Concours CUBE : le retour d’expérience du Lycée Freyssinet de Saint Brieuc

5328 Dernière modification le 12/11/2018 - 09:46
Concours CUBE : le retour d’expérience du Lycée Freyssinet de Saint Brieuc

La Région Bretagne a déjà travaillé sur les économies d’énergie par les usages et le pilotage dans un établissement d’enseignement : le lycée Freyssinet à Saint-Brieuc. Alors que le concours CUBE.S commence, Delphine Jestin, adjointe à la directrice en charge de la maintenance pour la Région Bretagne, partage son expérience.

Pourquoi avoir inscrit le lycée Freyssinet au concours CUBE2020 en 2017 ?

Delphine Jestin : La stratégie générale de la Région Bretagne est fortement orientée, depuis longtemps, vers la rénovation énergétique des lycées. Mais ce sont des investissements lourds, aux retours longs. Pour le lycée Freyssinet, un bâtiment de 35 000 m² des années 1970 chauffé au gaz, nous avons voulu partir d’une autre approche, orientée sur les usages, l’exploitation et le pilotage des installations techniques. Les actions qui en découlent sont plus simples à mettre en place et le retour sur investissement est nettement plus rapide avec une forte rentabilité. C’est pourquoi nous avons intégré le concours CUBE2020 à notre démarche, en travaillant en direct avec le proviseur de l’établissement et son adjointe-gestionnaire . Dans CUBE2020, nous étions en compétition avec des immeubles de bureaux aux problématiques d’usage différent, nous avons toutefois réalisé environ 17% d’économies d’énergie sur l’année. Le nouveau concours CUBE.S lui, sera dédié aux établissements d’enseignement.

Comment avez-vous travaillé avec les usagers du bâtiment ?

D.J. : La Région Bretagne a géré le projet et nous avons mis en place deux niveaux de gouvernance. Un comité de pilotage qui se tenait tous les 3 mois. Nous y retrouvions les principaux acteurs : les représentants de la Région dont moi-même, le proviseur et son adjointe, des représentants de la vie scolaire, des enseignants, des agents régionaux et des élèves. Ces comités de pilotage nous ont permis d’assurer le bon avancement du projet, de réaliser des bilans trimestriels, d’analyser les résultats de nos actions et d’arbitrer collégialement sur les prochaines actions à mener ou également sur celles à abandonner.  Avoir l’ensemble des catégories d’usagers représentées dans cette instance a permis d’identifier les freins à lever et également d’éliminer les fausses bonnes idées.

Un comité d’action, plus opérationnel, se réunissait très régulièrement, pour décider du pilotage du bâtiment ; ce comité était constitué des « usagers techniques », c'est-à-dire ceux qui font fonctionner un établissement et qui permettent aux activités pédagogiques de se dérouler. Grâce à ce comité nous avons pu identifier les réglages pour minimiser nos consommations et mettre en place des actions concrètes et rapides. La force de cette équipe, dont l’engagement sur ce projet a été remarquable, était de connaitre très finement le fonctionnement technique des bâtiments. Nous avons travaillé prioritairement sur les gros postes de consommation (le chauffage, la restauration, l’éclairage, la ventilation, l’informatique).

Quelle pédagogie avez-vous appliquée pendant le concours pour impliquer l’ensemble des usagers ?

D.J. : Nous avons lancé le projet en réalisant un Quizz à destination de l’ensemble des usagers du lycée. Ce quizz a été co-construit avec un petit groupe de lycéens. L’objectif était d’interpeller, de manière ludique, sur l’impact de l’activité du lycée sur l’environnement pour donner du sens à des changements de comportement. Les questions posées permettaient de prendre conscience de l’ampleur des consommations énergétiques en les comparant à des grandeurs appréhendables par chacun. Par exemple, une question proposait d’estimer le volume d’eau annuellement consommée au lycée en le comparant à la piscine Aquabaie de Saint Brieuc. Le Quizz a été un vrai succès ; le premier prix dans la catégorie lycéens était particulièrement attractif : passer prio à la cantine avec un copain pendant 1 mois !

Nous avons laissé le lycée prendre les rênes sur le volet pédagogique. Le décalage entre le temps du concours qui commence en juillet et le temps scolaire qui commence en septembre n’a pas forcément rendu les choses faciles pour le personnel enseignant, l’action pédagogique est donc arrivée en deuxième partie de notre participation.

