ITW Laurène Félix (Ingénieur Architecte NOBATEK/INEF4) – Economie circulaire et bâtiment

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Cercle Promodul/INEF4 Communication

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1137 Dernière modification le 16/12/2019 - 09:48
ITW Laurène Félix (Ingénieur Architecte NOBATEK/INEF4) – Economie circulaire et bâtiment

Les politiques actuelles s’orientent vers une gestion responsable et durable des ressources naturelles. A ce titre, l’union européenne fixe les objectifs de valorisation des déchets issus du BTP à 70% à partir de 2020. L’impact carbone, intégrant la notion d’empreinte environnementale de la conception à la déconstruction d’un bâtiment, aura d’ailleurs sa place dans la prochaine réglementation environnementale RE2020.

Par conséquent, un modèle d’économie circulaire doit être adopté par l’ensemble des acteurs du bâtiment, en opposition au modèle traditionnel (ou linéaire) d’utilisation des ressources.

Mais, comment opérer un tel changement de paradigme auprès de la filière ? L’économie circulaire implique de s’adapter à de nouvelles méthodes de conception, de travail mais aussi d’innovation.

Un des premiers pas vers la réussite de cette transition est la bonne compréhension des principes liés à l’économie circulaire et des avantages concrets que cela implique.

Pour mieux appréhender ces notions nous avons posé 3 questions à Laurène Félix, Ingénieur-Architecte chez NOBATEK/INEF4, experte BAZED (approche circulaire pour concevoir des bâtiments évolutifs, réversibles, démontables et utilisant des matériaux provenant du réemploi).

Comment rendre accessible et compréhensible l’économie circulaire, et par extension l’écoconception, pour les artisans et les particuliers ? Et pour quel(s) avantage(s) (valorisation patrimoine, économies, engagement environnemental etc…) ?

Les actions de communication, de sensibilisation et de formation sont essentielles pour transmettre et savoir ce qui est réalisable et ainsi ouvrir le champ des possibles.

C’est une des volontés du site internet BAZED (BAtiment ZEro Déchet) par exemple qui énonce des principes, donne des solutions techniques et montre des projets exemplaires sur des bâtiments évolutifs, démontables et faisant appel à des matériaux de réemploi en neuf et en rénovation, ainsi qu’à des matériaux recyclés et biosourcés les plus locaux possibles.

Les principaux avantages à de telles démarches sont :

  • Réduire les coûts : transport, adaptation, maintenance, élimination des déchets…. ;
  • Diminuer notre impact carbone en valorisant notre patrimoine : pour les bâtiments à rénover et les bâtiments neufs utilisant des matériaux de seconde main qui peuvent aider à conserver la mémoire du lieu ;
  • Développer les savoir-faire et former les acteurs locaux (y compris les artisans) ;
  • Réaliser des projets exemplaires reconnus ;
  • Créer de nouvelles filières locales.

Comment diriger le particulier et les artisans vers les bonnes pratiques en matière d’écoconception et d’économie circulaire (organismes, guides, normes etc…) ? Quels leviers supplémentaires mettre en place ?

Pour intéresser le particulier et les artisans, le moyen le plus efficace selon moi  est avant tout le « proof of concept », en organisant :

  • des visites de bâtiments démonstrateurs, comme la maison de Raphaël Fourquemin [1] réalisée avec des matériaux provenant de la déconstruction d’un restaurant.
  • des chantiers formation, chantiers de déconstruction par exemple, pour apprendre les bonnes pratiques et développer de nouveaux savoir-faire qui ont tout à fait leur place dans le monde de l’artisanat.
  • des formations plus théoriques (couplées à la pratique), pour montrer les enjeux de l’éco-conception et de l’économie circulaire
  • des journées de sensibilisation comme le propose le collectif IDRE avec un vide atelier où les artisans pourront revendre les matériaux qu’ils ont en stock (récupération sur chantiers de déconstruction ou surplus) à l’image des vide-greniers

Autre élément de grande importance dans la démarche d’écoconception et d’économie circulaire : la mise en relation de l’offre et la demande.

Pour la thématique de la déconstruction et du réemploi, des associations comme IDRE (Interprofessionnelle de la Déconstruction et du Réemploi) a entre autres cette mission.

Au-delà de cette thématique, pour des filières locales faisant appel à des matériaux biosourcés ou recyclés, les particuliers et les artisans ne savent pas ce qui existe et ne peuvent donc pas mettre en œuvre de tels matériaux sur leur bâtiment (y compris dû à un manque de savoir-faire sur la mise en œuvre).

De la même manière : comment savoir quels sont les techniques et les grands principes qui permettent de rendre ma maison évolutive (en prévoyant dès sa conception de repousser un mur pour l’agrandir par exemple, ou d’ajouter un module facilement), ou démontable (pour pouvoir la reconstruire sur un autre site par exemple) ?

Cette méconnaissance est valable aussi pour les architectes ou d’autres maîtrises d’ouvrage de taille plus importante.

Ainsi, les principaux leviers sont à mon sens la capitalisation, la communication et la mise en réseau des acteurs.

Pour les artisans et les particuliers, l’encadrement réglementaire actuel devrait-il évoluer selon vous ? Si oui, de quelle manière ? Si non, les choix d’écoconception devraient-ils plutôt faire appel à une démarche volontaire ?

Au même titre que la RT2012 s’applique pour les particuliers, la future réglementation environnementale RE2020 (introduite par le label E+C-) portera sur l’impact carbone de nos habitations, en plus du côté thermique actuel.

La méthodologie appliquée est celle de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), qui prend en compte l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, l’impact environnemental de ses composants, ainsi que les impacts carbones liés aux chantiers et à la consommation énergétique durant ses phases d’exploitation. Les scénarios de fin de vie des bâtiments et de ses composants sont aussi importants pour réduire notre impact carbone.

En termes de démarche volontaire, Cerqual a par exemple travaillé aux côtés de NOBATEK/INEF4 à l’élaboration d’un profil économie circulaire à adosser à la certification NF habitat HQE [2] . Valable essentiellement pour des logements collectifs, un tel profil pourrait voir le jour pour de la maison individuelle. Ces démarches volontaires pourront permettre de pousser plus loin les principes d’écoconception et d’économie circulaire qu’exigera la future réglementation environnementale.

Au niveau des qualifications, des mentions telles que RGE pourraient également reconnaître les entreprises et artisans travaillant à mettre en œuvre des démarches d’écoconception et d’économie circulaire. Sachant que ce type de qualification peut dans certains cas permettre d’accéder à des aides de l’Etat.

Eco-concevoir des bâtiments en faisant appel aux grands principes de l’économie circulaire permet ou permettra à la fois de répondre à ces exigences et de participer au développement de l’économie locale.

Laurène Félix, Ingénieur-Architecte chez NOBATEK/INEF4, accompagne la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage pour réaliser des bâtiments innovants à haute performance environnementale et énergétique, en considérant l’ensemble de leur cycle de vie et transfère également son expertise dans les projets de R&D (nouvelles méthodologies, pistes d’innovation et de valorisation, techniques et/ou économiques en lien avec le marché actuel).

[1] Raphaël Fourquemin, Architecte Urbaniste spécialisé dans la rénovation écologique du bâti ancien. Il expérimente la déconstruction et le réemploi depuis 2013. Il a notamment réalisé en autoconstruction la transformation d’un hangar/restaurant en maison de ville bio-climatique à Pau. Il travaille aujourd’hui à la structuration de la filière dans les Pyrénées-Atlantiques.

[2] Consultez les principaux labels et certifications disponibles aujourd’hui.

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