«La transition écologique peut créer des centaines de milliers d’emplois»
Entretien avec Philippe Quirion, chercheur en économie de l'environnement et en économie de l'énergie, et directeur de recherche au CNRS. Il a apporté son expertise au scénario négaWatt 2017-2050 qui prévoit la création de 400 000 emplois nets d'ici 2030.
Comment la transition énergétique peut être un bienfait pour l’emploi ?
Le but premier de la transition énergétique n’est bien sûr pas de créer des emplois mais de limiter la dégradation de notre environnement, qui menace nos conditions de vie. De même, la transition écologique ne va pas à elle seule rétablir le plein emploi en France. Néanmoins, une transition écologique bien menée peut créer des centaines de milliers d’emplois, même en prenant en compte ceux qui disparaîtront dans les activités polluantes.
Pourquoi les emplois créés sont-ils plus nombreux que les emplois détruits ?
Parce que les branches qu’il faut développer dans le cadre de la transition énergétique sont en général plus intensives en emploi que celles dont il faut réduire l’activité, comme le montre le graphique ci-joint. La raison principale est que les énergies non renouvelables utilisées en France (pétrole, gaz naturel fossile, charbon et uranium) sont importées ; le montant de ces importations est compris entre 40 et 70 milliards d’euros par an, variant en fonction des prix mondiaux de ces énergies. Réduire la consommation des énergies non renouvelables permet de réorienter des dépenses vers l’économie française, donc d’y créer des emplois, et en même temps de réduire le déficit commercial.
Quelles sont les principales activités créatrices d’emplois ?
La rénovation thermique des logements et des bâtiments tertiaires est un réservoir très important, parce que les dépenses nécessaires sont élevées et que cette activité est très intensive en emploi : un million d’euros dépensé dans l’isolation crée 14 emplois équivalent-temps plein (ETP) en France contre 5 pour la production de gaz ou d’électricité. Par rapport à la poursuite des tendances actuelles, la rénovation thermique des logements et du tertiaire envisagée dans le scénario négaWatt entraînerait la création d’environ 300 000 emplois ETP directs et indirects supplémentaires en 2025, et 500 000 entre 2030 et 2050.
Ensuite, les énergies renouvelables : elles employaient 80 000 emplois ETP directs en France en 2015 selon l’Ademe (1). Pour donner un point de comparaison, selon EDF, il n’y avait que 30 000 emplois ETP dans les centrales nucléaires françaises en 2015. Par rapport à la poursuite des tendances actuelles, la mise en œuvre du scénario négaWatt entraînerait la création d’environ 200 000 emplois ETP directs et indirects supplémentaires en 2025, et environ 300 000 entre 2030 et 2050.
Enfin, les transports en commun : un déplacement en transport en commun nécessite deux fois moins d’énergie et deux fois plus d’emplois que le même déplacement en voiture individuelle, quand on prend en compte la fabrication des véhicules et des infrastructures, la fourniture du carburant, ainsi que les services de transport (2). Par rapport à la poursuite des tendances actuelles, la mise en œuvre du scénario négaWatt entraînerait la création d’environ 30 000 ETP directs et indirects en 2025, 100 000 en 2030 et 200 000 entre 2040 et 2050.
(1) – ADEME. 2016. Marchés et emplois liés à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables : situation 2013-2014 et perspectives à court terme – Rapport.
(2) – Orfeuil, J.-P., 1996. L’emploi et l’énergie mobilisés par le transport de voyageurs, INRETS, Bron, France.
Article publié sur CLER - Actualités
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