Karibati: Quels enjeux pour les bâtiments biosourcés ?

3619 Dernière modification le 08/09/2016 - 10:51
Karibati: Quels enjeux pour les bâtiments biosourcés ?

Les matériaux biosourcés représentent un marché porteur, qui pèse aujourd’hui 50 % des matières premières utilisées pour la construction. Yves Hustache, co-fondateur et associé de la Société coopérative et participative Karibati, répond à nos questions. 

 

Qu’est-ce que Karibati ?

Yves Hustache : Il s’agit d’une Scop* créée il y a un an pour accompagner les différents acteurs concernés par les matériaux biosourcés : fabricants, territoires, acteurs de l’immobilier, de la maîtrise d’ouvrage… L’utilisation des matériaux biosourcés se développe et les pouvoirs publics les encouragent. Afin de pouvoir répondre à cette demande, il y avait besoin d’une structure pouvant accompagner les TPE et PME, qui n’ont pas toujours les moyens de disposer d’un service de R&D.

Quelle différence y a-t-il entre matériaux biosourcés et éco-matériaux ? 

Y.H. : Les matériaux biosourcés sont des matériaux dont la matière première est issue de biomasse animale ou végétale. Les éco-matériaux, eux, sont des matériaux qui ont un faible impact sur l’environnement. Un matériau biosourcé peut être un éco-matériau mais l’inverse n’est pas forcément vrai.

Comment sont répartis les matériaux biosourcés ? 

Y.H. : On distingue trois grandes familles.

  • Les isolants, qu’ils soient en rouleaux, en panneaux ou en vrac. Ils peuvent être faits de bois, chanvre, lin, coton recyclé, ouate de cellulose, laine de mouton. Ce sont des produits sous avis technique, certifiés ACERMI. Les volumes d’isolants biosourcés sont estimés à 18 millions de m² annuels, soit 5 à 8 % du marché de l’isolation.
  • Vient ensuite la construction paille, qui est un système constructif complet. Il y a environ 300 chantiers réalisés chaque année. A ce jour, on compte quelque 3000 bâtiments en paille en France.
  • Enfin il y a les bétons biosourcés, constitués d’un granulat végétal (chanvre ou bois surtout) et d’un liant minéral. Nous avons de nombreux projets de R&D avec du lin et du colza. En effet, tout granulat végétal peut potentiellement être utilisé. Ce marché est encore faible, avec quelque 500 chantiers par an seulement.

A ces trois familles on peut ajouter celle de la construction bois, connue et bien cadrée, ainsi que certains revêtements de sol comme le linoléum et certaines peintures.

Isolants en fibres végétales et béton de chanvre ©Karibati

Isolants en fibres végétales et béton de chanvre ©Karibati

 

Quels sont les avantages d’utiliser des biosourcés dans le bâtiment ?

Y.H. : En premier, vient la performance technique de ces matériaux, avec, en plus, pour certains, un avantage économiquement concurrentiel. Ensuite vient le fait qu’ils ont un faible impact sur l’environnement et qu’ils répondent bien aux enjeux environnementaux : c’est une matière première renouvelable, ils séquestrent le carbone au lieu d’en produire et ils participent à la création d’emploi par le biais des filières locales. L’aspect sanitaire n’est pas négligeable non plus. Par exemple, la laine de mouton capte les formaldéhydes.

Y a-t-il des différences de performances avec les autres matériaux ?

Y.H. : En termes de conductivité thermique, ils ont des caractéristiques comparables à des laines minérales, en particulier la fibre de bois et la laine de mouton. Mais les matériaux biosourcés possèdent en outre des caractéristiques hygrothermiques particulières qui font qu’ils améliorent le confort intérieur en utilisant et gérant la vapeur d’eau.

L’utilisation des matériaux biosourcés dans le bâtiment est-elle en croissance ?

Y.H. : A part la paille, les autres matériaux sont relativement nouveaux et progressent bien. Les biosourcés ont enregistré une croissance d’environ 40 % sur les quatre dernières années et devraient encore s’accroître dans les années à venir avec les lois qui sont mises en place.

Projet du Collège Osmose, lauréat Ile-de-France du concours Bâtiments biosourcés Karibati

Projet du Collège Osmose, lauréat Ile-de-France du concours Bâtiments biosourcés Karibati

 

Quels sont les freins à leur utilisation ?

Y.H. : Il y a certaines problématiques à lever pour une utilisation dans les ERP (établissements recevant du public), notamment par rapport à la réglementation incendie. Il est vrai que les matériaux biosourcés sont combustibles mais il est possible de compenser cette faiblesse en utilisant des parements thermiques, des plaques de plâtre BA18, par exemple. L’autre frein est l’idée que se font les professionnels, les entreprises et les promoteurs du coût des biosourcés. Ils croient que c’est plus cher que les matériaux conventionnels alors qu’il est possible de trouver des solutions très compétitives. C’est le cas avec la ouate de cellulose et la fibre de bois.

Il y a donc un manque de connaissance de la part des professionnels. Ne sont-ils pas formés ?

Y.H. : Ce sont souvent les artisans de bon niveau qui s’intéressent à ce type de matériaux. L’enjeu est de sensibiliser et de former les entreprises lambda. La DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages) a mis en place un groupe de travail au niveau national pour toucher les entreprises mais aussi les architectes et les maîtres d’œuvre. Les syndicats professionnels dispensent aussi des formations à leurs adhérents. Et depuis l’année dernière, nous organisons un concours pour les étudiants en architecture que nous faisons travailler sur des projets afin de les sensibiliser. De manière générale, il y a un gros travail à mener pour mieux faire connaître les matériaux biosourcés.

Auprès du grand public également ?

Y.H. : Oui, là aussi, il y a beaucoup de travail à faire. Le terme « biosourcé » est encore mal connu. La sensibilisation a surtout été faite auprès des professionnels. Pour toucher le grand public, ce sont surtout les fabricants qui communiquent.

Quels sont les plus gros enjeux aujourd’hui ?

Y.H. : L’enjeu principal est d’intégrer toujours davantage les matériaux biosourcés dans le bâtiment. C’est positif pour l’environnement et cela crée de l’activité sur les territoires. Ensuite il nous faut développer de nouvelles solutions constructives performantes économiquement et thermiquement pour répondre plus massivement à la demande.

* Société coopérative et participative

Pour en savoir plus :

www.karibati.fr

 

Article publié sur Mondial du bâtiment
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