La construction bois prend de la hauteur

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

6882 Dernière modification le 11/07/2012 - 15:23

C'était impensable il y a seulement cinq ans : un immeuble bois et verre de 12 000 mètres carrés sur cinq niveaux, à énergie positive, destiné à être occupé par des centaines de collaborateurs. Livré en juin prochain, le futur siège de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), à Courbevoie (92) est innovant à plus d'un titre.

Baptisé PhénomènE+, il est le fruit des efforts et de la prise de risque d'un promoteur, Marc Célariès, créateur du groupe Natekko en 2008 après 25 ans dans l'investissement immobilier classique : "Je suis convaincu que ses possibilités techniques et le confort qu'il procure vont faire du bois l'un des matériaux phares de la construction." Après avoir édifié plusieurs centaines de maisons en bois ces trois dernières années, il a convaincu l'INPI de lui confier la réalisation de cet immeuble, sans équivalent aujourd'hui.

PhénomèneE+ associe en effet une structure bois à colombage, 130 éléments de façade et dalles de planchers bois préfabriqués en usine et de grandes baies vitrées. La contribution du béton se limite aux poteaux, aux fondations et aux cages d'escaliers et d'ascenseurs. Les armatures métalliques, elles, ont totalement disparu.

Les grandes portées bois ont fait leur apparition et elles sont spectaculaires. Les concepteurs ont en effet appliqué à la construction bois les exigences des immeubles modernes de bureaux, en particulier le fait de disposer de plateaux sur de grandes surfaces. Les entreprises - Spie SCGPM et Mathis notamment - ont alors eu l'occasion de conjuguer ingénierie et ingéniosité. Par exemple, pas question de ne pas trouver une solution au problème posé par l'acoustique des planchers, mauvaise car le bois est sonore par nature. La réponse : des planchers un peu paradoxaux, portés par le bois mais recouverts d'une couche de 12 cm... de béton, bon isolant phonique.

Le futur siège de l'INPI à Courbevoie, livré en juin 2012.

La méthode de fabrication est elle-même originale, et fondamentale. "Nous assemblons un Lego géant, avec des morceaux de plusieurs tonnes" formule Marc Célariès. L'avantage ? Il est double : 1) réduire la durée du chantier, limité à 16 mois au lieu de 18 pour un édifice comparable 2) mieux maîtriser les aléas de chantier, tant météo que techniques. "Les problèmes techniques sont posés, et réglés, en amont lors de la conception. Ce qui implique une modélisation parfaite. Une seule modification, par exemple un redimensionnement des poteaux, entraîne une remodélisation complète. Tout doit être pensé à l'avance, et rien ou presque lors de la construction" précise le promoteur.

Dernière difficulté et pas des moindres, la réglementation. Avec le bois, les principes constructifs ne sont pas légion. Le plancher mixte bois-béton, par exemple, est une curiosité, du jamais vu. Plus gênant, Natekko a dû lancer une procédure pour démontrer... la bonne résistance au feu de cet immeuble. Comme quoi, les clichés, eux aussi, résistent longtemps. Sans surprise, les tests montrent que le bois brûle en surface mais que la partie porteuse reste en place longtemps, plus longtemps qu'une structure métallique qui supporte moins bien la chaleur.

Pour sa part, l'architecture bioclimatique a été conçue pour réduire les besoins du bâtiment en chauffage, rafraîchissement et éclairage. Ainsi, un atrium central, chauffé par le soleil, servira de puits énergétique en hiver ; des protections solaires extérieures orientables, relevables et pilotées automatiquement contribueront à maîtriser la température l'été. Enfin, cet immeuble est prévu pour produire plus d'énergie qu'il n'en absorbe. Annoncée à 40,9kW/m2/an, sa consommation devrait être plus que compensée par la production des 1 100 mètres carrés de panneaux photovoltaïques, et le bilan devrait ressortir en positif à 2,8 kW/m2/an.

Et le prix ? Pas de mauvais surprise là non plus : "Nous parvenons à construire au même prix qu'un bâtiment classique, 2 100 €/m2, grâce notamment aux grands panneaux préfabriqués et au gain de temps sur le chantier. Par ailleurs, le propriétaire de cet immeuble, l'INPI, économisera quelque 500 000 euros de charges par année" annonce Marc Célariés. Qui a désormais d'autres projets sur son bureau, comme cet immeuble bois de 100 000 mètres carrés à Rio de Janeiro, le plus grand au monde s'il se concrétise.

Jean-Philippe Pié

Source : Ecobat. « La construction bois prend de la hauteur »

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