Laurent Rossez se penche sur l'uberisation de la commande

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NOVA BUILD

L'écoconstruction est notre avenir

3535 Dernière modification le 08/09/2017 - 08:06
Laurent Rossez se penche sur l'uberisation de la commande

Et si notre secteur était touché également par une forme d’Ubérisation de la commande ?

J’espère tout d’abord au nom de toute l’équipe de NOVAVUILD que cet été aura pu être pour chacun de vous tous ressourçant et que vous retrouvez en cette rentrée une activité et des projets à la hauteur de vos ambitions.

La conjoncture de rentrée reste correctement orientée, la reprise de l’activité dans le Bâtiment amorcée depuis la mi-2016, s’est confirmée sur le début 2017 grâce notamment à une hausse vigoureuse dans le logement neuf (17% de mise en chantier sur le premier quadrimestre comparé à l’an dernier).

Pour autant les marges peinent encore à revenir pour bon nombre d’acteurs tant les prix avaient chutés dans un contexte concurrentiel accru. Et il faudrait surtout peu de chose pour faire déraper cette tendance à l’amélioration tant ce marché est fortement lié au contexte macroéconomique (faiblesse des taux de crédit, prêt à taux zéro PTZ et surtout dispositif Pinel).

Concernant l’activité dans les Travaux Publics, la période marque une reprise modeste de l’activité avec également une hausse significative du volume de commandes. L’activité du secteur qui renoue avec certaines couleurs cache cependant de fortes disparités selon les régions et secteurs, tant les métiers concernés dépendent des investissements du pays dans les infrastructures (candidature aux JO 2024 et aménagements liés au Grand Paris Express, grands chantiers d'aménagement dans les énergies renouvelables et les infrastructures numériques,…).

Pour autant les fonds publics sont de moins en moins fléchés vers ces investissements d’avenir tant les équilibres budgétaires de l’état et des collectivités territoriales restent problématiques. Et ainsi, plus de la moitié des capitaux injectés dans nos infrastructures sont levés aujourd’hui auprès d'investisseurs internationaux privés, augmentant les risques de retournement de conjoncture en cas d’attractivité plus faible de la France.

Mais des incertitudes sur la longévité du contexte actuel…

Ces embellies respectivement dans le Bâtiment et les TP qui redonnent le moral à la plupart d’entre nous, sont cependant à questionner car les incertitudes quant à leur pérennité sont nombreuses. Nos activités sont cycliques et le maintien des conditions actuelles favorables sur ses aspects législatifs comme sur l’intérêt des investisseurs privés, nous dépassent largement.

Nous aurions alors tort de nous en contenter, car nous le savons par expérience, c’est maintenant qu’il faut que nous nous questionnions collectivement à la fois : sur les tendances de fond de notre secteur, sur les impacts des transitions majeures qu’il l’affecte mais aussi sur l’évolution des modes d’accès à nos commandes futures.

Sur fond de restrictions budgétaires, le « vieux » modèle a-t-il vécu ?

Nos métiers sont encore majoritairement régis par les procédures classiques d’appel d’offres où en général les commanditaires, maîtres d'ouvrages font le choix des « soumissionnaires » qui seront les plus à même de réaliser une prestation de travaux, fournitures ou services.

L’objectif vertueux, notamment dans les marchés publics, est un libre accès à la commande, pour autant en cas de resserrement du marché, cela a pour conséquence d’intensifier la concurrence entre les entreprises et nécessite des efforts croissants tout au long de la démarche, depuis la détection en passant par la formalisation jusqu’à la « soumission ».

Tout cela avec, in fine, des statistiques sur le taux de réussite des commandes signées d’autant plus aléatoires que l’activité du secteur est fluctuante ou que les prises de décisions de la part des donneurs d’ordre sur les projets importants sont retardées voir absentes pour de multiples raisons à commencer par les recours.

Nombreuses sont alors nos agences ou entreprises issues d’un développement lié à la commande publique qui, aujourd’hui, sur fond de « basses-eaux budgétaires » doivent comprendre où et comment évoluent nos marchés et ainsi se ré-inventer au risque sinon, à terme, de disparaître...

C’est en cela que le travail en réseau, notamment à NOVABUILD, est utile voir vital. Car c’est grâce à nos échanges, nos collaborations, aux enseignements issus des experts ou leaders que chacun est en mesure de mieux comprendre les évolutions à l’œuvre et ainsi mieux formuler demain ses nouvelles offres adressées aux marchés de demain.

Face à tant d’enjeux, attendre les appels d’offre ne suffit plus…

Sur fond de tendance baissière des investissements publics, le BTP doit prendre en considération la montée en puissance des investissements privés  via notamment les fonds d'investissements (FIP, FCPI, FCPR) ou par le biais des sociétés foncières (constitution, gestion et exploitation des portefeuilles immobiliers).

