Immobilier et construction face au décret reporting RSE

Rédigé par

Cédric BOREL

Directeur

4866 Dernière modification le 01/05/2012 - 10:03

Le décret d'application de l’article 225 de la loi Grenelle II sur le reporting RSE a été publié. Il distingue les sociétés cotées et non cotées.


Le décret « relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale », est publié au Journal officiel du jeudi 26 avril 2012 (le texte intégral ici).


Ce décret conserve une double liste d'informations devant figurer dans les rapports extra financiers, selon que les sociétés sont cotées ou non, qui existait déjà dans la version du 9 mars 2011 du projet soumis à consultation publique. Le gouvernement avait voulu créer ce distinguo réglementairement à travers le décret, mais celui-ci avait été rejeté par le Conseil d'État, puis rétabli par la loi Warsmann. Le Conseil d'État a, en avril 2012, de nouveau rendu un avis défavorable sur cette double liste, qui créerait une rupture d'égalité devant la loi. Le gouvernement avait annoncé le 13 avril dernier « étudier rapidement les conséquences de la décision du Conseil d'État et faire de nouvelles propositions ». Des parties prenantes hostiles au décret pourraient saisir la section contentieuse du Conseil d'État.


L'obligation de reporting s'appliquera:



  • aux exercices ouverts après le 31 décembre 2011 pour les entreprises de plus 5 000 salariés avec un total du bilan ou un chiffre d'affaires à un milliard d'euros, et les sociétés cotées, avec obligation pour la société, si elle n'a pas pu fournir certaines des informations, d'en justifier les raisons.

  • Pour les entreprises de plus de 2 000 salariés avec un total de bilan ou un chiffre d'affaires à 400 millions d'euros, l'obligation vaut à partir des exercices ouverts après le 31 décembre 2012.

  • Les entreprises de 500 salariés dont le total du bilan et le chiffre d'affaires sont fixés chacun à 100 millions d'euros sont concernées à partir des exercices ouverts après le 31 décembre 2013.


En reprenant les entreprises de l’indice boursier SBF120, les entreprises concernées des secteurs de l’immobilier, de la construction et de l’énergie dans les deux premières catégories sont Arcelor Mittal, Bouygues, Bureau Veritas, Ciments Français, EDF, EDF EN, EIFFAGE, Foncière des Régions, GDFSUEZ, Gecina, Icade, Klepierre, Legrand, Nexity, Saint-Gobain, Schneider Electric, Silic, Théolia, Total, Unibail Rodamco, Veolia Environnement, Vinci.


Ces sociétés sont déjà en marche sur la communication extra-financière: 44% des principales sociétés de l’indice SBF 120*, soit 53 d’entre elles dont 35 sociétés du CAC 40, ont fait auditer une partie de leurs informations de développement durable relatives à l’exercice 2010. Si 83% des entreprises du SBF120 concernées ont confié ces travaux à leur commissaire aux comptes,  42% du SBF120 font vérifier leurs émissions de gaz à effet de serre. Les périmètres couverts sont encore très hétérogènes, ainsi que le nombre d’indicateurs vérifiés.


Ensuite, les filiales ou sociétés contrôlées au-delà d’un certain seuil n’auront pas à publier ces informations si la société qui les consolide les publie déjà.


Selon l'article 225 du Grenelle II, le rapport annuel de gestion du conseil d'administration ou du directoire « doit faire figurer la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, ainsi que ses engagements sociétaux en faveur du développement durable ». Le rapport doit indiquer les actions mises en œuvre par l'entreprise et par ses filiales sur ces deux aspects. Il présente les données observées au cours de l'exercice clos et, le cas échéant, au cours de l'exercice précédent, de façon à permettre une comparaison entre ces données. Si la société a choisi de se conformer à un référentiel national ou international (social ou environnemental), il peut le mentionner en indiquant où le consulter. Il doit aussi fournir une explication pour les informations qui ne sont pas renseignées.


Rappelons que les collectivités territoriales ne sont pas en reste : celles de plus de 50 000 habitants, les départements et les régions devront établir sur rapport sur leur situation en matière de développement durable. Leur contenu est détaillé dans le décret du 17 juin dernier, N°2011-687. Les premiers rapports de développement durable de collectivités sont attendus pour cette année.



Cédric BOREL



*Etude DELOITTE « Vérification des informations de développement durable : Analyse des pratiques volontaires et perspectives pour l’application de la loi Grenelle 2 » publiée le 6 octobre 2011.




ANNEXE: OBLIGATIONS DES SOCIÉTÉS CONCERNÉES


Le projet de décret détaille les informations environnementales, sociales et sociétales qui doivent être fournies :


SOCIALES



  • Emploi : l'effectif total et la répartition des salariés par sexe, par âge et par zone géographique ; les embauches et les licenciements ; les rémunérations et leur évolution ;

  • Organisation du travail : l'organisation du temps de travail ;

  • Relations sociales : l'organisation du dialogue social, notamment les procédures d'information et de consultation du personnel et de négociation avec celui-ci ; le bilan des accords collectifs ;

  • Santé et sécurité : les conditions de santé et de sécurité au travail ; le bilan des accords signés avec les organisations syndicales et les représentants du personnel en matière de santé et de sécurité au travail ;

  • Formation : les politiques mises en œuvre en matière de formation ; le nombre total d'heures de formation ;

  • Égalité de traitement : les mesures prises en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ; les mesures prises en faveur de l'emploi et de l'insertion des personnes handicapées ; la politique de lutte contre les discriminations.


