[Entretien] L’impression 3D : le futur de la construction ?

Rédigé par

Hélène MEYER

Responsable communication et marketing

4037 Dernière modification le 20/11/2020 - 12:00
 [Entretien] L’impression 3D : le futur de la construction ?

Plurial Novilia a révélé en 2019 les contours techniques de son projet Viliaprint©, qui ambitionne d’intégrer les technologies d’impression 3D en construction et de développer un processus reproductible à plus grande échelle. Entretien avec Jérôme Florentin, directeur de la maîtrise d’ouvrage chez Plurial Novilia. Cet entretien est réalisé dans le cadre du colloque Build & Connect qui se réalisera en ligne les 25 et 26 novembre prochains. Les inscriptions sont ouvertes. 

1. Qu’est-ce que l’impression 3D ? Est-ce aujourd’hui une technologie réellement mature ?

Jérôme Florentin : L’impression 3D passe d’un côté par la maîtrise de la technique d’impression par le robot, et de l’autre par un logiciel de conception en amont. Notre expérience et celle de XtreeE, notre partenaire d’impression 3D, nous ont permis d’identifier les différents types d’architectures à formes géométriques libres qu’il est possible de réaliser avec une impression 3D. 

Cette technologie fonctionne avec un robot articulé muni d’un système automatisé injectant du béton sous la forme de cordons, avec des couches successives de l’ordre de 5 mm d’épaisseur et 3 ou 4 cm de largeur. Ces couches, posées par une pointe d’impression, vont réaliser des formes et des volumes.

Le principe est simple, mais sa mise en application requiert une bonne maitrise du matériau servant à l’impression. Ainsi, le béton ne doit prendre sa résistance qu’une fois sorti de la machine. Par ailleurs quand la couche suivante est appliquée, la couche initiale doit être suffisamment résistante pour la supporter sans s’écrouler. Elle doit aussi avoir les caractéristiques nécessaires pour qu’un lien mécanique se crée et assure la bonne tenue du mur.

Le matériau, une « encre », qui est un béton très spécifique, est développé par la société Vicat dont nous sommes partenaires. Après un an de R&D et d’expérimentations, le matériau est aujourd’hui maîtrisé. Nous avons ainsi pu réaliser deux prototypes de bâtiments.

 

2. Question coûts sommes-nous aujourd’hui sur des projets compétitifs ? La question assurantielle est-elle réglée ?

J. Florentin : Nous maîtrisons aujourd’hui le coût global de construction. Les leviers pour les rendre l’impression compétitives sont bien identifiés. La technologie tend à se développer dans tous les secteurs industriels. Nous prévoyons en conséquence une diminution des coûts dans les prochaines années. Par ailleurs, en nouant des partenariats stratégiques, nous allons pouvoir développer différents projets avec cette technologie et bénéficier d’économie d’échelle sur la production ou le matériau. Concrètement nous sommes aujourd’hui sur des coût 30 à 40% plus élevés aujourd’hui ce qui est acceptable alors que nous ne sommes qu’à une étape de démonstrateur.

Afin d’arriver à ce résultat, nous avons recherché des partenaires. Sur un plan plus technique, c’est la société XtreeE, qui nous fournit les robots d’impression 3D. Concernant le matériau, c’est Vicat qui absorbe les budgets de R&D et de création de l’encre.

Le 3 novembre dernier, nous avons obtenu la certification par le CSTB, de ce nouveau mode constructif en impression 3D Béton. L’ATEx (Appréciation Technique d’Expérimentation) a ainsi été validée. Cette certification était la phase essentielle de notre projet, car, jusqu’à présent, la législation ne permettait pas d’utiliser d’éléments imprimés intégrés à la structure porteuse d’une construction. Cet avis favorable nous garantit donc la possibilité de mise en location des maisons imprimées, avis également attendu par notre assureur Endommage Ouvrage qui nous accompagne dans notre projet.

  

3. En quoi est-ce un mode de construction innovant et (surtout) durable ? Comment cela s’insère-t-il dans la transition écologique ?

J. Florentin : Quelques expériences de ce type ont déjà été réalisées dans le monde, notamment en France. Aujourd’hui, nous sommes deux acteurs sur le marché. Notre concurrent, qui imprime également des murs, le fait directement sur site, contrairement à nous. Étant confrontés aux mêmes enjeux, et notamment celui de l’obtention d’une assurance, nous discutons beaucoup. En effet, l’association d’une nouvelle encre (et donc d’une nouvelle gamme de béton) avec un nouveau mode de construction requiert une technologie innovante qui n’était jusqu’à début novembre pas encore certifiée. Cette étape résolue, nous pouvons aujourd’hui communiquer sur les possibilités offertes par l’impression 3D. Pour les architectes et les bureaux d’études, elle est une nouvelle opportunité de formes et d’optimisation de l’empreinte carbone des bâtiments.

