Electricité photovoltaïque : des vents contraires pour l’autoconsommation ?

2893 Dernière modification le 05/04/2018 - 10:48
Electricité photovoltaïque :  des vents contraires pour l’autoconsommation ?

Tous producteurs d’électricité  ?

D’après de récents retours d’expérience, le prix d’une installation photovoltaïque en toiture de bâtiment a été divisé par 2 entre 2015 et 2018, passant de 2000 à 1000 €/kWc.

Lorsque la volonté écologique rejoint la logique économique, l’intérêt des promoteurs et des aménageurs pour le photovoltaïque en autoconsommation devient manifeste. On s’approche du moment où la 3ème révolution industrielle chère à Jeremy Rifkin va devenir réalité, à l’échelle d’un bâtiment et/ou à l’échelle d’un quartier ou d’un territoire « smart grid » ! Chacun imagine devenir à la fois producteur et consommateur et gérer ses besoins au mieux de ses intérêts et des offres domotiques apparaissent sur le marché pour accompagner les maîtres d’ouvrage dans ces optimisations.

Cette démarche s’inscrit bien dans la philosophie générale de l’écoconstruction qui consiste à gérer localement ses besoins et impacts environnementaux, qu’il s’agisse d’énergie, d’eau ou de déchets…

 

Une Illustration de l’autoconsommation et de l’autoproduction. Crédit :  Hespul

 

Mais l’avenir n’est pas écrit d’avance !

En premier lieu, si l’électricité autoconsommée devient rentable, le surplus qui est éventuellement rejeté sur le réseau ne vaut pas grand-chose car il est délivré sans considération du besoin réel de l’instant. L’intérêt économique est donc de dimensionner l’installation sur le talon des puissances appelées, alors que l’intérêt solaire serait au contraire d’augmenter la taille de l’installation au maximum des possibilités du site ! Et ce d’autant plus que l’électricité produite localement évite des pertes réseau qui pèsent 8% de la production centralisée.

Dans le même temps, le projet de réglementation thermique 2020 favorise le développement d’une production solaire décorrélée des profils de consommation propres du bâtiment, avec le déploiement du concept de bâtiment BEPOS. Ainsi, derrière l’obligation réglementaire imposant à chacun de contribuer au développement des énergies renouvelables dans le mix énergétique, le concept de bâtiment à énergie positive est l’affirmation d’une stratégie politique visant à maximiser l’usage des surfaces urbanisées, au détriment du développement de l’autoconsommation.

Cette stratégie est confirmée dans les recommandations que vient de publier la CRE (Commission de Régulation de l’Electricité) le 15 février dernier pour cadrer le développement de la filière photovoltaïque.

Aujourd’hui, le photovoltaïque autoconsommé ne paie que très peu de taxes (voir schéma ci-après). La CRE propose d’appliquer la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) et les taxes locales à l’électricité autoconsommée, ce qui retardera sa rentabilité, et préconise le maintien de systèmes d’appels d’offre en revente totale.

Répartition des coûts de l’électricité traditionnelle et photovoltaïque pour un grand consommateur. Source : HELEXIA

Les recommandations restreignent également l’autoconsommation collective en aval seulement d’un transformateur public, ce qui limite de facto la taille des futurs territoires  « smart-grids ».

Du coup, malgré la baisse des coûts d’installation et la rentabilité croissante de l’autoconsommation, produire de l’électricité sur son toit va continuer d’avoir une rentabilité très moyenne, le système d’appels d’offres préconisé par la CRE favorisant les installations proposées dans les régions les plus ensoleillées avec des prix de revente le plus bas possible. Ceci au détriment de la perspective pour les maîtres d’ouvrage d’une électricité  autoconsommée très bon marché.

Une explication ?

La rentabilité des énergies renouvelables se pose de la même façon au niveau d’un bâtiment, d’un ilot… ou du territoire national :

§Des investissements sont indispensables pour satisfaire les besoins de puissance en toute circonstance et réguler la production en phase avec la consommation.
§Par définition, ces investissements mobilisés en pointe (turbines à gaz, stockage hydroélectrique…) sont utilisés peu souvent et reviennent cher.

La CSPE, conçue au départ pour soutenir le développement des énergies renouvelables, pourrait être réaffectée pour limiter la variabilité des coûts de l’électricité, en donnant un bonus aux producteurs capables de délivrer la puissance crête à tout moment. Car si dans les années qui viennent les tarifs sont prévus à la hausse, il faut surtout s’attendre à une augmentation du coût de la puissance souscrite !

En fait, pour se déployer valablement, la 3ème révolution industrielle nécessite de pouvoir stocker l’électricité produite et desservir la puissance appelée à tout moment. Or, le stockage dans des batteries est encore loin d’être opérationnel à l’échelle des besoins, et son impact environnemental pose question, bien que les innovations dans ce domaine émergent (utilisation de batteries de seconde main issues des véhicules électriques, à l’exemple de l’initiative prise par Sogreprom pour son siège à la Défense, ou encore piles à hydrogène…).En attendant, une instance centrale et régulatrice apparait nécessaire, au détriment de l’aubaine qui consisterait à consommer l’électricité qu’on produit chez soi pour pas cher !

Illustration d’une stratégie d’optimisation des puissances énergétiques souscrites. Source : IFPEB

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