La paille et la poutre réconciliées

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

1990 Dernière modification le 21/02/2013 - 11:12

Qui aurait pensé il y a seulement cinq ans que la construction en paille atteindrait un jour le stade industriel ? Les pionniers en France de l'auto-construction des étonnantes maisons « Nebraska » (ancestrales aux Etats-Unis) et les membres du Réseau français de la construction paille (RFCP) étaient sans doute les seuls à croire  à son  potentiel.  Mais les choses ont bien changé. « De nos jours, on estime le nombre de bâtiments en bottes de paille en France à environ 3 000 réalisations comportant maisons individuelles, habitats collectifs et établissements recevant le public, estime le RFCP. Plus de 150 artisans, architectes, bureaux d'étude et plusieurs PME  se sont spécialisés dans ce type de construction. La demande du public est bien plus importante que l'offre proposée par les professionnels. » 


L'entreprise Bati Nature, située à Saint-Romans dans l'Isère fournit un bon exemple de ces PME aujourd'hui récompensées de leur esprit d'initiative par de vrais succès sur le terrain. Depuis 2006, elle s'est lancée dans la fabrication de panneaux à ossature bois isolés avec des bottes de paille et a depuis construit plus de 60 maisons, embauché 12 salariés et réalisé un chiffre d'affaires de  1,2 million d'euros en 2012, en progression de 300 000 euros chaque année.

Une réussite due aux qualités du matériau et du procédé : « Grâce à une épaisseur minimale de 37 cm de paille dans les murs, nos maisons affichent une résistance thermique de 7,5,  ce qui est neuf fois plus efficace qu’une construction traditionnelle en aggloméré et 10 cm de laine de verre explique Mathieu Junique. Quant au confort d'été, la botte de paille employée permet de justifier un déphasage supérieur à 20 heures. Par comparaison, le déphasage d’une construction traditionnelle en aggloméré et 10 cm de laine de verre est inférieur à 4 heures ».

Les bottes de paille de standard 100 % agricole sont compressés à 120 kilos par mètres cube et insérées dans les panneaux. Ce traitement sert à renforcer le pouvoir isolant mais aussi la résistance au feu : « Prenez un annuaire téléphonique et jetez dans le feu, vous verrez qu'il a beaucoup de mal à brûler, fait remarquer  Mathieu Junique.  "Il en est de même pour la paille compressée ».

Cette paille est insérée entre des panneaux de bois de 5x3 mètres. Le tout est fabriqué  avant ou même pendant que l'entreprise de maçonnerie se trouve sur le chantier. « Selon notre principe constructif, une maison est hors d’eau et hors d’air en 7 à 10 jours. Ce qui permet de travailler quasiment toute l'année » précise Mathieu Junique. Coté prix, à 7 euros le mètre carré, la facture est supérieure de 20 % à celle d'un isolant traditionnel. Une différence qui s'explique par la densité en main d'oeuvre. 

Les qualités d'isolation et d'étanchéité à l'air de la combinaison bois- paille permettent aux produits Bati Nature de répondre aux critères de la RT 2012 et même 2020, ce qui ouvre l'accès aux labels les plus exigeants : BBC, PassivHaus, Minergie. Le tout en utilisant des matériaux (Douglas notamment) produits en France, qui ne subissent aucun traitement chimique. Même l'électricité utilisée par l'usine est d'origine renouvelable, fournie par la coopérative Enercoop ! 

Jean-Philippe Pié - http://blog.salon-ecobat.com/la-paille-et-la-poutre-reconciliees 

Légende photo : Un mur en cours de fabrication.

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