[Dossier RE2020] #5 Le label BBCA, le « bas carbone » pragmatique !

Rédigé par

Jean-François COROLLER

Dirigeant

7665 Dernière modification le 17/06/2020 - 12:00
[Dossier RE2020] #5 Le label BBCA, le « bas carbone » pragmatique !

Les réglementations précédentes ont évolué en s’inspirant des labels énergétiques disponibles à l’époque. Il y a donc fort à parier que la RE2020 s’inspire à son tour du label énergétique idoine : le label E+/C-. Cependant, n’oublions pas que le label BBCA s’est intéressé au poids carbone des bâtiments, bien avant le label E+/C-. Kerexpert, BET engagé, vous propose un décryptage de ce label.

La naissance du label bas carbone BBCA, précurseur du label E+C-

Le label BBCA est né en mars 2016 à l’initiative de nombreux intervenants qui souhaitaient repositionner le carbone comme véritable échelle de valeur, et donc de décision.

Dès sa création, ce nouveau label rencontra un franc succès et, très vite, 15 projets pilotes furent labellisés.

Parmi les lauréats, on peut citer l’opération de Ris-Orangis (91) développée par Woodeum et dessinée par l’agence Willmotte, un bâtiment de 140 logements, plus grand ensemble résidentiel au monde réalisé en panneaux CLT.

 

Le projet de Ris-Orangis (crédit Wilmotte)

 

Le projet de Ris-Orangis (crédit Woodeum)

La réaction de l’Etat et le label E+C-

Le label BBCA a été l’accélérateur du lancement par les pouvoirs publics du label expérimental E+C- en février 2017, soit un an plus tard, qui s’inspirait des grands principes du « BBCA » et bénéficiait aussi de ses retours d’expérience.

Les différences du label E+C-

On peut décrire le label E+C- ainsi :

  • 4 niveaux énergétiques, de E1 à E4, (E4 = énergie positive) ;
  • 2 niveaux « carbone », C1 et C2 (le meilleur niveau) ;
  • usages non compris dans la RT 2012 comptabilisés ;
  • seules les fiches FDES vérifiées sont utilisées ;
  • ni le stockage carbone, ni l’économie circulaire ne sont considérés.

BBCA et E+C-, évolutions, convergences et différences

En février 2017, le référentiel BBCA a évolué, en rendant compatibles les deux référentiels, et en désignant le niveau « Carbone 2 » comme niveau d’entrée au label BBCA.

Cependant, au vu des retours d’expérience, des réflexions continues menées par l’association BBCA, des divergences entre les 2 labels sur des thématiques « fortes » (impact carbone d’une opération de déconstruction d’un bâtiment existant sur la parcelle préalable à une opération neuve, absence de valorisation des matériaux biosourcés en tant que puits de carbone, seuils C1 et C2 respectivement laxiste ou trop exigeant, etc.), il a été décidé en septembre 2018 de réviser le référentiel BBCA. Toujours compatibles avec le label E+C-, les spécificités de BBCA s’enrichissent pour tenir compte au mieux des bonnes pratiques « bas carbone ».

Le couple énergie/carbone selon les expériences vécues

Sur la base de différents projets de logements neufs sur lesquels le BET Kerexpert a travaillé, une relation entre les niveaux carbone et énergie peut être établie.

Tout d’abord, le niveau E4 est quasiment impossible à atteindre et décrit le niveau - utopique ? - BEPOS+. Pour cette raison, le BET l’identifie comme « Alice au pays des Merveilles » !

Côté carbone, le C1 peut être atteint indépendamment des niveaux énergétiques.
Pour atteindre le C2, l’écart d’exigence sur le poids carbone du bâti entre C1 et C2 n’étant pas significatif, Kerexpert recommande d’atteindre une performance énergétique importante, comme E3, ou d’avoir recours à des énergies faiblement carbonées. Pour y parvenir, on constate que les RCU (réseaux de chaleur urbains) « propres » et l’énergie bois sont bien avantagés et donc vivement conseillés.

De façon moins certaine, il est également possible d’atteindre le C2 avec une performance énergétique entre E2 et E3 obtenue en ayant recours à l’électricité et à des systèmes très performants.

 

Les couples E+/C- (crédit Kerexpert)

Le label BBCA définit des exigences énergétiques plus raisonnables

Compte-tenu de l’exigence énergie jugée beaucoup trop restrictive par l’association BBCA par rapport à sa volonté d’encourager à construire « bas carbone », un niveau d’entrée entre C1 et C2 a été défini dans le référentiel BBCA V3.

Mais une exigence renforcée sur le poids carbone du bâti

Cependant, les émissions de gaz à effet de serre spécifiques à la construction du bâtiment, l’indicateur EgesPCE, sont soumises à des exigences supérieures au niveau EgesPCE du C2.

Pour la fin de vie des matériaux biosourcés, les deux labels se différencient

Dans la transcription actuelle du label E+C-, les matériaux biosourcés stockent du carbone grâce à la photosynthèse. Mais le scénario conventionnel retenu pour leur fin de vie (combustion, enfouissement dans des centres de déchets, etc.) a pour effet un relargage complet du carbone stocké, ce qui représente un bilan carbone nul à l’échelle du cycle de vie du bâtiment. Cette hypothèse théorique n’est pas du tout représentative de l’utilisation réelle des bois de gros-œuvre, qui ont pour vocation de rester au sein du bâtiment durant au moins 50 ans, et même d’avantage.
Le parti-pris de BBCA a été de considérer que cette phase de démolition des bois de gros-œuvre ne devait pas être fixée théoriquement au bout de 50 ans, mais devait être assumée par celui qui prendra, dans le futur, la décision de démolir et non de rénover ou d'étendre la construction. 

