[Dossier Afrique - Ville(s) Durable(s)] #5 - Accompagner les politiques publiques sur le bâtiment durable

6734 Dernière modification le 21/07/2020 - 16:55
[Dossier Afrique - Ville(s) Durable(s)] #5 - Accompagner les politiques publiques sur le bâtiment durable

Le choix des matériaux est primordial en vue d’une construction durable. Dans le cas des villes africaine, le choix de ces matériaux est une double opportunité : un matériau local et biosourcé permettra de palier les enjeux environnementaux mais aura aussi un cout moindre. L’ADEME nous propose, par retours d’expérience, de comprendre les différents enjeux politiques et économiques en amont de la réalisation de ce type de construction sur les territoires africain.

Le bâtiment durable en Afrique, des enjeux multiples

Le continent africain compte, en 2019, 1,3 milliard dhabitants. Selon les prévisions de la Banque Africaine de Développement, le continent, en pleine transition démographique, atteindrait une population de 2,7 milliards dhabitants à lhorizon 2060. En 2010, la population urbaine représentait près de 40% de la population. Ce taux pourrait passer à 50% dici à 2030 et 65% en 2060. Cet exode rural massif a pour corollaire une urbanisation rapide. Avec près de 75% du parc de logements encore à construire, lenjeu de laménagement du territoire et de la maîtrise de cette urbanisation est crucial pour garantir à la population laccès aux services de bases et limiter laugmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Lurbanisation rapide a conduit à privilégier, à lhabitat vernaculaire, des modèles constructifs inspirés des climats tempérés et souvent inadaptés au contexte climatique local, qui se traduisent par une augmentation du recours à la climatisation. Au niveau mondial, lAIE prévoit dans son scénario tendanciel, plus quun triplement de la consommation d’énergie liée à lusage résidentiel de la climatisation entre 2016 et 2060. Un tel scénario pourrait savérer dramatique dans des pays où la sécurité énergétique nest pas assurée, comme cest le cas souvent en Afrique sub-saharienne.

De par ces multiples enjeux, une évolution rapide des pratiques constructives pour une plus grande efficacité énergétique et une moindre empreinte environnementale des bâtiments est indispensable.

Accompagner les politiques publiques

Dans ce sens, lAgence de la Transition Ecologique (ADEME) et ses partenaires ont mis en place, depuis plusieurs années, de nombreuses actions daccompagnement des pouvoirs publics et acteurs locaux qui revêtent de multiples facettes :

  • Un accompagnement institutionnel et technique poussé : le projet 2010-2018 d’amélioration de l’efficacité énergétique dans le cadre bâti au Maroc, mis en place par le Fonds pour l’Environnement Mondiale (FEM) et le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), et soutenu par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) et l’Union Européenne, a conduit à l’émergence de la première Réglementation Thermique de la Construction.
  • Une participation au renforcement de capacité : l’ADEME a développé, en accompagnement du Programme National de l’Efficacité Energétique des Bâtiments (PNEEB) porté par le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) sénégalais, un cycle de formation sur l’éco-construction, destiné aussi bien aux décideurs et agents ministériels qu’à l’ensemble des acteurs professionnels. Une vingtaine de formateurs en sont issus, qui interviennent aujourd’hui dans les écoles d’architecture, les lycées professionnels et à l’université. De telles formations ont vocation à essaimer dans les pays voisins d’Afrique de l’Ouest et au-delà.
  • Un appui technique et financier à l’intégration des principes bioclimatiques dans les outils de programmation des organismes publics et les appels d’offres : ainsi, la facilité technique et financière portée une initiative franco-allemande, le Programme pour l’Efficacité Energétique des Bâtiments (PEEB), vise à la dissémination des concepts de conception et construction durable dans le secteur du bâtiment.
  • Un appui au développement de filières de matériaux locaux, contribuant à la préservation d’emplois, au maintien des techniques constructives ancestrales plus adaptées au climat, et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à une meilleure maîtrise des importations de matériaux à fort contenu en carbone.

Retours dexpérience sur laccompagnement à une meilleure intégration des concepts bioclimatiques dans le secteur du bâtiment

Le PEEB sinscrit dans le cadre des actions de lAlliance mondiale pour les bâtiments et la construction (GABC) et est déployé conjointement par lAgence Française de Développement (AFD), lAgence allemande de Coopération Internationale (GiZ) et lADEME. Il contribue à la mise en œuvre de la feuille de route de la GABC « Vers des bâtiments résilients et bas-carbone ». Le Sénégal fait partie des cinq premiers pays partenaires du PEEB (Mexique, Maroc, Sénégal, Tunisie et Vietnam).

Le déploiement du PEEB au Sénégal a vocation à : 

  • Accompagner les institutions sénégalaises impliquées dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques d’efficacité énergétique dans les bâtiments ; 
  • Assurer un transfert de compétences, de capacités et d’outils grâce au développement d’actions de formation et de sensibilisation à la conception bioclimatique des bâtiments, à destination des décideurs et techniciens ;
  • Appuyer le déploiement de projets pilotes via l’intégration de recommandations techniques.

