La conception à trois temps de la qualité acoustique

Rédigé par

Nicolas Lounis

3165 Dernière modification le 19/10/2017 - 10:58
La conception à trois temps de la qualité acoustique

Depuis le 1er janvier 2013, toutes les opérations de logements collectifs à partir de deux logements doivent être accompagnées d’une attestation de prise en compte de la réglementation acoustique (APRA), fournie par le maître d’ouvrage à l’autorité qui a délivré le permis de construire. Serait-ce qu’avant 2013, la qualité acoustique des logements neufs n’était pas prise en compte ? La première règlementation en acoustique en France date de 1969 : d’abord ciblée sur les bruits intérieurs, et suivie neuf ans après, en 1978, d’un arrêté sur l’isolation vis-à-vis des bruits extérieurs. Elle s’est appliquée aux logements des bâtiments neufs jusqu’en décembre 1995 ! Puis de 1996 au 31 décembre 1999, c’est la Nouvelle règlementation acoustique (NRA) qui s’applique, avec des exigences renforcées (aussi bien en intérieur que vis-à-vis de l’extérieur). Enfin, depuis le 1er janvier 2000, la NRA est modifiée pour se mettre en conformité avec les indices européens (sans changement des performances exigées). Malgré ces réglementations successives, en mai 2010, l’enquête menée par TNS Sofres auprès des particuliers ressort que 66% des personnes interrogées se disent personnellement gênées par le bruit à leur domicile, confirmant ainsi des études précédentes (54% en 2002). Mais c’est surtout le fort taux de non-conformité lors des contrôles acoustiques réalisés dans le cadre du Contrôle du règlement de construction (CRC) qui donne l’alerte : 40 à 60% (selon les régions et les types d’opération) des opérations de logements neufs sont non-conformes en acoustique, selon les statistiques des quinze dernières années.

Quid de la conception des bâtiments ?

Depuis de nombreuses années, la conception des bâtiments de logements neufs est réalisée sans acousticien. “On sait faire”, comme nous l’entendons régulièrement chez certaines entreprises. Lors de consultations publiques, un bureau d’étude acoustique pour les logements des programmes des bailleurs sociaux, est apparu progressivement mais reste encore limité et lié aux inquiétudes des difficultés d’isolement de façade. Les exemples de solutions acoustiques (ESA) édités par le CSTB ou les guides édités par Qualitel ou encore les conseils des fabricants à travers le rappel de la réglementation et les solutions apportées par leurs produits, sont là pour aider les concepteurs (lorsqu’ils n’ont pas d’acousticien sous la main qui lui souffle à l’oreille) : il n’y a donc qu’à respecter les ingrédients, les temps de cuissons… et le plat est réussi. Ce qui n’est pas forcément prévu, c’est que la recette est réalisée par plusieurs cuisiniers (l’architecte, le promoteur, le maître d’ouvrage, les entreprises, le bureau de contrôle, un bureau d’étude généraliste…). Mais quel acteur de la maîtrise d’oeuvre peut donc bien être garant d’une conception acoustique cohérente avec l’ensemble des contraintes du projet ? On peut se le demander après le constat de plus de 50% (en moyenne) des opérations logements neufs nonconformes en acoustique.

Une mise en oeuvre source de non-conformité sur le chantier

Un exemple d’un suivi spécifique acoustique avec cellule d’essai (avec trois visites de chantier de l’acousticien), nous a permis de prendre la dimension de cette question de mise en oeuvre. L’opération de 150 logements a fait l’objet d’une conception avec un acousticien. Les logements témoins ont été bien étudiés en études d’exécution avec le même acousticien. Bien réalisée, en accord avec l’entreprise générale et son sous-traitant, la mise en oeuvre a ensuite été validée par des mesures Attestation acoustique © Chlorophylle - Fotolia.com 33 acoustiques (réalisées par le même acousticien).

Le résultat des mesures en fin de chantier parle de lui-même :

  • Objectif dépassé de 3 dB en horizontal et de + 10 dB en vertical, sur la cellule d’essai,
  • Objectif atteint au 3ème étage,
  • Objectif en dessous de 4 dB au 6ème étage.

Pour la même conception et une mise en oeuvre avec cellule témoin, et trois réunions de chantier : des différences de 7 à 14 dB ! Des mesures réglementaires insuffisantes La réalisation de mesures uniquement liées à l’attestation (et non liées aux mesures de contrôle pendant ou juste avant la fin du chantier) est obligatoire à partir de 10 logements. Pour les opérations de 10 à 29 logements, 6 à 9 mesures sont nécessaires et suffisantes, selon l’arrêté. Pour les opérations de plus de 30 logements, il faut réaliser 13 à 16 mesures, tout type de mesure confondu. Dans un cas de figure entre 60 et 80 logements, représentatif des opérations courantes de logements, nous aurons donc 4 mesures d’isolement aux bruits aériens (verticales et horizontales confondus), 3 mesures aux bruits d’impacts… est-ce bien représentatif et utile ? Le nombre de mesures doit bien évidemment être beaucoup plus important, et intervenir avant la fin du chantier, dans la continuité d’un suivi de chantier conséquent par l’acousticien du projet (de la maîtrise d’oeuvre, si possible).

Un suivi du projet par le bureau d’étude acoustique est nécessaire

Afin d’obtenir un retour des habitants et des acteurs de la construction, le Giac a mis en place un site internet : http://attestation-acoustiquelogement. fr. Ce site permet de recevoir tout type de demande concernant l’attestation. La majorité des contacts sont des plaintes des habitants, alors que l’APRA a été délivrée par le maître d’ouvrage, avec des mesures conformes ! Une garantie de suivi par le même acteur de la maîtrise d’oeuvre, de la conception aux mesures tout au long du projet est donc nécessaire !

Le bureau d’étude acoustique est le mieux armé, d’autant qu’il touche tous les corps d’état et tous les éléments de la construction, des fondations (pour les vibrations en l’occurrence à proximité des voies ferrées) jusqu’aux “poignées de la porte”, en passant par les cloisons et les gaines techniques, ainsi que les bruits d’équipements… A nous de jouer !

Article publié sur Environnement & Technique
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Par Nicolas Lounis, Agna

 

 

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