L’analyse du cycle de vie du bois selon E+C- (crédit Kerexpert)

 

L’analyse du cycle de vie du bois selon BBCA (crédit Kerexpert)

L’indicateur « stockage carbone », ayant un « poids carbone » négatif, est comptabilisé et permet ainsi de se rapprocher de la « réalité carbone » des projets.

Le schéma des évolutions du référentiel BBCA

 

Les évolutions du référentiel BBCA (crédit Kerexpert)

Retours d’expérience de 2 projets labellisés BBCA / comparaison par rapport au label E+/C-

Ris Orangis - Quai de la Borde (91)

Pour ce projet, les points forts sont :

  • volume important de CLT, plus de 1800 m³ ;
  • niveau Effinergie+ 2013 ;
  • RCU local proposant un mix « bois & gaz »

 

Synthèse des résultats de l’opération de Ris-Orangis (crédit Kerexpert)

Pour les émissions de gaz à effet de serre pour la construction : l’indicateur EgesPCE (illustré par une maison « éteinte ») est très bon, inférieur au niveau d’entrée BBCA, et donc bien meilleur que C2.

Pour les émissions de GES pour la construction du bâtiment et son exploitation durant 50 ans : l’indicateur Eges (EgesPCE+EgesEXP) obtenu (illustré par une maison « allumée ») permet de prétendre aux niveaux BBCA et C2.

Grâce à la traduction des 1800 m³ de CLT en 153 kg de CO2/m² stockés, on atteint le niveau BBCA Excellent.

Saint-Ouen - Passage Marie (93)

Dessiné par DGM & Associés, et développé par Woodeum, le projet se compose de 48 logements pour 3125 m² de surface de planchers.
Les particularités sont :

  • volume important de CLT: près de 1100 m³ ;
  • niveau Effinergie+ 2013 ;
  • chaufferie collective gaz ;
  • sèches-serviettes électriques.

Synthèse des résultats de l’opération de Saint-Ouen (crédit Kerexpert)

Ici aussi, l’indicateur EgesPCE est bien meilleur que les niveaux exigés par BBCA et C2.

La valeur de 1130 kg eq. CO2/m² intègre 10 kg liés à la démolition d’un bâtiment existant sur le site. La valeur du Eges conforme au référentiel E+C- est égale à 1120 kg eq. CO2/m² (1130 – 10) et ne permet donc pas d’atteindre le niveau C2 .
En effet, l’énergie utilisée, à savoir le gaz, ne bénéficie pas d’une étiquette CO2 intégrant son verdissement (par l’injection de biométhane) dans un futur proche. Les émissions de gaz à effet de serre relatives à l’exploitation (EgesEXP) viennent fortement dégrader le poids carbone du projet qui ne peut donc pas atteindre la performance C2.
Cet exemple est symptomatique de la comptabilité carbone du label E+C- qui ne valorise pas à leur juste valeur le recours aux matériaux biosourcés, à l’énergie gaz et aux RCU « en verdissement ».
Sur ce dernier point, l’association BBCA autorise la prise en compte du contenu CO2 déclaré par le gestionnaire du RCU, et non la valeur officielle, à condition que les travaux soient réalisés dans un délai de 3 ans.

Pour ce projet, en intégrant les 257 kg CO2/m² stockés dans la structure bois du bâtiment, Eges s’établit à 873 kg eq. CO2/m², ce qui permet d’atteindre le niveau BBCA Excellent.

Pourquoi un label BBCA ? Puisque le label E+C- existe et que la RE2020 est imminente ?

L’association BBCA se donne pour objectif de développer la connaissance sur le bâtiment bas carbone, de faire émerger des solutions et de montrer, par l’exemple, les opérations à l’empreinte carbone exemplaire. La méthode de mesure BBCA capitalise et évolue de manière pragmatique à mesure que la connaissance se développe. Ainsi, des thématiques abordées pour diminuer les émissions de CO2 et pleines de bon sens (mutualisation des parkings et des salles de réunion, évolutivité des bâtiments de bureaux en logements ou l’inverse, potentiel d’extension) ne sont pour le moment pas valorisées dans le label E+C-. Ou encore le stockage carbone qui, valorisé dès 2016 dans le label BBCA mais non pris en compte par E+C-, est désormais reconnu depuis 2018 par la loi Elan et serait en passe de rejoindre la méthode de mesure de la RE2020.

Le label BBCA tient également compte du poids carbone de l'éventuel bâtiment existant afin de ne pas encourager la démolition des bâtiments existants mais plutôt de concevoir le projet en termes d’extension ou de surélévation.

Ainsi l’association BBCA ouvre la voie aux thématiques expérimentales et vise à faire progresser les réglementations en vigueur avec toujours ce même objectif : diminuer les émissions de CO2 et lutter ainsi contre le réchauffement climatique.

Le label BBCA est donc à la réglementation ce que le concept-car est à l’industrie automobile : un concentré des meilleures pratiques, des nouvelles technologies, fruit de la réflexion des meilleurs équipes et annonciateur de la production de masse.

 Un article signé Jean-François Coroller, Dirigeant fondateur du BET Kerexpert

Pour en savoir plus : 

Consulter l'article précédent :  #4 - Bâtiment bas carbone : sortons des fausses certitudes


           

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Ce dossier est composé de contributions des membres de la Fédération CINOV, des adhérents Construction21 et de leurs partenaires. En animant ce dossier, la Fédération CINOV concoure ainsi aux échanges et à la réflexion sur la future réglementation environnementale. Le contenu des articles sont néanmoins publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

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