#25 - Factory as a Forest (l’usine-forêt) : repenser les installations industrielles comme des écosystèmes

Rédigé par

Benjamin Plault

Marketing Executive & Wellbeing Officer

7988 Dernière modification le 21/06/2019 - 14:19
#25 - Factory as a Forest (l’usine-forêt) : repenser les installations industrielles comme des écosystèmes

Chez Interface, nous agissons pour trouver des solutions et inspirer les autres. Nous nous sommes rendu compte que la nature fournit déjà une recette à suivre et qu’il ne nous reste plus qu’à l'appliquer. Le concept consistant à imiter les processus et systèmes naturels pour résoudre de manière responsables les problèmes de l’Homme est appelé biomimétisme. Le biomimétisme est depuis longtemps un aspect important dans la conception des produits chez Interface, mais ce concept trouve réellement tout son sens dans nos usines. Un des projets en cours concerne la création d’usines fonctionnant comme une forêt. Il ne s'agit pas seulement de concevoir des usines sans aucun impact négatif, mais aussi de les gérer pour qu'elles contribuent à un meilleur climat environnant.

Interface s’est toujours inspiré de la nature. Lorsque l’entreprise s’est orientée pour la première fois vers le développement durable en 1994, l’une des premières questions que nous avons posées était : « Si la nature concevait une entreprise, comment fonctionnerait-elle ? » Ces premières réflexions nous ont aidés à créer un cadre permettant de repenser notre entreprise pour qu’elle n’ait aucun impact négatif et qu’elle exerce une action réparatrice par son pouvoir d’influence.

En collaboration avec Biomimicry 3.8, nous avons développé une méthodologie qui nous permet, ainsi qu’à d’autres sociétés, de transformer des usines « à zéro impact » pour qu’elles offrent les mêmes avantages que des écosystèmes très performants. Nous appelons cette méthodologie « Factory as a Forest » (FaaF).

Erin Meezan, directrice du développement durable chez Interface, et Nicole Hagerman Miller, directrice générale de Biomimicry 3.8, ont récemment évoqué la méthodologie lors de la conférence Sustainable Brands Vancouver. Elles en reparleront à l’occasion du salon Sustainable Brands Buenos Aires qui se tiendra courant septembre 2018. Le duo engage ici une discussion sur la méthodologie et sa capacité à être utilisée universellement.

« Factory as a Forest » a fait sensation lors de l’édition 2018 du salon Sustainable Brands de Vancouver. Comment est née cette collaboration entre Interface et B3.8 ?

Erin Meezan: En 2016, Interface a pris la décision audacieuse d’aller au-delà de Mission Zero®  en s’imaginant comme une entreprise positive. C’est Janine Benyus qui a relié notre vision à une question que lui a posé Ray Anderson au tout début de la quête de développement durable d’Interface et qui nous a porté à réfléchir : « Comment faire pour que notre entreprise fonctionne comme une forêt ? ». Cela a aussi trouvé un écho auprès de Janine et du travail de son équipe autour des  Ecological Performance Standards (EPS) et a conduit finalement à cette collaboration inédite. L’idée était de définir des indicateurs qui serviraient de référence pour notre entreprise afin de changer la façon dont nous construisons et exploitons nos usines.

 

Nicole Miller: Nous recherchons une stratégie globale pour les entreprises, capable de soutenir et de s’aligner sur d’autres objectifs de développement durable et normes de construction. La collaboration entre B3.8 et Interface est à l’origine de toute la discussion sur l’utilisation de la nature comme référence ultime. Ce n’est qu’une fois ce niveau atteint que nous parviendrons à un développement véritablement durable. Le concept fournit une vision pour des initiatives qui pourraient autrement sembler fragmentées, mais qui, en fin de compte, soutiennent un objectif à long terme visant à aller au-delà d’un impact net nul.

Qu’est-ce qui a inspiré la méthodologie FaaF ?

EM: FaaF est basée sur deux croyances fondamentales. La première est que la nature est un modèle incroyable pour le développement durable et la productivité, et la deuxième concerne la réflexion émergente sur l’impact positif. Elle a été développée grâce à une méthode itérative pluriannuelle, selon un processus en quatre étapes.. Les premières études sur un écosystème local et ses fonctions ont été menées dans notre usine de Minto, en Australie. La méthodologie a ensuite été transposée dans l’usine de LaGrange, en Géorgie, où les indicateurs réels ont été développés. Nous sommes maintenant dans la première phase de mise en œuvre de certaines des recommandations de conception.

