"De la vulnérabilité du bâti à celle des territoires, quelles réponses opérationnelles ?" - Retour sur la journée du 06 juin à Aix-en-Provence

1573 Dernière modification le 03/09/2019 - 10:10
Le 06 juin dernier s’est tenu à Aix en Provence la dixième journée technique "Risques et Territoires", organisée par le Cerema Méditerranée sous l'égide de la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR).

 

Cette journée a rassemblé plus de 70 spécialistes de la prévention des risques et de l’aménagement du territoire dans les services de l’État, les collectivités territoriales et le réseau scientifique et technique. L’ensemble des participants ont pu ainsi échanger autour de 3 thématiques :

  • les éléments de réflexion ;
  • la problématique des activités ;
  • les dispositifs de réduction de la vulnérabilité des territoires et de l’habitat.

 

Ouverture et introduction 

Madame Berthaud, directrice territoriale Méditerranée du Cerema, accueille l’ensemble des participants pour cette journée technique consacrée à la vulnérabilité des territoires et du bâti aux risques majeurs. C’est la 10e année que le Cerema tient cette journée, devant un public toujours aussi nombreux et varié : services de l’État, collectivités, réseau associatif, etc.

L’objectif de la journée est moins d’identifier le risque que de savoir comment on peut traiter la question de la vulnérabilité de manière opérationnelle en partant de la plus petite échelle, cette du bâti pour aller vers celle du territoire.

Le Cerema, établissement public de l’État, qui a connu une transformation importante, se positionne au plus près des besoins du territoire, aux côtés de l’État mais aussi des Collectivités territoriales. Les réponses opérationnelles sont celles que l’on peut apporter sur les territoires auprès des collectivités territoriales

 

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Il nous est important que cette journée soit aussi l’occasion de faire remonter les besoins du terrain pour que le Cerema puisse accompagner au mieux les services de l’État mais aussi les collectivités territoriales dans leurs missions. Cette journée, organisée de manière assez classique pourrait notamment être démultipliée si besoin au travers d’ateliers sur le terrain de forme opérationnelle.

Damien Goislot, Direction générale de la prévention des risques, présente deux points d'actualité représentatifs de l’échelle d’appréhension de la vulnérabilité du territoire. Il s’agit d’un appel à manifestation d’intérêt et du nouveau dispositif de financement des travaux relatifs à la réduction de la vulnérabilité.

 

Organisation d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI)

L’AMI, annoncé lors des assises des risques naturels, portera sur « mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels », pour succéder au Grand Prix d’Aménagement en Terrains Inondables Constructibles (GPATIC) (NDLR : présenté lors de la journée technique de 2016 ).

Si le but de GPATIC était de primer des réalisations, celui de l’AMI est plutôt de primer des projets d’aménagements des territoires, en associant les collectivités via l’organisation d’un concours d’idées sur l’aménagement à l’échelle de territoires plus vastes qu’une opération d’aménagement sur quelques parcelles.

L’appel, lancé en juin, a pour l’objectif de retenir 8 projets de territoires.

 

Réduction de Vulnérabilité au titre des PAPI : mesure RVPAPI

Il s’agit de l’utilisation du fonds Barnier (FPRNM) pour financer les travaux de réduction de vulnérabilité sur les habitations et les biens professionnels: soit pour les travaux obligatoires d’un PPRN (déjà aidé auparavant), soit pour des travaux prévus dans le cadre d’une action d’un PAPI (nouvelle possibilité d’aide – pour les inondations/submersion marines) et ce, pour les biens existants et ne s’appliquant pas aux travaux de remise à l’identique après sinistre.

Une des conditions du financement des projets est qu’un diagnostic de vulnérabilité du bâti ait été réalisé au préalable (autre action du PAPI)

Éligibilité des projets :

  • les travaux envisagés doivent être compris dans la liste des travaux éligibles de l’arrêté ministériel du 11 février 2019 ;
  • ces travaux doivent être prescrits dans le diagnostic de vulnérabilité du bâtiment ;
  • le montant de la subvention est de 80 % du montant des travaux plafonnés à 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien pour une habitation ou a usage mixte et 20 % du montant des travaux pour un bien professionnel (même plafond).

Au titre du fonds Barnier le montant global mobilisable est de 5 millions d’Euros. Des formulaires ont été mis au point pour aider les demandeurs à constituer leurs dossiers de demandes, et les instructeurs.

 

Etudes et travaux de prévention définis et rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) : mesure "ETPPR"

Cette mesure est applicable aux études et travaux prescrits par un PPR, tous aléas naturels.

Le montant de la subvention des travaux devrait être augmenté au même niveau que la mesure RVPAPI dans un décret ministériel à venir.

Pour ces deux mesures on pourra utilement se référer à la note technique du 11 février 2019 relative au fonds de prévention des risques naturels majeurs.

 

Formes de vulnérabilités, outils et méthodes de réduction de la vulnérabilité pour le particulier, l'entreprise, l'établissement public et la collectivité

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Crédit photo : CEPRI

 

Le CEPRI travaille depuis sa création sur la vulnérabilité en abordant les différents enjeux. Il propose une synthèse des formes de vulnérabilités sur le sujet avec un panorama des outils et méthodes pour le logement, le particulier, l’entreprise, les établissements publics, et la collectivité

Il est important, selon la typologie de(s) l’événement(s) auquel le territoire est soumis et surtout les conséquences prévisibles, d’adapter les mesures et outils. Les conséquences peuvent être humaines, à l’échelle du logement ou d’ordre psychologique, ou économiques à l’échelle de l’entreprise.