Plusieurs animations et actions des élèves ont vu le jour pendant le concours : les lycéens ont créé des scénettes sur les gestes éco-responsables, les élèves de BTS ont travaillé sur le « delamping » du lycée, retirant les luminaires surnuméraires, les élèves des arts graphiques ont intégré l’éco-responsabilité dans leurs travaux, les élèves en bac pro ont conçu des vélos-stations de rechargement pour téléphones portables et une journée dédiée au développement durable a été organisée et animée par les lycéens.

En complément, le lycée a organisé une communication continue auprès des usagers tout au long de l’année. Il s’agissait d’entretenir la motivation en communiquant sur les résultats, et en faisant de la pédagogie sur les actions menées. Le lycée a profité du temps fort de la rentrée scolaire pour présenter le projet aux élèves : cela s’est fait en séance plénière, puis les professeurs principaux ont pris le relais avec leur classe.

Quelle a été la perception du concours par les usagers ?

D.J. : Le rapport avec les chefs d’établissement a été bon parce qu’ils se sont impliqués et parce que la démarche a fonctionné. Mais comme partout, il peut y avoir des couacs. Le réajustement des réglages de chauffage le lundi matin a nécessité des itérations pour être optimisé ; pendant cette période, il y a pu avoir des inconforts qui ont amené une grogne de certains usagers qui n’avaient pas forcément compris tous les enjeux. Pour éviter cette grogne, il faut bien expliquer ce qu’on fait et pourquoi. De même le « relamping », qui a consisté à remplacer les luminaires existants par des LED, a été perçu, par certains, comme du gaspillage. Bien expliquée, cette action a ensuite fait consensus.

Globalement, on s’est rendu compte que les usagers fonctionnaient beaucoup avec des habitudes prises au fil du temps. Remettre en cause des pratiques anciennes n’est pas toujours facile. La Région a apporté son éclairage technique pour susciter le changement de 2 manières : d’une part en réalisant des campagnes de mesure pour évaluer le gaspillage d’énergie résultant de ces gestes et d’autre part en garantissant l’absence d’impact sur la qualité de vie au lycée. Avec cette méthode, nous avons pu réaliser des économies substantielles en restauration, sur le chauffage, sur la ventilation.

Comment avez-vous ménagé économies d’énergie et confort des usagers ?

D.J. : En début de projet, nous avons organisé des interviews avec tous les types d’usagers du lycée : personnel administratif, professeurs, agents de maintenance, agents de la restauration et de ménage, agents de la vie scolaire, pour qu’ils expriment leur ressenti et partagent avec nous ce qu’ils avaient pu identifier comme potentielles économies d’énergie.

Au final, ces interviews nous ont permis d’identifier un grand nombre d’inconforts que nous avons résolus avant même de commencer à économiser de l’énergie. En effet, nous avons voulu créer un environnement qui soit favorable à des changements de comportement et à leur persistance. Par exemple, avant de demander aux enseignants d’éteindre les ordinateurs à la fin de la journée, le responsable informatique a commencé par traiter les problèmes de lenteur au démarrage sur certains postes informatiques.

Par ailleurs, nous avons choisi de travailler particulièrement sur l’intermittence des usages, caractéristique des bâtiments d’enseignement. Notre mantra était « réduire au minimum les consommations d’énergie pendant les vacances scolaires, le week-end et la nuit ».

Pour le chauffage, sujet sensible et premier poste de dépenses, nous avons doté l’équipe technique du lycée d’enregistreurs de températures mobiles : ces petits équipements, très simples à installer et à relever par liaison Bluetooth, ont été positionnés successivement dans des salles de classe représentatives pour réaliser les réglages. Ils permettent de voir comment évolue la température au fil de temps, et donc de mesurer immédiatement l’impact, en bout de chaîne, de modifications de paramétrages en chaufferie. Ainsi, les réglages ont pu se faire au plus juste, sans dégrader le confort des élèves.

Ce type d’action est-il réplicable sur d’autres lycées et d’autres établissements d’enseignement ?

D.J. : Les résultats du concours sont extrêmement positifs, sur le volet des économies d’énergie, mais aussi sur la collaboration entre collectivité et personnels d’établissement, sur le message transmis aux élèves et aux adultes. Le nouveau concours CUBE.S prend en compte la spécificité des bâtiments d’enseignement et de leurs usages, ce qui rend le modèle d’autant plus réplicable.

En savoir plus sur le concours CUBE.S

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