Quatre étapes pour passer d’un sol d’usine à un sol de forêt.

La méthodologie ne s’applique-t-elle qu’aux sites de production ou est-il possible de la transposer à une plus grande échelle ?

NM: Le but du projet est de dépasser les murs de l’usine de LaGrange et d’impliquer d’autres fabricants de la région et de ses alentours pour avoir un impact plus important. Nous étudions actuellement comment nous pourrions tirer parti de nos connaissances acquises dans l’usine de LaGrange afin de déterminer ce qui pourrait fonctionner pour d’autres projets. Alors que nous commençons à le faire, toutes les idées de conception axées sur les indicateurs que nous développons deviennent un référentiel des meilleures pratiques sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour en savoir plus sur les différents écosystèmes.

EM: FaaF consiste à appliquer le biomimétisme à une échelle systémique plus large plutôt que de simplement l’appliquer à la conception de produits. Nous avons également utilisé la méthodologie développée pour LaGrange pour influencer la conception du nouveau bâtiment du siège d’Interface au centre-ville d’Atlanta, dans la mesure où ils appartiennent tous les deux au même écosystème. Généralement, les indicateurs développés pour un projet ne peuvent pas être répliqués dans d’autres installations, car chaque écosystème très performant est incroyablement complexe.

Le site de production d’Interface à LaGrange emploie plus de 1 000 personnes. Comment ce projet a- t-il été accueilli par les employés ?

NM: Nous étions conscients que les objectifs étaient ambitieux, nous ne savions donc pas comment ils seraient perçus. Nous avons constaté que non seulement les employés ont été très impliqués dans l’apprentissage de leurs écosystèmes locaux, mais aussi que le fait d’utiliser ces informations pour créer un environnement de travail plus favorable s’est révélé être un facteur important pour obtenir le soutien des employés.

Les indicateurs développés sur un site peuvent-ils être répliqués dans un autre ?

EM: Une fois les fonctions clés et les EPS de notre écosystème local identifiés, nous avons dû les comparer par rapport à la taille de l’entreprise et à nos objectifs et aspirations en matière de développement durable, en plus d’autres facteurs comme la superficie des terres disponibles, aux réalités du site et aux contraintes potentielles lors du fonctionnement de l’usine comme un écosystème naturel.

NM: Même si nous sommes conscients que le carbone, l’eau, le sol, l’atmosphère et la biodiversité sont des paramètres cruciaux, nous savons également que chaque site est unique et qu’il faut examiner d’autres caractéristiques spécifiques à cet écosystème. La collecte de données et l’analyse des écarts nous aident à identifier les points de référence appropriés pour nos bâtiments en fonction de leur emplacement.

Alors qu’Interface a toujours mis l’accent sur le développement durable, a-t-il été facile de susciter l’adhésion de l’équipe de direction ?

EM: Nous n’avons eu besoin de convaincre aucun membre de l’équipe de direction pour remporter leur adhésion, et je pense que cela n’est que le reflet des objectifs d’Interface. Pour les projets futurs, nous souhaiterions collaborer avec les équipes chargées des opérations et des installations dès le début pour les familiariser avec le concept et recueillir leurs réactions et points de vue.

Si vous avez rencontré des difficultés lors de la mise en œuvre de FaaF, comment les avez-vous surmontées ?

EM: Les problèmes que nous avons rencontrés étaient propres au lancement d’un projet. Le premier a été d’obtenir une dotation budgétaire pour le projet sans connaître le résultat ou le coût final. Le deuxième était que, dans le futur, le fonctionnement de nos usines serait basé sur un projet ambitieux plutôt que concret. Notre vision à long terme visant à avoir un impact positif et la conception de cet avenir par B3.8 nous a permis de surmonter ces difficultés.

Quel est l’avenir du projet Factory as a Forest et comment d’autres organisations peuvent-elles en faire partie ?

NM: La prochaine étape pour nous est de partager nos expériences avec d’autres. Il est très important d’aider les gens à comprendre que cela va au-delà d’une simple vision, qu’elle est réelle, tangible avec des impacts mesurables à court et à long terme. Dans un premier temps, nous avons créé un outil d’évaluation pour voir si cette méthode vous convient / est adaptée à votre organisation. Si vous voulez faire partie du voyage, soit en répliquant les indicateurs d’Interface à LaGrange, soit en quantifiant vos propres objectifs de performance pour votre site, n’hésitez pas à me contacter à l’adresse nicole.miller (a) biomimicry.net.

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