La gestion des déchets, c’est bien, l’éco-conception, c’est mieux

Rédigé par

SOPHIE SANCHEZ

Responsable communication

8543 Dernière modification le 07/12/2017 - 09:15
La gestion des déchets, c’est bien, l’éco-conception, c’est mieux

Le secteur du BTP a appris à « déconstruire » mais ne remet pas suffisamment en cause ses modes constructifs pour adopter de manière générale les démarches d’éco-conception.

« Dans les couloirs de Batimat, début novembre, on communiquait beaucoup sur le lambda des matériaux, leur conductivité thermique. Mais on parlait encore trop peu épuisement des matériaux ou éco-conception des bâtiments », regrette Sylvain Bordebeure, de la direction Économie circulaire et déchets de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

Or ce sont là des questions essentielles : « les matériaux utilisés sont-ils faciles ou non à recycler ? Sont-ils démontables ? Font-ils appel à des ressources rares ou qui risquent de se raréfier ? Voilà autant d’interrogations que les fournisseurs de matériaux devraient aborder, comme le font d’ores et déjà les gestionnaires de chantiers », poursuit Sylvain Bordebeure.

La problématique de la gestion et du recyclage des déchets en aval est bien sûr essentielle. Pour rappel, à l’échelon hexagonal, les 410 000 entreprises de bâtiment « produisent » 42,3 millions de tonnes de déchets tandis que les 7 500 entreprises de travaux publics en génèrent, elles, 185,3 millions de tonnes. Or si les déchets des travaux publics sont souvent d’ores et déjà réutilisés comme remblais, les déchets du bâtiment - souvent diffus et variés - sont beaucoup plus difficiles à valoriser d’autant qu’il s’agit bien souvent de matériaux de second œuvre. Le mélange des matériaux issus de la rénovation ou de la déconstruction est souvent préjudiciable à leur valorisation. Le diagnostic déchets versus ressources est un élément indispensable en amont des travaux.

Ponts renforcés entre les filières

« Des ponts existent déjà entre ces deux filières et pourraient être renforcés : les déchets inertes du bâtiment peuvent être réutilisés comme remblais dans les infrastructures routières tandis que les granulats issus des TP pourraient servir de matériaux pour le bâtiment », poursuit Sylvain Bordebeure. Le réemploi dans le secteur des TP est courant alors qu’il n’est encore qu’expérimental dans le secteur bâtiment (1).

Au-delà, les professionnels du secteur ont tout intérêt à sortir de leur zone de confort et à « s’adresser à d’autres industriels dans d’autres secteurs pour trouver des débouchés pour les matériaux déconstruits ou de nouveaux gisements de matières premières », souligne Edouard Carteron, chargé d’affaires construction et immobilier durable à l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb). Et de citer en exemple le groupe Serge Ferrari, « capable de recycler la fibre de ses membranes composites qui est ensuite utilisée par d’autres industriels pour diverses applications - tuyaux de jardin, vêtements,… ».

Mais face au risque d’épuisement des ressources, c’est tout en amont du processus qu’il faut remonter. Cette stratégie de prévention s'avère intéressante également sur le plan économique, car intervenir en amont est moins onéreux que corriger des erreurs de conception une fois le bâtiment construit.

Échanger avec les gestionnaires des bâtiments et les gestionnaires des déchets

« Suite aux travaux prospectifs et collaboratifs de certains acteurs (projet Democlès, initiative Circolab), on voit venir une vraie logique de déconstruction pour maximiser la réutilisation et le recyclage », confirme Edouard Carteron. Il salue à cet égard la mise en place de plateformes web d’échanges de matériaux mais objecte que celles-ci ne pourront fonctionner durablement que si elles sont assorties de plateformes physiques, ancrées dans les territoires, jouant un rôle de stock afin d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande.

La prochaine étape sera « de passer d’une logique de "comment déconstruire" à une logique de "comment concevoir" », poursuit-il. Si les travaux sur la déconstruction sont à saluer, il est également fondamental de remonter en amont et considérer ces enjeux lors de la conception. Edouard Carteron mentionne notamment deux leviers : « Comment concevoir et exploiter un bâtiment afin d’intégrer un maximum de matériaux et produits issus du recyclage et de la réutilisation  et maximiser la réutilisation des matériaux tout au long du cycle de vie du bâtiment ? »

« Les acteurs de la filière doivent poursuivre leurs échanges », reprend Edouard Carteron, afin de concevoir et d’exploiter les bâtiments dans une vision circulaire. « De nouveaux jeux d’acteurs sont à créer, pour définir de nouveaux modèles économiques, le nerf de la guerre », conclut-il. À ce titre, l’Ifpeb vient de lancer le projet Workspace Future afin d’explorer, avec des industriels et des maîtrises d’ouvrages, de nouveaux modèles pour aménager, entretenir et adapter les espaces intérieurs de bureaux dans une logique d’économie circulaire.

(1) Panorama de la deuxième vie des produits en France, 2017 : http://www.ademe.fr/panorama-deuxieme-vie-produits-france-reemploi-reutilisation-actualisation-2017

Propos recueillis par Sophie Sanchez, Direction du développement durable et de l’innovation transverse, Eiffage

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