[Dossier Biosourcés #6] Artisans du bâtiment et matériaux biosourcés

Rédigé par

Nicolas DUTREIX

Directeur

7502 Dernière modification le 18/03/2020 - 12:45
[Dossier Biosourcés #6] Artisans du bâtiment et matériaux biosourcés

En 2015, Nomadéis a réalisé une enquête inter-Régionale afin de renforcer la connaissance autour des perceptions, des pratiques et des attentes des entreprises artisanales du bâtiment vis-à-vis des matériaux biosourcés. Cette enquête, soutenue par l’Ademe, le ministère de l’Environnement ainsi que les Régions au sein desquelles elle a été conduite (couvrant un périmètre géographique équivalant à plus du tiers des départements français), entendait répondre au besoin de mieux cartographier et caractériser la demande des entreprises pour ce type de produits. Car, si l’offre en matériaux biosourcés avait déjà fait l’objet d’investigations relativement poussées (à travers notamment la réalisation par Nomadéis d’une étude du marché des filières biosourcées en 2012, qui fut mise à jour en 2017), l’état de la demande demeurait alors assez mal connu.

Le développement des filières biosourcées est freiné par un certain nombre d’obstacles de différentes natures (relatifs par exemple au manque d’information sur l’attractivité des filières, au problème de structuration des filières à l’échelle locale, à la formation et mobilisation insuffisantes des acteurs de la mise en œuvre, etc.) dont il convenait d’objectiver l’impact réel à travers la réalisation d’une enquête quantitative, conduite à l’échelle locale.

A l’échelle inter-Régionale, si les objectifs poursuivis par le projet visaient notamment l’amélioration de la connaissance sur les filières biosourcées, l’enquête avait également pour ambition de faciliter le dialogue avec les entreprises concernées, pour renforcer leur mobilisation et encourager la création de « passerelles » entre régions pionnières.

A l’échelle des Régions participantes, l’enquête a notamment permis de contribuer à la mobilisation des acteurs locaux tout en stimulant leur réflexion autour d’un projet fédérateur. Elle a doté les Régions d’un diagnostic de référence (« état zéro ») permettant de faciliter le suivi des progrès dans le temps et d’affiner les stratégies de soutien au développement des filières afin de valoriser au mieux leur potentiel, notamment en matière d’emploi local.

 

Globalement, cette enquête s’inscrit dans une démarche de soutien à l’effort d’information, de sensibilisation et de capitalisation, dans le cadre de la transition écologique et énergétique.

Méthodologie de l’enquête :

Le périmètre thématique couvrait les matériaux biosourcés et les produits de construction associés suivants : Bois, Ouate de cellulose, Chanvre, Laine, Coton recyclé, Laine de mouton, Lin, Paille, Miscanthus.

L’échantillonnage a été réalisé de la manière suivante : dans chaque Région, un panel de 300 répondants a été constitué par la méthode des quotas, afin d’assurer la représentativité des professions exercées (en fonction des codes d’activité INSEE retenus) et de l’implantation départementale des entreprises. Le nombre de total de répondants dans chaque Région permet ainsi une étude relativement fine des résultats par sous-population.

L’enquête a été conduite à l’échelle de 9 anciennes Régions françaises (pré-fusion induite par la réorganisation territoriale de 2015) : Aquitaine, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Haute-Normandie, Limousin, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les résultats Régionaux sont présentés au sein de 9 rapports dédiés. Une synthèse a également été établie de manière à présenter les résultats sous forme consolidée.

Au total, le questionnaire d’enquête comptait environ 40 unités questions, dont certaines d’entre elles portaient sur des points spécifiques qui intéressaient les Régions et avaient donc été ajoutées à la demande de ces dernières.

A noter que l’exploitation des résultats de l’enquête a permis de confirmer de manière statistique certaines des hypothèses établies par Nomadéis dans le cadre de ses études sur les matériaux biosourcés, qui avaient été réalisées sur la base d’une méthodologie plutôt qualitative (le cabinet avait jusqu’ici conduit des entretiens auprès d’acteurs clés de chacune des filières mais n’avait pas interrogé d’échantillon représentatif de professionnels).

 

En termes de perception des matériaux biosourcés, un des résultats clés de l’enquête concerne la proportion de professionnels familiers de la notion de « matériaux biosourcés » : si une minorité des répondants affirme ne pas la connaître parfaitement (ainsi que ce à quoi elle fait référence), une majorité d’entre eux (72 %) connaît les matériaux eux-mêmes, bien qu’ils ignorent la terminologie consacrée.

La part relativement élevée de professionnels ayant déjà mis en œuvre les matériaux biosourcés constitue un autre résultat édifiant de l’enquête : parmi les artisans de la construction, 44 % ont déjà employé au moins un type de matériau biosourcé. Il est intéressant de constater que la proportion des artisans ayant mis en œuvre au moins un type de matériau biosourcé à l’exclusion du bois d’œuvre est très proche, de l’ordre de 41 %. Ce résultat souligne l’effet d’entraînement de la filière bois sur les autres filières du champ de l’étude, le bois étant souvent utilisé en association avec d’autres matériaux biosourcés.

Quelles ressources ?

Les résultats de l’enquête montrent que les ressources les plus utilisées (en dehors du bois d’œuvre) sont les dérivés de fibres de bois (particulièrement en ex-Nord-Pas-de-Calais), le chanvre (notamment en ex-Aquitaine) et la ouate de cellulose (notamment en ex-Provence-Alpes-Côte d’Azur).