Des pans entiers ont vu l’origine des investisseurs profondément muter en seulement 10ans, comme le secteur privé de la santé par exemple.

Ces évolutions nécessitent d’autant plus de satisfaire les aspirations et bénéfices attendus par ces nouveaux segments de clientèle exigeants et susceptibles de « passer commande » de gré à gré.

Et les solutions et services à inventer n’en restent pas moins colossaux car les enjeux sont majeurs, notamment en matière de :

  • croissance verte (avènement des modes constructifs à faible impact, préservation des ressources, recyclages,…),
  • transitions écologique & énergétique (réponses au défi climatique, bien-être et santé en ville, avènement des EnR,…),
  • révolutions numériques, déjà en cours (ville intelligente, IOT, opportunités liées au Big Data,…).

Le digital remet aussi en cause l’accès à certaines commandes…

Et si notre secteur était touché également par une forme d’ « Ubérisation » de la commande ? A savoir que nous allions vers une forme de rapprochement des véritables « utilisateurs » de nos projets avec une disparition progressive des appels d’offre dans leur configuration actuelle et l’apparition d’intermédiaires issus du numérique...

En réalité, ce mouvement a déjà commencé pour les TPE avec un certain nombre de plateformes internet comparatives et de mise en relation directe entre des clients et des fournisseurs de services dans le bâtiment (Illico-travaux.com, 123devis.com, enchantier.com, helloartisan.com,…).

Dans le négoce de matériaux, nombreuses déjà sont les plates-formes qui mettent en relation les entreprises et artisans avec les fournisseurs de services, de matériaux comme le béton ou encore la location d’engins de chantier.

Des plateformes de communautés de prêteurs commencent aussi via le « crowfunding-immo » à remplacer les investisseurs classiques (15 % du total de la finance participative).

D’autres sites internet comme MonMaîtreCarré.com permettent de mettre en contact des particuliers avec des architectes d’intérieur pour la réalisation de leurs projets via un concours rémunéré. Sans parler du partage de plans d’architecture en accès libre comme avec Wikihouse.cc ou encore l’architecture générative avec des logiciels capables d’accélérer les processus de conception complexes tel aditazz.com.

Si nous passions alors d’un mode soumission à un mode impulsion ?

Dans ce contexte à la fois :

  • de concurrence toujours rude sur la part restante de commande publique,
  • de progression des projets portés par des donneurs d’ordre privés susceptibles de passer outre les appels d’offre classiques,
  • et de transformation via le numérique de l’accès aux marchés,

il serait intéressant d’analyser dans nos carnets de commandes quelle est la part encore issue d’un processus classique de soumission à un appel d’offre ?

Car questionner l’origine commerciale des projets ou chantiers qui composent nos plans de charge est toujours riche d’enseignement.

Comment a-t-on établi le contact avec nos clients, comment s’est-on positionné sur tel ou tel projet, en dehors du prix quels sont les éléments qui ont pu faire la différence ? Etc…

Il est possible que pour bon nombre d’entre nous, ce soient, au-delà des nécessaires références, expertises et savoirs faire minimaux requis, déjà en partie les offres de valeur différenciantes en adéquation avec les attentes des marchés qui aient contribué pour partie à la composition de nos carnets de commande actuels.

Certains vivent déjà ce renouvellement de leurs activités grâce à des solutions ou services proposés à des segments de clientèle en dehors de toute procédure d’appel d’offre.

En cela réside sûrement les prémices de changements profonds où finalement, comme l’on fait avant nous d’autres pans de l’industrie, ce sont nos entreprises qui vont générer elles-mêmes une partie toujours plus grande de leurs contrats via des offres proposées et promues auprès de donneurs d’ordre ciblés et réceptifs. Cela permet de sortir de l’affrontement dans l’ « océan rouge » où le contexte concurrentiel est accru, en développant son « océan bleu » composé d’innovations de toute nature ou typologie nécessairement utiles et créatrices de valeur pour nos clients.

Et c’est notamment pour contribuer à se ré-inventer ensemble que NOVABUILD a décidé depuis plus d’un an d’intégrer dans nos réflexions les préoccupations des maîtres d’ouvrage, via notamment NOVA’Smart, façon de se rapprocher des questions programmatiques, de maintenance et d’usages qui donneront demain tout leur sens à nos métiers en pleine mutation !

Encore tous mes vœux de rentrée positive et constructive, bien à vous tous,

Laurent Rossez, Président de Novabuild

Septembre 2017

Article publié sur NOVABUILD
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