La nature comme composante majeure de l'aménagement urbain résilient.

Rédigé par
Yves MAJCHRZAK

Responsable Programme Environnemnt du Cerema

5181 Dernière modification le 19/04/2019 - 10:38
La nature comme composante majeure de l'aménagement urbain résilient.

Comment développer la résilience des écosystèmes urbains alors que le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité sont désormais au cœur des défis de notre société ?

 

Comment lutter contre l’élévation des températures liée à l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, s’adapter au réchauffement d’ores et déjà à l’œuvre et conserver un monde vivant dont l’homme est le dernier maillon d’une longue évolution ?

Assurer une sécurité globale des territoires, nécessite aussi d’apporter des réponses à ces questions portant sur des sujets d’ampleur planétaire mais dont les conséquences sont très locales.

Répondre à ces questions, c’est d’abord changer notre perception de la nature. En effet, la nature a été trop souvent perçue pendant longtemps comme une contrainte par beaucoup d’aménageurs. Peu ou prou, malgré le déploiement d’un arsenal législatif et réglementaire depuis 1976, elle était prise en compte en fin de projet.

Or, la nature nous rend des services et gratuitement de surcrt. La nature nous permet de nous adapter au réchauffement climatique en luttant contre les îlots de chaleur urbains. Elle contribue à lutter contre l’augmentation des gaz à effet de serre en stockant du carbone.

Elle doit donc être considérée désormais comme une source de solutions (« Solutions Fondées sur la Nature ») pour développer la résilience de nos territoires.

Avant même que ce nouveau concept ne soit défini, des villes françaises à l’avant-garde ont commencé à le mettre en œuvre de manière pragmatique à travers des politiques dites de « nature en ville ». Dans le même temps, une ingénierie écologique s’est développée pour gérer, préserver ou restaurer les écosystèmes, en s’appuyant sur l’utilisation de processus naturels, tout en étant une alternative aux techniques de génie civil.

Mais aujourd’hui, le temps presse. L’époque est venue de la mise en œuvre de manière systématique et à grande échelle des « Solutions Fondées sur la Nature » dans l’aménagement des territoires et en particulier dans les écosystèmes urbains. Bien entendu, le défi posé à l’élu, à la population, à l’urbaniste et à l’ingénieur est immense. Comment déployer efficacement un processus de résilience visant à faire de la nature une composante essentielle de l'aménagement urbain ? Comment, après la conception, permettre une exécution rapide alors qu’une course de vitesse est engagée1entre l’évolution des températures, la disparition des espèces et le rythme de transformation usuel des territoires ? Comment conjuguer les objectifs de densification, nécessaires pour lutter contre l’étalement urbain, avec le maintien d’espaces permettant de réintroduire la nature et ainsi d’aménager des villes moins minérales ?

Deux études de cas ont servi de support à la réflexion et aux travaux de l’atelier B du séminaire "Sécurité globale et résilience des territoires" organisé par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire et le Cerema afin d’apporter des éléments de réponse.

La première concernait la démarche de l’agglomération de Metz pour développer la présence de la végétation au bénéfice des habitants. Le logiciel SESAME (Services écosystémiques rendus par les arbres modulés selon l’essence, cf schéma de principe ci-après), développé par le Cerema, la ville de Metz et Metz Métropole, propose une aide au choix des espèces d’arbres et d’arbustes à utiliser en milieu urbain. Il repose sur la connaissance fine des services différenciés rendus par les arbres selon leur espèce. Ainsi, un bouleau constitue un bon support de biodiversité, mais est très peu efficace en termes de régulation du climat urbain. Dans certains contextes, un Copalme d’Amérique joue un rôle positif en termes de cadre de vie, mais il est peu efficace, voire contre-productif, en matière de fixation des polluants. Cette entrée par les services rendus par la nature constitue, de fait, un bon levier pour sensibiliser, convaincre et associer les habitants dans le choix des services à privilégier et des nuisances à proscrire selon les secteurs.

La deuxième étude de cas abordait de façon globale la nécessité et les modalités d’aménagement avec une présence et une acceptation de l’eau accrue (inondations comprises) et en valorisant les écosystèmes. Elle a permis de traiter de : la conception et des composantes d’un tel aménagement ; la nécessité d’inclure cette démarche dans une stratégie de territoire coproduite permettant de recueillir l’adhésion des élus et de la population sur le long-terme ; les réponses techniques, économiques, juridiques et financières existantes.

Il ressort d’emblée trois points communs à ces deux études de cas.

Le premier est le besoin, d’une part de développer les références scientifiques et techniques sur ces deux sujets à l’interface de plusieurs disciplines et d’autre part de procéder à un parangonnage international afin de faire bénéficier nos territoires des bonnes pratiques déjà mises en œuvre et réussies à l’étranger.

Le deuxième est de ne pas être « prisonnier » d’outils techniques mais de mener une démarche projet intégrant des expertises scientifiques et techniques complémentaires et surtout répondant bien aux besoins spécifiques des territoires. Il est indispensable de mieux faire travailler sur les interfaces les spécialistes de l’écologie, du paysage, de l’urbanisme, de la gestion de voirie qui raisonnent souvent trop en silos dans leurs spécialités. Il s’agit de développer dès la formation initiale une ingénierie de la complexité à même de croiser différentes expertises.

Le troisième est de travailler au plus près du terrain en associant l’ensemble des acteurs locaux et en intégrant les savoir-faire locaux dit empiriques.

In fine, la résilience des écosystèmes urbains, dans un contexte de changement climatique, sera d’autant plus grande que le biotope et la biocénose seront intégrés en amont de tout aménagement et abordés non pas comme des contraintes mais comme des solutions aux problèmes rencontrés. Ainsi, à titre d’exemple, l’arbre ne doit plus être vu comme un élément du mobilier urbain installé après coup, mais comme un organisme vivant dont les exigences en termes de viabilité et de croissance et les services rendus doivent être intégrées au projet. Cette stratégie de territoire doit pouvoir se décliner et être mise en œuvre à différentes échelles spatiales et temporelles. La notion de résilience devient alors une boussole pour se tourner vers le bon cap : «l’aménagement proposé permet-il au territoire d’être plus résilient ? » Oui ou Non ?  

 

 

Yves Majchrzak

Ingénieur en Chef des Ponts, des Eaux et des

Forêts ;

Responsable du département Environnement,

Risques, Énergie, Numérique ;

Pilote du programme national

« Environnement » du Cerema.

 

 

1La nature en ville : comment accélérer la dynamique ?, avis du Conseil Économique, Social et Environnemental présenté par Mme Annabelle Jaeger, rapporteuse, au nom de la section de l’environnement, 11 juillet 2018, 88 p.

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