L’enquête a par ailleurs mis régulièrement en évidence la présence d’un tissu local de distributeurs de matériaux biosourcés : à titre d’exemple, les entreprises de la Champagne-Ardenne s’approvisionnent à 41 % dans un rayon de moins de 50 km du chantier.

Quels types de chantier, pour quels clients ?

Les chantiers faisant appel aux matériaux biosourcés sont principalement des chantiers menés par des particuliers (92 %). La plupart sont des chantiers d’entretien et de rénovation (61 %).

Quels profils d’acteurs ?

Les entreprises mettant en œuvre des matériaux biosourcés ont plutôt tendance à être engagées dans des démarches de certification d’efficacité énergétique et environnementale de leurs prestations : 47 % des entreprises mettant en œuvre des matériaux biosourcés ont une certification contre 26 % seulement pour celles qui n’en mettent pas en œuvre.

Pour quelles motivations ? Quelles attentes ?

Si la principale motivation des entreprises artisanales à mettre en œuvre des matériaux de construction biosourcés est la demande exprimée par la maîtrise d’ouvrage, près d’un tiers des entreprises utilisant des matériaux biosourcés le font en raison de convictions écologiques. On observe ainsi une corrélation entre mise en œuvre des matériaux biosourcés et le fait de déclarer être plus sensible à la qualité des produits (entreprises étant à la recherche d’une démarche de qualité), à l’environnement et à la transition écologique.

Les motivations à utiliser les matériaux biosourcés peuvent également être d’ordre économique : il est en effet intéressant de noter que l’utilisation des matériaux biosourcés représente un avantage concurrentiel pour 53 % des utilisateurs réguliers de ce type de matériaux (cette proportion peut atteindre jusqu’à 62 % en ex-Basse-Normandie).

Parmi les autres leviers, on note la disponibilité (facilité et régularité d’approvisionnement) des matériaux biosourcés, ainsi que la commande publique dans une logique d’exemplarité (près de la moitié des entreprises se déclarent prêtes à se positionner sur un marché public qui encouragerait le recours aux matériaux de construction biosourcés).

En termes de frein à l’utilisation de matériaux biosourcés, il est en particulier intéressant de noter que 74 % des répondants estiment que le surcoût à l’achat explique la réticence de certains maîtres d’ouvrage à utiliser ce type de matériaux. Sur ce sujet, il serait intéressant de réaliser une enquête dédiée visant à évaluer les différences de prix au sein d’une même famille de matériaux biosourcés afin de déterminer plus précisément le surcoût (à titre d’exemple, il existe des écarts de prix très importants entre le bois de chêne et le bois de pin).

Les entreprises souhaitent également être mieux informées (une entreprise artisanale sur trois ne mettant pas en œuvre les matériaux biosourcés ne les connaît pas), en particulier concernant les caractéristiques techniques et les spécificités de mise en œuvre.

Quelles évolutions ?

Les résultats de l’enquête sont encourageants pour les filières concernées : la perception des matériaux biosourcés est positive (seulement 1 % des acteurs interrogés ont une vision critique des matériaux de construction biosourcés) et plus de la moitié des entreprises interrogées dans chaque Région estiment que le développement de ces filières constitue une tendance de long terme. Toutefois, il convient de noter que l’argument relatif au développement économique local ne semble pas constituer un moteur pour le recours aux matériaux biosourcés, puisque seulement 2 % des artisans estiment que les maîtres d’ouvrage recourent aux matériaux biosourcés dans une volonté de contribuer à l’économie locale.

De plus, près de la moitié des entreprises artisanales du bâtiment interrogées mettent déjà en œuvre des matériaux de construction biosourcés sans être nécessairement spécialisées (62 % des entreprises mettant en œuvre de matériaux biosourcés le font sur moins de 10 % de leurs chantiers), et 42 % d’entre elles font état d’une augmentation de la part de chantiers recourant à ces matériaux.

Il serait intéressant d’envisager de mettre à jour l’ensemble des données, afin d’évaluer, de manière tendancielle, si la perception, les pratiques et les attentes des professionnels de la construction vis-à-vis des matériaux biosourcés ont évolué depuis 5 ans (mise en œuvre d’une approche « baromètre »). Sur le plan méthodologique, la comparabilité des résultats pourrait être garantie grâce au recours à une méthode d’échantillonnage identique. La Région PACA ayant conservé un périmètre administratif identique, il pourrait s’agir d’un territoire pilote approprié.

Retrouvez une description synthétique de cette initiative et découvrez les autres études conduites par Nomadéis en lien avec les matériaux biosourcés et la construction durable en suivant ce lien :

http://www.nomadeis.com/2016/10/enquete-artisans-batiment-materiaux-biosources/  

Les rapports d’analyse des résultats de l’enquête inter-régionale et des enquêtes régionales sont disponibles au téléchargement aux liens suivants :

 Un article signé Nicolas Dutreix, co-fondateur de Nomadéis

 

Crédit photo : Barn Images via Unsplash

 

Consulter l'article précédent :  #5 - Intégration des biosourcés chez un industriel : une solution pour l’émergence des filières - Interview Rémi Perrin, Directeur R&D Soprema


           

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