LADEME et la GIZ ont piloté plusieurs activités contribuant à latteinte de ces objectifs. Les échanges initiés entre les décideurs et acteurs institutionnels sénégalais intervenant dans le champ de la construction ont permis de dynamiser le processus d’élaboration dune réglementation énergétique et environnementale au Sénégal. 

Un cycle de formation a aussi été déployé. Deux modules de formations sur le financement des mesures defficacité énergétique dans les bâtiments ont été conçus, à destination des décideurs politiques et financiers dune part, et des professionnels des secteurs du bâtiment et de la construction dautre part. Une formation plus technique sur lefficacité énergétique des bâtiments a été organisée, en faveur des équipes des Ministères de la Santé et de lEducation. 

Un appui technique et financier à lintégration de ces concepts dans plusieurs projets de construction d’écoles et de centres de soins est mis en œuvre par lAFD, en articulation avec cette formation.

Au Maroc, la maîtrise des consommations d’énergie dans le secteur du bâtiment constitue un enjeu énergétique et environnemental important. Dabord, parce que le Royaume importe lessentiel de l’énergie quil consomme (92 %), mais aussi en raison du taux durbanisation qui a plus que doublé au cours des cinquante dernières années, induisant des rythmes soutenus de construction neuve. En outre, lefficacité énergétique dans les bâtiments génère de nombreux autres dividendes, à caractère social, mais encore économiques et environnementaux. Le programme PNUD/FFEM/UE évoqué précédemment, associé à lamélioration de lefficacité énergétique dans les bâtiments au Maroc, a permis, grâce notamment aux actions de lADEME, de déboucher sur de nombreux résultats positifs : 

  • adoption de la première réglementation thermique des bâtiments (fin 2015),
  • mise en place d’un réseau de formation professionnelle/FORMABAT pour accompagner l’application des normes réglementaires (formateurs certifiés, modules pédagogiques, plateaux techniques), 
  • développement d’un logiciel de calcul thermique réglementaire des bâtiments (Binayate), et prise en compte des critères d’efficacité énergétique dans les chantiers de construction neuve et dans la labellisation des bâtiments (référentiel Eco-Binayate),
  • développement de projets pilotes démonstrateurs avec les principaux bailleurs sociaux marocains pour tester la faisabilité technico-économique des nouvelles dispositions réglementaires (surcoût de construction estimé entre 5 et 8 %). 

Dune manière plus générale, les actions defficacité énergétique dans les bâtiments constituent des axes privilégiés d’échanges de lADEME, dans ses accords de coopération existants avec ses principaux partenaires au Maghreb et dans le cadre des activités du réseau MEDENER des agences méditerranéennes defficacité énergétique. 

Au-delà de lefficacité énergétique, la question de la valorisation des matériaux locaux et bio-sourcés

Au vu des enjeux du secteur de la construction en Afrique, la question de la valorisation des matériaux locaux et bio-sourcés est aussi cruciale. Limportation massive de matériaux de construction à fort contenu carbone implique une double peine sur les émissions de gaz à effet de serre, distinguant celles liées à l’élaboration des produits, à la qualité même des produits (les matériaux biosourcés stockant le carbone), et celles dues à leur acheminement. Par ailleurs, les procédés constructifs inspirés des climats tempérés, ne sont bien souvent pas adaptés aux climats chauds et tropicaux africains. Leur mise en œuvre se traduit par un inconfort dû à la chaleur, de plus en plus compensé via lusage de la climatisation, ce qui induit de fortes consommations d’énergie. 

Le programme TyCCAO déployé au Sénégal et en Mauritanie sinscrit pleinement dans cet enjeu. Le Typha australis est un roseau à croissance rapide dont la prolifération dans le bassin du fleuve Sénégal sest fortement accélérée après la construction de barrages générant de fortes nuisances, en particulier en matière de santé publique et de sécurisation des approvisionnements en eau. Le programme TyCCAO vise à explorer deux axes de valorisation de cette ressource : dune part son exploitation en tant que matière première combustible pour la production d’énergie, dautre part son utilisation comme matériau de construction isolant. Avec pour objectif la structuration dune nouvelle filière locale de production et de valorisation. La mise en œuvre de ce programme mobilise lensemble des dispositifs nécessaires daccompagnement : développement de produits innovants, soutien à la réalisation de projets démonstrateurs, appui aux institutions pour la mise en œuvre de lenvironnement normatif et règlementaire, renforcement dexpertise, sensibilisation et formation. LADEME est partenaire de ce programme qui implique de nombreux acteurs et bénéficie dun soutien du Fonds Français pour lEnvironnement Mondial (FFEM).

 

Un article signé Marie-Pierre Meillan, Thierry Méraud et Hélène Sabathié Akonor - ADEME

Consulter l'article précédent :  #4 - Adaptation des villes africaines : du diagnostic d'impact du changement climatique au passage à l'action


Afrique Villes durables

Retrouvez tous les articles du dossier

 Afrique, ville(s) durable(s)

Partager :