ENVIRONNEMENTALES



  • Politique générale en matière environnementale : l'organisation de la société pour prendre en compte les questions environnementales, et le cas échéant, les démarches d'évaluation ou de certification en matière d'environnement ; les actions de formation et d'information des salariés menées en matière de protection de l'environnement ; les moyens consacrés à la prévention des risques environnementaux et des pollutions ;

  • Pollution et gestion des déchets : les mesures de prévention, de réduction ou de réparation de rejets dans l'air, l'eau et le sol affectant gravement l'environnement ; les mesures de prévention, de recyclage et d'élimination des déchets ; la prise en compte des nuisances sonores et de toute autre forme de pollution spécifique à une activité ;

  • Utilisation durable des ressources : la consommation et l'approvisionnement en eau en fonction des contraintes locales ; la consommation de matières premières et les mesures prises pour améliorer l'efficacité dans leur utilisation ; la consommation d'énergie, les mesures prises pour améliorer l'efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables ;

  • Changement climatique : les rejets de gaz à effet de serre ;

  • Protection de la biodiversité : les mesures prises pour préserver ou développer la biodiversité.


SOCIÉTALES



  • Impact territorial, économique et social de l'activité de la société : en matière d'emploi et de développement régional ; sur les populations riveraines ou locales ;

  • Relations entretenues avec les personnes ou les organisations intéressées par l'activité de la société, notamment les associations d'insertion, les établissements d'enseignement, les associations de défense de l'environnement, les associations de consommateurs et les populations riveraines : les conditions du dialogue avec ces personnes ou organisations ; les actions de partenariat ou de mécénat ;

  • Sous-traitance et fournisseurs : la prise en compte dans la politique d'achat des enjeux sociaux et environnementaux.




OBLIGATIONS COMPLÉMENTAIRES POUR LES SOCIÉTÉS COTÉES


Par ailleurs, les entreprises cotées en Bourse doivent fournir des informations supplémentaires dans les trois catégories d'information :


SOCIALES



  • Organisation du travail : l'absentéisme ;

  • Santé et sécurité : les accidents du travail, notamment leur fréquence et leur gravité, ainsi que les maladies professionnelles ;

  • Promotion et respect des stipulations des conventions fondamentales de l'OIT (Organisation internationale du travail) relatives : au respect de la liberté d'association et du droit de négociation collective ; à l'élimination des discriminations en matière d'emploi et de profession ; à l'élimination du travail forcé ou obligatoire ; à l'abolition effective du travail des enfants.


ENVIRONNEMENTALES



  • Politique générale en matière environnementale : le montant des provisions et garanties pour risques en matière d'environnement, sous réserve que cette information en soit pas de nature à causer un préjudice sérieux à la société dans un litige en cours ;

  • Utilisation durable des ressources : l'utilisation des sols ;

  • Changement climatique : l'adaptation aux conséquences du changement climatique.


 SOCIÉTALES



  • Sous-traitance et fournisseurs : l'importance de la sous-traitance et la prise en compte dans les relations avec les fournisseurs et les sous-traitants de leur responsabilité sociale et environnementale.

  • Loyauté des pratiques : les actions engagées pour prévenir la corruption ; les mesures prises en faveur de la santé et de la sécurité des consommateurs ;

  • Autres actions engagées en faveur des droits de l'homme.


 VÉRIFICATION


L'article 225 du Grenelle II précise que les informations extra financières fournies font l'objet d'une vérification. Celle-ci s'applique aux entreprises cotées « à partir de l'exercice ouvert après le 31 décembre 2011 » et pour les autres entreprises concernées « à partir de l'exercice ouvert après le 31 décembre 2016 », précise le décret. Toutefois, dès la première année d'obligation de reporting les concernant, toutes devront fournir une attestation d'un tiers indiquant si les informations demandées sont fournies ou non, si celles non fournies le sont sans explication. L'organisme tiers indépendant est désigné par le directeur général ou le président du directoire, pour six exercices maximum. Ces organismes doivent être accrédités par le Cofrac (Comité français d'accréditation) ou par tout autre organisme d'accréditation signataire de l'accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d'accréditation.


L'organisme doit établir un rapport, précisant dans le cadre d'une attestation si la totalité des informations demandées sont fournies ou non, et signaler les informations omises sans explication. Il doit aussi donner son avis motivé, d'une part sur la sincérité des informations figurant dans le rapport de l'entreprise, et d'autre part sur les explications de l'entreprise accompagnant les données manquantes. Il doit enfin montrer les moyens et les procédés qu'il a mis en œuvre pour conduire sa mission de vérification.


 

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