[Dossier RE2020] #19 Le numérique au service de la RE2020

Rédigé par

Eric LEROGNON

Gérant

8689 Dernière modification le 26/06/2020 - 12:25
[Dossier RE2020] #19 Le numérique au service de la RE2020

L’application de la RE2020 accélérera-t-elle le déploiement du BIM sur les programmes de construction ? L’Analyse du Cycle de Vie (ACV) d’un bâtiment fédère plusieurs acteurs autour d’un projet. Faut-il mettre en place des processus collaboratifs pour faciliter la communication et optimiser le bilan carbone du projet ?

Les équipes de maîtrise d’œuvre s’activent pour tester et expérimenter des cas d’usage autour des outils digitaux afin de répondre aux futures obligations.

Les bâtiments produisent 36% de toutes les émissions de CO2 dans l’union européenne et 26 % en France. Pour atteindre la neutralité carbone inscrite dans la loi européenne, les pays mettent en place des règles/lois pour contraindre ce secteur. En France, l’expérimentation E+C- engagée depuis le 18 novembre 2016 permet de définir les contours de la RE2020 (réglementation environnementale) dont les textes référents sont attendus pour fin 2020 avec une application mi 2021.

L’ajout de la RE2020 à la RT2012 (réglementation en application depuis 2011) apporte des évolutions importantes :

  • La RT2012 concerne l’enveloppe thermique et les systèmes techniques (Chauffage, Refroidissement, ECS, Ventilation). La RE2020, quant à elle, englobe tous les matériaux et composants présents durant l’acte de la construction mais également la gestion du chantier et des transports associés. Si la RT2012 renvoie à des données thermiques (Lambda, R …) pour son calcul, la RE2020 fait appel à des données environnementales calculées par les industriels suivant leur process de transformation, fabrication et transport (Fiche FDES, PEP)
  • La RT2012 possède une méthode de calcul complexe basée sur les règles physiques de la thermique et de l’énergétique avec des données d’entrées plus ou moins simplifiées suivant leurs paramètres. En complément de cette réglementation Thermique, la RE2020 engage le bâtiment dans une approche carbone basée sur un calcul simple (addition et multiplication) nécessitant des données d’entrées nombreuses (quantitatifs de tous les matériaux) et complexes (Fiche FDES et PEP).
  • L’application de la RT2012 impose à l’étape du PC le seul calcul de l’indicateur BBio (critère Bioclimatique) qui caractérise parfaitement l’étape de conception de ce jalon (conception architecturale placée dans son environnement). Il est fort probable que, dans le cadre de la RE2020, dès le PC, il soit demandé un calcul de l’ACV (Analyse du Cycle de Vie) du bâtiment alors que tous les choix techniques, aménagements et finitions ne sont pas encore définis. Pour autant, ce calcul nécessite l’extraction des quantitatifs (même approximatives) et l’affectation des matériaux.

Nous le constatons, l’application de la RE2020 demande donc de mettre en place un processus de mise à jour continue, basé sur des hypothèses qui seront validées, adaptées et corrigées au fil de la conception et de la construction. Les outils numériques et le BIM (Building Information Modeling) s’imposent comme une formidable opportunité pour les équipes de gérer l’indicateur carbone de façon dynamique !

Les Bureaux d’études thermiques ont récupéré cette mission carbone, du fait de la continuité de la mission énergétique. Toutefois, l’ACV devra être instruite avec les informations en provenance de l’économiste et de l’architecte, bien plus qu’actuellement avec la RT !

Dans la phase de conception, l’analyse carbone est un véritable travail d’équipe entre le maitre d’ouvrage, l’architecte, l’économiste et le thermicien pour lequel, un processus collaboratif s’impose.

Acteur depuis plus de 10 ans dans l’ingénierie thermique, fluides et carbone le BE Fluditec (Bretagne - adhérent Cinov Ingénierie) expérimente différentes solutions pour faciliter ces flux d’informations entre les différents acteurs.