Notre projet s’insère en plein dans la transition écologique. Il permet de réaliser des économies de matière, puisqu’avec l’impression 3D, le béton façonne seulement la structure du mur : l’intérieur reste vide. A l’inverse, une construction plus classique se traduit par la définition d’un coffrage, rempli par la suite de béton. Deux fois moins de matériaux sont donc utilisés.

Les murs eux-mêmes sont construits hors site, en filière sèche, chez un partenaire de XtreeE. Cela amène à une réduction des nuisances sonores sur le chantier, une diminution des déchets et du trafic. Le seul béton produit sur le chantier est en effet celui des fondations. Le reste consiste simplement en des assemblages de modules produits hors-site. Enfin, le reste du matériau utilisé dans la construction est uniquement du matériau bois. Écologique, issu de filière sèche, il est lui aussi posé directement sur place.

  

4. Comment est traitée la question de l’isolation en impression 3D, cette dernière peut-elle également être mécanisée ?

J. Florentin Tout à fait, aujourd’hui nous utilisons des techniques classiques de doublage intérieur, mais nous voulons rapidement arriver à une isolation mécanisée. L’intérieur de notre mur reste vide, il peut donc être rempli très facilement avec un matériau isolant. Aujourd’hui que ce soit avec de la ouate de cellulose ou du chanvre, les techniques de soufflage existent et ont fait leurs preuvesIl y a une multitude de matériaux disponible sur le marché compatibles avec notre technologie qui peuvent être mécanisés sans processus R&D coûteux.

  

5. Concernant les compétences requises sur le chantier. Est-ce un changement important (ouvriers, techniciens, etc.) ?

J. Florentin : J’identifie deux chantiers. Le premier englobe le site de production du mur. Dans un hangar, en hors site, l’ambiance est maîtrisée et demande une main d’œuvre hautement qualifiée. Il faut surveiller les paramètres du robot en permanence, ce qui suggère des compétences très spécifiques vis à vis de la sécurité.

Sur le chantier même, les savoirs-faires requis sont relativement classiques. Il suffit d’être très soigneux et de faire attention aux détails, car les éléments à manipuler coûtent cher. Lorsque nous avons posé nos deux prototypes, la main d’œuvre employée était très qualifiée et adaptée à la spécificité des murs posés.

 

6. Pouvez-vous nous parler plus précisément de votre projet de 5 logements imprimés 3D à Reims ?

J. Florentin : Ce projet a pris naissance en même temps que notre volonté de développer la construction 3D.Il a pu prendre forme grâce à l’appel à projet « Architecture de la transformation 2018 », que nous avons remporté en janvier 2018. Il s’agissait d’une occasion unique de tester notre technologie sur un cas réel. Ces logements sociaux seront proposés à la location au sein de Réma’Vert, le premier écoquartier labellisé de Champagne-Ardenne. 

Il s’agit de bâtiment de plain-pied avec un seul étage destinés principalement à des séniors ou des personnes à mobilité réduite. Deux tiers de leurs murs seront imprimés, tandis que le tiers restant et le toit seront construits en bois industrialisé. Dès que notre certification sera délivrée, le projet sera lancé. L’impression des maisons 3D devrait être réalisée entièrement hors site, chez notre partenaire. Celui-ci nous aidera à manutentionner les éléments, les déplacer sur un camion, les livrer sur le chantier, les positionner, ou encore faire les jonctions entre tous les murs.

Le délai de construction étant plus court avec le hors site, nous gagnons entre 4 et 6 mois par rapport à un chantier classique. Nous sommes ainsi sur un projet d’un an : deux mois de préparation du chantier et 10 de construction. 

 

7. Quel avenir pour l’impression 3D béton selon vous ? 

J. Florentin : Je pense que l’impression 3D béton est vouée à un bel avenir. La transition ne va pas se faire du jour au lendemain, mais de manière plus progressive. L’impression 3D se positionne comme une nouvelle alternative, dans un secteur de la construction où les barrières entre les filières tendent à s’estomper. Je pense notamment aux constructions béton qui font actuellement de plus en plus appel à du bois.

Le projet Viliaprint© nous ouvre des portes : en plus de nous mettre en contact avec des partenaires, il représente un tremplin pour d’autres projets et types d’habitats. Plusieurs sites sont à même d’accueillir ce nouveau mode de construction. Nous souhaitons mettre notre savoir-faire à disposition d’autres bailleurs sociaux désireux de se lancer dans l’impression 3D béton.

 

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