Dans la commune à énergie positive de Malaunay, les habitants cultivent le bonheur

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CLER La rédaction

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2047 Dernière modification le 10/09/2019 - 09:26
Dans la commune à énergie positive de Malaunay, les habitants cultivent le bonheur

Petit poucet de la transition énergétique, la commune normande de Malaunay entend allier protection de l'environnement et bonheur de ses habitants.

C’est une scène peu habituelle. Guillaume Coutey, le maire de Malaunay, va conclure la soirée de lancement du projet « la transition prend ses quartiers ». Avant de laisser les citoyens quitter le centre socio-culturel, l’élu sort son portable de son costume, s’incline pour faire entrer la centaine d’habitants dans le cadre et tous se prêtent au jeu du selfie collectif. Dans cette commune de 6000 habitants à 15 km de Rouen, le geste illustre un phénomène : entre amélioration du cadre de vie, animation, liens sociaux, fierté d’agir pour la planète et participation des habitants, le changement sert de support à la culture du bonheur.

Dernière idée en date : constituer sept équipes d’habitants et leur donner des défis à réaliser autour de sept thématiques : énergies, déchets, mobilité, alimentation, consommation responsable, biodiversité et bien-être. « Le but c’est de rendre les citoyens acteurs de la transition », résume Matthieu Rios, coordinateur du projet. La ville a déjà fait l’actualité avec les panneaux solaires de son église, sa rénovation du patrimoine municipal pour redresser les finances en ­diminuant l’empreinte carbone et sa volonté d’atteindre 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2050. Mais jusque-là, les initiatives venaient de la mairie. « Nous souhaitions trouver une manière d’accueillir les projets des habitants qui sont les experts d’usage, ajoute Matthieu Rios. La démocratie participative fait partie de la transition ! »

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« Trois mois pour inventer le futur, jusqu’où irez-vous ? »

« En voyant les affiches de promotion du défi avec ces photos de super-héros, j’ai cru que c’était une animation pour les enfants, raconte Patricia Colombel, 62 ans. Quand j’ai compris que c’était ouvert à tous, je me suis dit que c’était pour moi ! » Cette secrétaire médicale a déjà intégré des gestes écoresponsables à son quotidien. « Je me déplace à pied ou en transports en commun depuis quinze ans, j’ai changé les fenêtres de ma maison, j’utilise un poêle à granules et nous ne chauffons plus l’étage, énumère-elle. Je vis à Malaunay depuis 37 ans. La qualité de vie, on l’a depuis toujours mais c’est vrai qu’avec la transition, la ville est plus jolie, plus dynamique, plus jeune… » Ce que préfère cette conteuse amateure, c’est embarquer les autres dans ses projets. Comme « Nico » un ami de sa fille. « Il y a quelques années, il est venu en vacances avec nous, se souvient-elle. Il restait trois plombes sous la douche. Chez nous, c’est trois minutes, pas plus ! » Peu rancunier, Nicolas Viot a accepté de faire partie de l’équipe « eau et énergie » de Patricia pour le défi organisé par la mairie. Le technicien de laboratoire n’a que 25 ans mais transition oblige, il fréquente les parents d’une ex-copine de classe même quand cette dernière n’est pas là. « Cela me fait un ami plus jeune », s’amuse Patricia Colombel.

Il y a trois mois, c’est le retour du marché disparu depuis une quarantaine d’années qui a fait la joie des administrés. Au delà de l’opportunité de faire ses courses sans prendre la voiture pour rejoindre les hypermarchés voisins, le rendez-vous dominical est aussi un lieu de sociabilité pour les habitants. « Pour créer une dynamique, il faut que les gens se rencontrent, ajoute Matthieu Rios. C’est exactement comme le défi. Nous l’avons pensé comme une occasion de passer de bons moments. » Les équipes constituées mi-décembre ont jusqu’au printemps pour relever leurs défis et essaimer leurs bonnes idées avec l’aide de deux coachs, un salarié de la mairie et un expert extérieur. « Nous n’avons aucune feuille de route, rappelle Jérôme Dumont responsable du Centre communal d’action sociale et coach de l’équipe bien-être. Nous écoutons les envies de notre équipe et on voit comment les aider ! »

« Je me déplace à pied ou en transports en commun depuis quinze ans, j’ai changé les fenêtres de ma maison, j’utilise un poêle à granules et nous ne chauffons plus l’étage… »

Parmi les « super-héros », certains comme Gaël Hilly et sa compagne Caroline, ne connaissaient pas leurs coéquipiers il y a quelques semaines. Lui travaille pour l’antenne caennaise de Sciences Po Rennes, elle dans un bureau d’études à quelques dizaines de kilomètres. « Nous sommes arrivés il y a cinq mois, explique-t-il. Malaunay est un point de chute choisi au hasard entre nos deux boulots. Nous avons été très contents de découvrir ce qu’il se passait ici. Et le défi va nous permettre de rencontrer des gens. » Malins, les salariés de la mairie ont mis le couple dans la même équipe que Nicolas et Dominique Violette et leurs deux fils, Jules six ans et Lucien, un an. « Nous faisons nos yaourts maison et essayons de bricoler mais il y a encore plein de choses à faire », racontent-ils. Les trentenaires plancheront sur l’agriculture et l’alimentation.

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De la contemplation à l’action

Bernard Ryckewaert, 70 ans, et président de Vallée du Cailly Environnement a été sélectionné avec son association pour la thématique nature et biodiversité. « La mairie s’est occupée de la transition énergétique mais ce n’est qu’une partie du bien-être de l’habitant, avance-t-il. Pour moi, c’est aussi cela ce défi, élargir les sujets pour améliorer notre cadre de vie. » Malaunaysien depuis 21 ans, ce retraité de la police sort la trottinette quand il prend le train pour aller à Rouen. Même s’il admet qu’il a encore des progrès à faire, il salue l’espace laissé par la municipalité. « Mon association est une vigie environnementale qui protège les 28 km de rives du Cailly, un affluent de la Seine qui traverse une douzaine de communes. Les relations avec la mairie ne sont pas toujours simples mais ce n’est peut-être pas pour rien que nous sommes basés à Malaunay. Ici, on nous laisse faire des choses ! »

Et le défi des sept familles n’est qu’un début. En septembre, une bande dessinée retraçant leurs aventures sera distribuée à tous les foyers. La mairie souhaite ensuite mettre un appel à projets permanent autour de la transition. « Nous aimerions nous inspirer de ce que fait Loos-en-Gohelle avec le « fifty-fifty », explique Matthieu Rios : recueillir les idées des habitants, voir comment les aider et les mettre en lien avec d’autres qui nous ont parlé de projets similaires ou complémentaires. » A terme, la commune prévoit aussi de monter un conseil citoyen de la transition. « La forme est encore à définir mais nous voulons réunir les habitants dans une instance de co-construction de la résilience. Pour les rendre heureux, il faut préparer l’avenir avec eux. »

Par Claire Le Nestour, journaliste.

Les Territoires à énergie positive réunis à Clamecy du 25 au 27 septembre 2019

Le réseau TEPOS a été créé par le CLER – Réseau pour la transition énergétique en 2011, d’une initiative conjointe avec six territoires pionniers, dont le Mené (Côtes d’Armor), et six acteurs locaux. Il réunit les territoires qui visent la couverture de leurs besoins énergétiques, après les avoir réduit au maximum, par les énergies renouvelables locales, selon les trois principes de la démarche négaWatt : sobriété énergétique, efficacité énergétique et énergies renouvelables.

Rendez-vous aux 9e rencontres nationales Énergie et territoires ruraux

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