La pathologie : premier coût carbone dans la construction

Rédigé par

Philippe Estingoy

4936 Dernière modification le 31/10/2017 - 09:56
La pathologie : premier coût carbone dans la construction

Le bilan carbone de la construction est une notion complexe qui reste assez immatérielle et nécessite une référence pour les méthodes de calcul et la qualification des produits. C’est l’objet de l’expérimentation E+C- et du label associé. Mais un élément n’est pas pris en compte dans la démarche : la qualité de la construction et le coût carbone des imperfections et pathologies. Il faudra pour ces enjeux s’appuyer sur la formalisation de nouvelles références techniques et la formation des acteurs.

Depuis une étude britannique des années 90, le coût de la non qualité dans la construction est estimée à environ 10% du chiffre d’affaire de la construction. Cette « non qualité » ne concerne pas les seuls sinistres relevant de la garantie décennale, mais concerne aussi la non optimisation des choix des maîtres d’ouvrage, les erreurs de conception, de mise en œuvre, les produits défaillants et les mauvais usages. Une partie de ces coûts est prise en charge par les assurances, une autre par les différents acteurs consciemment ou non (entre autres avec les surconsommations énergétiques, de consommables et d’entretien).

Le bilan carbone de la construction est une notion complexe qui reste immatérielle et l’économie carbone est plus compliquée à appréhender que l’économie de la construction. L’usager du logement ne peut pas spontanément faire le lien précis entre la construction, le confort d’usage et le bilan carbone. Nous non plus. Pour autant en nous appuyant sur la démarche E+C-, qui utilise l’analyse cycle de vie, il est possible d’évoquer grossièrement l’impact carbone des « non qualités » dans la construction.

Une part de cet impact carbone est directement proportionnelle aux non qualités de la construction, telles qu’évoquées ci-avant. Mais pas seulement. Les enjeux de réemploi, de réparabilité, de recyclage des matériaux pris en compte dans l’analyse cycle de vie n’étaient pas traités jusqu’à présent par les acteurs de la construction. Et, au regard de ces enjeux, des défauts de conception ou de mise en œuvre, une absence d’entretien ou un usage inadapté peuvent totalement remettre en cause les hypothèses de calcul et alourdir d’autant le bilan carbone réel.

Une difficulté pour réduire ce risque c’est que nous ne pouvons pas apprécier la bonne réalisation au moment de la livraison, mais des leviers existent pour faire régresser l’impact carbone dans la construction, il est nécessaire de faire beaucoup de pédagogie pour améliorer la sensibilité des professionnels et a fortiori du grand public dans ce domaine.

L’expérimentation du label E+C- est une bonne étape pour atteindre l’objectif fixé. Mais, il faudra savoir prendre le temps d’apprendre des expériences, pour définir de nouvelles pratiques professionnelles et partager ces connaissances avec tous les acteurs. Le détail dans la conception et dans la mise en œuvre devient essentiel pour atteindre la performance visée. Il faut aussi penser robustesse et simplicité en faisant preuve d’empathie vis-à-vis des futurs habitants si on veut effectivement atteindre l’objectifs fixé …

Le BIM sera essentiel pour aider les uns et les autres à faire les bons choix, mais il faudra qu’il soit « alimenté » avec les informations techniques et constructives adaptées : « le numérique est excellent pour stocker de l’information mais il est loin d’être évident qu’il apprenne à raisonner » Pascal Engel, philosophe. En particulier le BIM devra pouvoir stocker tous les apports techniques que le programme d’action pour la qualité des constructions et la transition énergétique (PACTE) aura permis de formaliser, ces données sont indispensables. Je vous invite à consulter les premières productions du programme sur le site www.programmepacte.fr/, de nombreuses autres productions sont prévues dans les deux prochaines années. Il est essentiel de partager ces connaissances avec l’ensemble des acteurs de la construction.

 

Par Philippe Estingoy, Directeur Général, Agence Qualité Construction

 

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