L’Observatoire de la qualité de l’air intérieur : un outil unique pour décrire et comprendre la pollution de l’air des lieux de vie

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Alliance HQE-GBC

3336 Dernière modification le 27/03/2018 - 10:04
L’Observatoire de la qualité de l’air intérieur : un outil unique pour décrire et comprendre la pollution de l’air des lieux de vie

L’enjeu sanitaire que représente la qualité de l’air intérieur n’est aujourd’hui plus à démontrer. En 2014, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) ont chiffré à environ 28 000 le nombre de nouveaux cas de maladies et à plus de 20 000 le nombre des décès liés à six polluants de l’air intérieur en France annuellement, soit un coût d’environ 19 milliards d’euros. Aussi, les recherches se poursuivent pour approfondir les connaissances sur les polluants présents dans les environnements intérieurs.

L’OQAI a été créé en 2001 pour documenter la qualité de l’air et le confort dans les lieux de vie. Il est placé sous la tutelle des ministères en charge du Logement, de l’Environnement et de la Santé, dans le cadre d’une convention entre ces trois ministères, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), opérateur scientifique et technique. Ses travaux sont financés par ces trois ministères, l’ADEME et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

Premier environnement intérieur en termes de temps passé, le logement a fait l’objet de la première campagne nationale de l’OQAI en 2003-2005. Plus d’une centaine de paramètres chimiques, physiques et biologiques ont été mesurés dans un échantillon de 567 logements tirés au sort et représentatifs du parc des résidences principales de France métropolitaine. Cette campagne a montré que certains polluants étaient systématiquement présents dans les logements français comme le formaldéhyde, les particules, ainsi que certains phtalates et hydrocarbures aromatiques polycycliques. La pollution de l’air des logements n’est cependant pas homogène et différents profils de pollution ont été identifiés. Ainsi, 10 % des logements sont multipollués : ils présentent simultanément plusieurs polluants chimiques à de très fortes concentrations. En revanche, 40 % des logements sont considérés faiblement pollués car ils présentent des concentrations inférieures ou égales aux niveaux médians de l’échantillon pour quasiment l’ensemble des composés recherchés. Depuis cette première campagne, de nombreuses politiques publiques ont été mises en place, notamment l’étiquetage des matériaux de construction et de décoration vis-à-vis des émissions en composés organiques volatils les plus fréquemment retrouvés dans l’air des logements. Parallèlement, des questionnements se sont fait jour sur les expositions de la population à certaines substances chimiques. Ainsi, afin de déterminer l’évolution de la pollution intérieure au cours des quinze dernières années et d’acquérir de nouvelles connaissances utiles à l’action, une deuxième campagne nationale « logements » est en préparation.

En parallèle, l’OQAI a élargi son champ de recherche aux lieux de vie accueillant des enfants (crèches, lieux d’enseignement et de loisirs) et aux immeubles à usage de bureaux. Deux campagnes nationales se sont ainsi achevées en 2017, d’une part dans un échantillon de 308 écoles représentatif du parc des écoles maternelles et élémentaires de France métropolitaine, et d’autre part, dans un échantillon de 130 immeubles de bureaux. Les données collectées sont en cours d’exploitation. Dans les écoles, les mesures de qualité de l’air intérieur ont été complétées par des mesures dans les poussières déposées au sol, des mesures de plomb dans les revêtements muraux, de champs électromagnétiques, ainsi que des niveaux de bruit et d’éclairement. Dans les bureaux, les premiers résultats disponibles montrent des concentrations intérieures globalement faibles pour les substances recherchées. Cependant, certains espaces apparaissent multipollués ; l’exploitation se poursuit pour en identifier les causes.

À l’heure où les enjeux du bâtiment s’inscrivent dans des priorités d’économie d’énergie et de développement durable, l’OQAI porte une attention particulière à la qualité de l’air et au confort des bâtiments neufs et réhabilités. En effet, l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, qui passe notamment par le renforcement de l’étanchéité à l’air de l’enveloppe, ne doit pas se faire au détriment de la qualité de l’air intérieur. Ainsi, l’OQAI a engagé en 2012 un programme dédié à l’étude de la qualité de l’air intérieur et du confort dans les bâtiments neufs ou récemment rénovés. Les résultats portent à ce jour sur 72 logements et montrent des concentrations inférieures ou équivalentes à celles observées dans les logements français en 2003-2005 à l’exception de trois substances chimiques : l’hexaldéhyde, l’α-pinène et le limonène. De plus, un développement fongique actif est présent dans 47 % des logements contre 37 % en 2003-2005, soit près d’un logement sur deux contaminé par des moisissures, le plus souvent non visibles.

Enfin, alors que la surveillance réglementaire de la qualité de l’air intérieur est en place dans les crèches et les écoles, il convient de préparer les prochaines échéances et d’identifier les paramètres pertinents pour la surveillance à mener dans les autres lieux recevant du public. L’OQAI a ainsi été missionné par les pouvoirs publics pour réaliser des mesures dans trois types d’établissement spécifiquement ciblés pour l’échéance de 2023 : les établissements d’hébergement de personnes âgées, les unités de soin de longue durée et les établissements d’accueil d’enfants et d’adultes handicapés. Une centaine de ces établissements seront prochainement instrumentés afin d’obtenir de premières données relatives à la qualité de l’air intérieur et au confort.

L’observation à l’échelle des parcs de bâtiments en situation d’occupation est un outil unique pour élaborer et ajuster les politiques publiques, engager les professionnels et sensibiliser le grand public. Les connaissances sur les polluants présents dans l’air intérieur ont largement progressé ces dernières années et des avancées majeures ont été réalisées pour réduire les expositions à certaines substances chimiques et intégrer la qualité de l’air intérieur dans l’acte de construire et l’exploitation des bâtiments. Des recherches sont encore nécessaires et ce d’autant que le bâtiment est en constante évolution et que de nouvelles interrogations sont soulevées, en lien par exemple avec l’utilisation croissante des nanomatériaux, la présence de perturbateurs endocriniens dans certains matériaux et produits ou encore la réémergence des problématiques d’amiante à l’occasion des programmes de rénovation énergétique des bâtiments. La qualité de l’air intérieur est au cœur des préoccupations et des attentes sociétales en matière de protection de la santé.

Corinne Mandin

Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) – Université Paris-Est – Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI), 84 Avenue Jean Jaurès, Champs-sur-Marne, 77447 Marne-La-Vallée Cedex 2. [email protected]

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