  1. Expérimentation d’indicateurs sur programme BBCA

Le premier cas d’usage concerne la conception d’un collectif BBCA (Bâtiment Bas Carbone) niveau excellence pour le compte de Coop-Logis à Orvault (44). Dès 2017, l’exigence du programme a mis en évidence la nécessité d’introduire des indicateurs de pilotage. Reprenant la structure des lots du calcul ACV établie dans le cadre de l’expérimentation E+C- (7 lots pour les produits de construction – PCE, 7 lots pour les systèmes), une cartographie colorée a permis aux équipes de mesurer la robustesse des données au regard de plusieurs critères :

  • Saisie du quantitatif (plus ou moins robuste en fonction de l’origine des informations)
  • Saisie des fiche FDES / PEP (Par défaut, par famille, individuelle …)

Ce niveau de fiabilité exprimé en %age est matérialisé dans un graphe de type Radar (voir ci-après) qui visualise le poids carbone du lot (vert) au regard de la fiabilité des informations saisies (jaune).

Par l’intégration d’un indicateur de fiabilité de la saisie technique, les acteurs du projet peuvent gérer les priorités et visualiser les informations au gré de l’avancement du projet. L’objectif est de faire évoluer l’indicateur carbone en apportant le plus possible d’éléments qualifiés (Fiche FDES et Quantité) et robustes afin d’atteindre une fiabilité de 100%. 

Digital et ACV

Dans le chapitre précédent, nous avons mis en évidence la nécessité d’utiliser des données fiables. La MN (Maquette Numérique) BIM est un élément qui permet de lier les quantités aux plans de conception établis par la maitrise d’œuvre. L’évolution du modèle suivant les niveaux de définitions (LOD -Level Of Développement) successifs permettra de compléter d’affiner et de fiabiliser la donnée extraite.

Toutefois, il est important de prendre en considération que tous les acteurs ne sont pas « BIM Ready ». Encore aujourd’hui le BIM n’est pas généralisé sur tous les projets et encore moins sur les projets de petite taille (Maison individuelle/petit collectif). Pour prendre en compte ces contraintes liées à l’accessibilité à la MN (Maquette Numérique) et la nécessité de préparer l’application de la RE2020 (mi 2021), le BE Fluditec expérimente un workflow regroupant Maquette BIM / Outil de calcul ACV / Tableur Excel / Flux collaboratif.

Une équipe travaille depuis mi 2019 sur l’intégration d’un flux continue :

  • Fluditec – BE thermique
  • Perrenoud – Editeur de logiciel thermique, ACV, BIM
  • BIMEO - Editeur de solution numérique dont sa Plateforme collaborative

La base du Workflow s’appuie sur 2 formats de données :

  • Les fichiers au format IFC issue des Maquettes Numériques produites par la maitrise d’œuvre. Ces fichiers fournissent l’ensemble des quantitatifs des différents objets recensés,
  • Un fichier « csv » reprenant l’ensemble des données (Quantitatif et Fiche carbone) de chaque matériau.

Enchaînement des tâches se fait suivant un processus définit :

  1. Le concepteur (architecte / Maître d’œuvre) partage les maquettes numériques au format IFC sur la plateforme app.bimeo et les quantités de chaque objet sont inscrites dans les propriétés du fichier IFC
  2. Le Bureau d’études thermique importe les maquettes IFC dans la suite logiciel Perrenoud pour renseigner les données carbones (FDES/PEP) de chacun des objets. Ces objets peuvent être composés de plusieurs fiche matériau de sous-objet (par exemple un mur composé d’un parement, d’une peinture, d’une isolation, d’une ossature, d’une structure et d’un enduit). Le BE réalise les calculs RT2012 et RE2020 pour générer les indicateurs de performance (BBio, Cep, PCE, E, C …). A l’issue de ses calculs, un fichier csv se génére et s’importe sur la plateforme app.bimeo.
  3. Les données « csv » sont accessibles et modifiables par tous les acteurs du projet. Il est alors possible de modifier les caractéristiques des matériaux ou les quantités suivants l’évolution du projet sans avoir nécessité d’accéder à la maquette numérique ou de posséder de logiciel BIM.
  4. Après avoir mis à jour les données, ce fichier csv modifié est importé dans les logiciels pour relancer un nouveau calcul RE2020 et vérifier l’évolution des indicateurs.

