#2 La résilience : un concept-cadre global pour la gestion des risques

11056 Dernière modification le 02/04/2019 - 13:30
#2 La résilience : un concept-cadre global pour la gestion des risques

La résilience est un concept qui a été, et qui continue d’être, défini de différentes manières. Depuis le terme resiliency qui signifie reculer pour mieux sauter, utilisé au moins depuis le XVIIIeme siècle en Grande-Bretagne, il intègre le domaine scientifique via la physique des matériaux comme étant la capacité d’un matériau à résister à la rupture (essai de Charpy, 1901). Le concept de résilience a progressivement évolué lorsqu’adopté par d’autres disciplines (psychologie, écologie, économie, etc.) et appliqué à différents objets (individus, écosystèmes, systèmes urbains, etc.).

 Avant de présenter plus en détail une partie de cette polysémie, il est à noter qu’au moins depuis son application à l’écologie,  le concept de résilience implique de raisonner de manière systémique. On considère ici les systèmes (eg. système urbain, système organisationnel, écosystème, système routier, etc.), comme interconnectés, susceptibles de se modifier constamment. Ces systèmes, fonctionnent généralement à des échelles de temps et d’espace diverses interconnectées.

 

Discipline précurseur, la psychologie a adopté le concept de résilience dès les années 1940. La résilience, alors, désignait la capacité d’un individu ou d’un groupe à surmonter ou à se remettre d’un traumatisme. On remarque que l’interprétation a évolué dans ce domaine où l’on parle maintenant de résilience en termes de développement personnel, voire de démarche sociétale. Le concept de résilience a intéressé les écologues dès 1973. La résilience était alors définie comme étant la mesure de la persistance des systèmes écologiques et de leur capacité à absorber les changements et les perturbations tout en se maintenant (Holling, 1973). Cette définition, dite de la « résilience écologique », a souvent été opposée à celle de l’ « engineering resilience », qui désigne la capacité d’un système à revenir à un état initial le plus rapidement possible après un choc. Depuis, en écologie, le concept de résilience a évolué et désigne la capacité d’un système écologique à absorber une perturbation et à se réorganiser tout en préservant sa structure, ses fonctions, son identité et ses boucles de rétroactions (Walker et al., 2004).

 

Avec l’apparition dans les années 1990 de la notion de systèmes socio-écologiques, qui désigne l’assemblage complexe des systèmes anthropiques et naturels (Mathevet et Bousquet, 2014), le concept a une nouvelle fois évolué. Ici, la résilience repose sur le modèle du cycle adaptatif (Gunderson et Holling, 2002), qui considère que l’évolution des systèmes suit généralement quatre phases distinctes (fig. 1) :

  • une phase de croissance rapide durant laquelle le système est résilient (phase d’exploitation)
  • une phase de conservation où le système devient de plus en plus dépendant à une structure et des processus figés
  • une phase dite d’effondrement ou de destruction
  • une phase de réorganisation qui peut conduire à deux types de changement possibles : l’adaptation ou la transformation. L’adaptation désigne « une réaction à un stress ou à une perturbation qui ne remet pas en cause le système » (Mathevet et Bousquet, 2014, p. 39) alors que la transformation implique un changement de système, le fonctionnement initial n’étant plus acceptable.

 

résilience urbaine : cycle adaptatif

Figure 1 : modèle du cycle adaptatif

(Source : Buchheit et al., 2016 d’après Gunderson et Holling, 2002)

 

Les cycles adaptatifs ne fonctionnent pas de manière isolée, ils sont interconnectés à d’autres cycles qui évoluent à des échelles spatiales et temporelles souvent différentes. La modification d’un cycle adaptatif peut donc faire basculer un autre cycle se manifestant à une échelle différente. Ce mécanisme est appelé panarchie (Gunderson et Holling, 2002).

 

résilience urbaine : ouragan

 

Inspirés par les travaux sur les écosystèmes et les systèmes socio-écologiques, de nombreux chercheurs ont ensuite tenté d’appliquer le concept de résilience aux systèmes et sous-systèmes anthropiques, dont les systèmes urbains. Appliquée aux systèmes anthropiques, la résilience urbaine s’exprime alors selon des dimensions multiples (dimensions techniques, organisationnelles, politiques, sociales ou encore économiques).

 

La résilience urbaine a été définie de différentes manières, mais un état de l’art récent des définitions a abouti à la définition suivante : « la résilience urbaine désigne la capacité d'un système urbain à « maintenir ou à retourner rapidement aux fonctions désirées face à une perturbation, à s'adapter au changement, et de transformer rapidement les systèmes qui limitent la capacité d'adaptation actuelle ou future » (Traduit de Meerow et al., 2016).

 

Cette définition englobante nous montre deux choses. Premièrement, la résilience urbaine ne constitue pas l’inverse de la vulnérabilité, un système urbain vulnérable pouvant très bien faire preuve de résilience, et vice-versa. Deuxièmement, la résilience urbaine décrit deux propriétés ou processus distincts mais complémentaires, qui interviennent généralement selon deux échelles temporelles. Sur le court terme, la résilience désigne la capacité des systèmes urbains à absorber et à récupérer leurs fonctions le plus rapidement après un choc ; sur le long terme, la résilience désigne la capacité des systèmes urbains à s’adapter ou se transformer dans un monde considéré comme fini (en termes d’espace et de ressources), de plus en plus complexe et incertain. Cette seconde signification implique donc une capacité d’apprentissage et de changement de trajectoire.

 

Autre dualité qui participe à la polysémie du terme, la résilience urbaine désigne à la fois un processus observé apostériori (telle ville est dite plus ou moins résiliente après une catastrophe) et une propriété inhérente que cherche à améliorer les décideurs.

 

En conclusion, nous noterons que l’utilisation grandissante du concept de résilience, même s’il revêt plusieurs significations, part souvent d’un constat simple. Aucun système, quel qu’il soit, n’est à l’abri de perturbations. Il est impossible de tout prévoir, de se protéger à 100% des aléas. Partant de ce constat, on peut définir schématiquement la résilience comme la capacité d’un système à faire face aux chocs soudains, aux stress et incertitudes.

 

Références

Buchheit P., d’Aquino P.,Ducourtieux O., 2016, « Cadres théoriques mobilisant les concepts de résilience et de vulnérabilité », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, URL : http://journals.openedition.org/vertigo/17131

 Gunderson L.H., Holling C.S. (ed.), 2002. Panarchy: Understanding transformations in Human and Natural Systems. Washington and London, Island Press, http://www.resalliance.org/index.php/panarchy

Holling C. S., 1973, Resilience and stability of ecological systems, Annual Review of ecology and systematics, 4, 23.

Mathevet R., Bousquet F., 2014, Résilience et environnement : penser les changements socio-écologiques, Paris : Buchet/Chastel, 169 p.

Meerow S., Newell J.P., Stults M., 2016, “Defining urban resilience: A review”, Landscape and Urban Planning, Vol. 147, 38–49.

Walker, B., C. S. Holling, S. R. Carpenter, and A. Kinzig. 2004. Resilience, adaptability and transformability in social–ecological systems, Ecology and Society, 9(2)

 


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