, il est ainsi possible de réduire l’effet des îlots de chaleur.

La Nature fournit aussi une source inépuisable de formes géométriques, de designs et de couleurs. Des inspirations qui peuvent être reprises quotidiennement par les architectes dans l’élaboration de leurs plans. Cela est notamment valable pour densifier les villes sous climat chaud, tout en respectant un agencement permettant à la fois de les rendre plus confortables et efficientes sur le plan énergétique. Anticiper le plan d’urbanisme et l’adapter aux conditions locales, permet en effet une meilleure régulation des flux d’airs et une optimisation de la capture solaire.

La termitière : une source d’inspiration pour le biomimétisme

La termitière est sans doute l’un des meilleurs exemples de source d’inspiration pour le biomimétisme sous climat chaud ou climat tropical. La gestion des flux d’airs qui en résulte peut en effet être appliquée à tous types de bâtiments. Depuis le centre commercial traditionnel, comme le Eastgate Centre au Zimbabwe, ou l’église de Nianing qui en reprend la forme, le principe et la couleur de manière stylisée.

Propos recueillis par Hassan Abouzid

 

crédit photo: King L'enemy


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Construire durable sous climats chauds
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