Par ce processus nous démontrons que la démarche openBIM peut s’appliquer par l’échange d’informations sous format texte ou tableur.

Cette approche, par sa méthode, peut surprendre les experts du BIM du fait de la perte de relation avec la maquette BIM au profit d’un tableur. Nous voulons démontrer par ce processus qu’il est possible de mettre en application des méthodes organisées simples et pragmatiques basées sur des cas d’usage accessibles. Cet usage du BIM nous parait être un bon compromis pour la conception des pavillons ou collectifs de petite surface (inf 1000 m²) pour lesquels l’utilisation du BIM ne doit pas apporter de surcouts prohibitifs et être intégrée simplement.

Ce modèle est en cours de prototypage sur des projets en cours avec les différents intervenants afin de vérifier sa pertinence auprès d’acteurs qui souhaiteraient le tester dans les prochains mois.

Plusieurs obstacles restent à surmonter :

  • L’absence de maquette BIM réalisée par l’architecte. Compte tenu de son utilisation sur des bâtiments simple et non technique (logement), il ne serait pas illogique que cette maquette soit faite par le Bureau d’études Thermique.
  • La finalisation des travaux sur les propriétés de l’IFC concernant l’environnement et l’impact carbone. Au stade du PC les objets sont souvent des éléments génériques conçus de plusieurs matériaux ou objets composés. Il est important de définir les règles de classification et les unités associées pour faciliter les échanges entre les logiciels.
  • Actuellement les lots 8 à 12 sont des lots génériques pour lesquels le calcul ACV s’effectue par l’utilisation d’un coefficient multiplicateur appliqué à la surface du projet. Au stade du PC les systèmes ne sont pas toujours définis (même s’il est fortement conseillé de les simuler dans le calcul RT2012). Cette approche forfaitaire doit absolument être maintenue pour simplifier les calculs et faciliter la simulation RE2020
  • Il est évident que l’approche RE2020 est un travail progressif qui demande des mises à jour récurrentes afin de faire évoluer le projet vers les objectifs du maitre d’ouvrage (Cout, impact Carbone, Energie …).
  • Le passage de la phase conception à la phase exécution est souvent l’occasion de déléguer aux entreprises la responsabilité des livrables. Dans ce cas des maquettes peuvent être reconstruites en intégrant les niveaux de détail utiles à l’entreprise. Le Bureau d’études devra, alors, refaire un calcul ACV à partir de ces nouvelles maquettes.

La digitalisation des processus dans le secteur de la construction est une véritable opportunité pour optimiser et rationaliser les relations entre les acteurs d’un projet. A chaque étape il est essentiel de poser les bases d’une organisation simple et efficace. L’initialisation d’une MN au plus tôt dans le projet permet de fédérer l’équipe autour de bases de données fiables et robustes. De nombreuses entreprises ont compris l’intérêt de ce flux pour mieux gérer et optimiser leur organisation. Cela se confirme en particulier pour l’atteinte des objectifs Carbone pour lequel l’utilisation du numérique est un formidable levier.

 Un article signé Eric Lerognon, CEO de BIMEO et gérant de Fluditec

Consulter l'article précédent :  # 18 Réaliser des Analyses en Cycle de Vie (ACV) de bâtiments à partir de leur maquette numérique (BIM)



           

Dossier soutenu par

Dossier RE2020

 

RE2020

Retrouvez tous les articles du dossier

 Se préparer à la RE2020 : enjeux et retours d'expérience

Ce dossier est composé de contributions des membres de la Fédération CINOV, des adhérents Construction21 et de leurs partenaires. En animant ce dossier, la Fédération CINOV concoure ainsi aux échanges et à la réflexion sur la future réglementation environnementale. Le contenu des articles sont néanmoins publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

Partager :