Le béton secondaire, un gisement aux immenses réserves

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

2614 Dernière modification le 03/08/2012 - 11:23

Comment utiliser au mieux les déchets de démolition et surtout, comment les réintroduire de manière optimale dans le BTP ? Le projet national RecyBéton, lancé début 2012, se donne quatre ans pour répondre à la question. Il associe des centres de recherche publics et privés, des écoles et universités et les principaux cimentiers et producteurs de béton. 

L'idée est d'exploiter au mieux les 300 millions de tonnes de déchets de chantier produits chaque année, dont 20 millions proviennent du bâtiment. Les recycler comme matière première secondaire permettra d'épargner les carrières naturelles de sables et graviers. C'est la logique du "craddle to craddle" ou économie circulaire appliquée au BTP. 

Il y a beaucoup à faire. Aujourd'hui, selon le commissariat général au développement durable, si le béton pur récupéré atteint un taux de valorisation de 77,7 %, seuls 12 % des produits inertes mélangés (béton et restes de plâtres, de bois, de plastiques... ) provenant de la déconstruction sont recyclés. Or ces déchets composent 56 % des déchets totaux provenant du bâtiment, selon une étude de l'Ademe et de la FNB. 

L'enjeu est donc : 1) de déconstruire de manière plus sélective, de trier 2) d'optimiser les procédés qui permettent de refaire au mieux des matériaux de construction avec des déchets 3) de définir les applications."Le béton fabriqué à base de béton recyclé ne sera sans doute pas haut de gamme. Ce sera plutôt un béton de propreté, un béton de bordure" estime pour sa part Amaury Cudeville, responsable du développement de Clamens, une entreprise francilienne spécialisée dans le recyclage et la revalorisation des déchets de démolition. 

Aujourd'hui, la plus grande partie des graves issus de béton concassé que produit cette entreprise servent à la construction de routes. "L'idée de RecyBéton, auquel nous sommes associés, est de développer des applications pour le bâtiment, avec des solutions maîtrisées et normées" explique Amaury Cudeville. Pour notre part, nous parvenons à récupérer les granulats à l'issue du concassage et ceux ci peuvent être intégrés dans un béton. Les sables, en revanche, génèrent trop de problèmes, de retrait notamment. Ils sont utilisés pour faire du ciment, pas du béton".




Clamens travaille aujourd'hui sur une méthode de recyclage de toutes les boues de chantier, pas seulement celles des centrales à béton, de manière à engager un processus de recyclage total.





L'expertise de Clamens donne une bonne idée des progrès possibles dans le recyclage des déchets de démolition. L'entreprise a par exemple mis au point il y a cinq ans un procédé permettant de recycler à 100 % les boues de béton et de les délester de tout dioxyde de carbone. Une technique exclusive qui fait aujourd'hui de cette PME (300 salariés), avec 320 000 tonnes de boues recyclées en Ile-de-France, le 1er producteur mondial de matériaux recyclés 100% décarbonés ! 

En pratique, les camions de Clamens collectent les boues de béton chez les fabricants (Lafarge...) qui les ont stockées dans des cuves humidifiées en permanence. Ces résidus proviennent du nettoyage des parois des camions-toupies et des centrales à béton et finissent généralement dans des décharges. Les boues sont transportées à Villeparis, siège de Clamens, puis absorbées par une centrale de recyclage unique au monde. Elle désagrège les boues de béton et en extrait les gravillons et les sables. 

Un procédé qui n'émet pas de CO2 mais, au contraire, en consomme. Alcaline (pH de 13), l'eau issue du traitement des boues doit en effet être acidifiée pour rejoindre les eaux de lavage de la centrale. Clamens réalise cette acidification avec du CO2 liquide (réfrigéré) qui provient d'une installation industrielle à Rouen. Résultat : le bilan carbone de l'ensemble de l'installation et donc des matériaux est neutralisé et peut même se révéler négatif. Ce recyclage de niveau industriel est en revanche consommateur d'électricité, à hauteur de 2 500 kw par jour. 

In fine, Clamens produit des gravillons et des sables de bonne qualité initiale (composés de granulats naturels) qui rejoignent la filière construction. Il reste à faire de même dans l'ensemble de l'Hexagone, ce qui contribuera à préserver les 2700 carrières françaises. Lesquelles produisent chaque jour, selon l'Union nationale des producteurs de granulats (UNPG) un million de tonnes de granulats naturels. Un objectif tout à fait complémentaire de celui du Projet national de recyclage complet des bétons, mais avec une technique déjà opérationnelle. 

Jean-Philippe Pié

Source écobat « Le béton secondaire, un gisement aux immenses réserves   »


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