On peut observer que les coûts des dommages sont de plus en plus importants, couplés à une augmentation de la fréquence des événements. Par ailleurs, les systèmes de protection ne sont pas toujours économiquement intéressants et les ouvrages de protection peuvent aussi être considérés comme des ouvrages générateurs de danger, il est donc important de pouvoir gérer les conséquences prévisibles d’un évènement.

Aujourd’hui on considère qu’il y a 17 millions d’habitants et 9 millions d’emplois exposés au risque inondation par débordement des cours d’eau auquel il convient de rajouter la submersion marine et le ruissellement.

De 1982 à 2014, 72,5 % des communes françaises ont été visées par un arrêté cat-nat ruissellement ou coulée de boue, ce qui montre l’importance des territoires exposés.

L’enjeu est de prendre conscience que nos territoires seront un jour inondés. Il faut donc en accepter l’idée. Des mesures sont nécessaires sur l’existant, mais aussi pour l’aménagement futur des territoires et les nouvelles constructions

 

En matière de logements

On estime en moyenne à 30 000 euros le coût des dommages pour un logement soumis à 1m d’eau pendant 48h. Avec 1.5m d’eau il faut compter 18 mois pour réintégrer ce logement. Il y a donc un vrai enjeu de retour à la normale, mais également de capacité des entreprises à mener ces travaux sur ces territoires.

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Evacuation du centre-ville de Nemours en juin 2016 - Arnaud Bouissou - TERRA

 

Des stratégies d’adaptation sont donc nécessaires et le CEPRI a identifié 3 principes :

  • éviter qui va consister à surélever les niveaux occupés (s’applique surtout au neuf),
  • résister, qui va empêcher l’eau de rentrer et
  • céder qui va consister à adapter les pièces qui seront inondées. (plutôt pour la rénovation).

Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de dommages sur un bâtiment qu’il n’y a pas de vulnérabilité, car la construction s’intègre toujours dans un système plus global, incluant notamment les réseaux. Il faut donc aborder la vulnérabilité de manière plus globale à l’échelle du territoire.

Les principaux obstacles à la mise en œuvre de ces mesures sont après le diagnostic, le choix des travaux, le coût des travaux, et la question du retour sur investissement, mais aussi l’existence de mesures collectives car l’individu considère que c’est d’abord à la puissance publique de traiter la question, via notamment des systèmes de protection. La responsabilité individuelle est une vraie question. Enfin la mise en visibilité du risque, par exemple par la pose d’un repère de crue ou de batardeaux, sur l’attractivité du bien (possibilité de revente) est également un frein.

 

Concernant les entreprises

On trouve 34 % des entreprises dans l’Enveloppe Approchée des Inondations Potentielles (EAIP).

L’enjeu pour les entreprises est que les pertes d’exploitation ne sont pas prises en compte par le système Cat-Nat et donc certains n’ont pas une santé financière suffisante pour ré-ouvrir après un évènement, avec parfois des réactions en chaîne, notamment sur les sous-traitants d’un côté ou des clients de l’autre. Pour minimiser ces fermetures l’objectif est donc de favoriser un redémarrage le plus rapide possible

Il n’y a pas de mouvement général engagé pour réduire la vulnérabilité des entreprises, mais des démarches ponctuelles suivant les territoires, souvent à l’initiative des collectivités. Les difficultés se heurtent également à hétérogénéité du tissu économique. Il n’y a pas non plus de grandes méthodes identifiées, mais plutôt un traitement au cas par cas.

 

Concernant les réseaux

Il y a une grande diversité de réseaux, mais qui ont des liens communs, ce qui a conduit à imaginer desprincipes généraux de réduction de la vulnérabilité : les réseaux sont souvent en interaction avec des risques d’effet domino, comme ce que l’on observe sur les entreprises. L’objectif est d’améliorer la robustesse, augmenter les capacités d’absorption et favoriser un plus rapide retour à la normale.

Comme il n’y a pas d’obligation de se saisir du problème, il y a une mobilisation très variable d’un territoire à l’autre et très dépendant de la sensibilité des gestionnaires multiples peu habitués à interagir couplé à la difficulté du partage des données dans un contexte de concurrence

 

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 Laurent Mignaux - TERRA

 

Concernant les services publics

La démarche de réduction de la vulnérabilité des réseaux des services publics présente l’enjeu de l’exemplarité, mais aussi celui de la gestion de la crise, de plus rapide retour à la normale et de post-crise

Par ailleurs il est indispensable de maintenir la préservation des missions prioritaires de santé ou de secours, notamment au travers d’un outil dédié : le Plan de Continuité d’Activité (PCA), mais la difficulté principale est que le PCA repose sur le volontariat et mobilise tous les échelons hiérarchiques, nécessite un gros travail d’analyse et un financement propre que le fonds Barnier ne permet pas de financer.

 

Conclusion

Les territoires seront un jour inondés, il faut donc accepter cette idée et donc apprendre à vivre avec une inondation dans les territoires qui se sont développés dans ces zones inondables, qu’il faut aborder comme un système global, à la fois structurel et organisationnel, au-delà de la considération individuelle des enjeux au travers notamment d’une sensibilisation et mobilisation de tous les acteurs. Un très grand nombre d’outils et de guides ont été produits par le CEPRI, mais aussi par plan Rhône, le Cerema, les établissements publics, les services de l’État, etc.

 

Les applications du référentiel de vulnérabilité aux inondations, l’exemple de Gennevilliers - boucle nord des Hauts de Seine

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Article publié sur Cerema Actualités
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