Compte-rendu de la table ronde "Décarboner son territoire plus rapidement avec des solutions innovantes : Combiner rénovations à énergie zéro et boucles locales d'énergies renouvelables"

Rédigé par

Mathilde Henry

3292 Dernière modification le 29/07/2022 - 14:22
Compte-rendu de la table ronde

Dans un contexte où les enjeux écologiques sont au cœur de l'actualité, le rôle des collectivités locales est central pour la mise en place d'actions permettant à la France d'atteindre son objectif de neutralité carbone pour 2050. GreenFlex, société proposant à ses clients des solutions visant à favoriser leur transition environnementale, sociétale et énergétique, a souhaité profiter du Salon des Maires et des Collectivités Locales pour mettre en lumière deux démarches qui participent à l'atteinte des objectifs que la France s’est fixés en termes de réduction de la consommation d’énergie et d’augmentation de la part d’énergies renouvelables et à la neutralité visée par les territoires. Cette table ronde était animée par Franck Sprecher (GreenFlex) avec la participation de Mathilde Henry (équipe de développement de marché EnergieSprong France), Simon-Pierre Kuzar (EPAPS) et Jean-Benoît Cariou (ANRU).

La première solution présentée est la démarche EnergieSprong, initiée aux Pays-Bas, qui a pour vocation d'accélérer la rénovation énergétique de manière performante en visant "Energie zéro", c’est-à-dire que la consommation énergétique est réduite au maximum et le reste à pourvoir est compensé par la vente d'énergie renouvelable produite par le bâtiment (photovoltaïque en toiture par exemple). Pour cela le point primordial a été de construire un cahier des charges standard orienté résultat et non plus orienté moyens comme ce qui se faisait historiquement. Ce cahier des charges impose les critères suivants :

  • Le bâtiment est 0 énergie garantie sur 30 ans après la rénovation. La performance est réalisée sur les usages réels et pas uniquement le besoin de chauffage.
  • La rénovation doit être abordable et le surinvestissement est compensé par les économies sur 30 ans et la vente d’énergie produite localement.
  • Le logement doit gagner en confort et en attractivité.
  • La rénovation doit se faire en site occupé en temps très court (quelques semaines).

La démarche a commencé par adresser le secteur du logement social et a vocation à se développer sur d'autres types de bâtiments.

L’union vers un objectif commun d’un grand nombre d’acteurs de la filière permet d’envisager des rénovations plus ambitieuses moins chères. Ainsi, en Pays de la Loire, 19 bailleurs ont décidé de lancer cette démarche pour rénover collectivement 2000 logements.

Une autre solution permettant d'augmenter le taux d'énergies renouvelables du mix énergétique français est un réseau de chaleur de 5ème génération, dont celui du territoire Paris-Saclay est préfigurateur. L'Opération d'intérêt national (OIN) Paris Saclay, futur cluster de l'innovation en France, consiste en deux quartiers (1,6 M de m²) avec une forte mixité urbaine qui sont actuellement en cours de réalisation et répondront à des engagements environnementaux et énergétique forts. Le mix énergétique atteint par la boucle d'eau tempérée avec une production décentralisée par pompes à chaleur est fortement décarboné :

  • 33% de géothermie
  • 31% d'échanges liés à la simultanéité des usages
  • 30% d'électricité
  • 6% d'appoint gaz

Ce projet innovant implique de nouvelles méthodes, notamment la nécessité de former les utilisateurs finaux à la bonne gestion des équipements et au respect des régimes de température pour contribuer à l'atteinte du taux d'énergie renouvelable. L'objectif est aussi de faire de ce réseau un démonstrateur du projet Européen D2Grids en mettant en œuvre du stockage thermique et une gestion avancée de la demande. De plus, la 5ème génération va plus loin vers la décarbonation en essayant de mettre en œuvre une production PV qui alimenterait en direct les installations décentralisées. Les études actuelles montrent que le réseau de Saclay est en capacité de consommer l'intégralité du PV qui sera produit en toiture. Dans les projections économiques, la parité réseau est atteinte dans les années à venir. 

Ici encore, c’est le développement de liens durables entre tous les acteurs (utilisateurs des bâtiments, gestionnaire du réseau, collectivité…) qui permet d’atteindre les résultats ambitieux décrits ici.

Les projets financés par L'ANRU et portés par les collectivités et leur partenaires (notamment bailleurs sociaux) participent également à l'atteinte des objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments. En particulier le pôle innovation et ville durable accompagne des projets visant à améliorer l’attractivité des quartiers et le reste pour vivre des habitants en apportant des financements issus de Programme d'Investissement d’Avenir et en créant un réseau de partage de bonnes pratiques (performance énergétique, agriculture urbaine, économie circulaire, etc).

Les rénovations financées par l'ANRU et les rénovations EnergieSprong permettent également de réduire la facture énergétique des ménages et de les protéger de la précarité énergétique. En effet, 5 millions de ménages les plus modestes consacrent 15% de leurs revenus aux dépenses énergétiques, contre seulement 6% pour les ménages aisés. Ces ménages précaires sont très sensibles aux variations des prix des énergies (qui globalement ne cessent d’augmenter depuis de nombreuses années, tendance qui n’a pas de raison de s’inverser). Or en France environ 70% de l'énergie consommée est issue d'énergies fossiles, notamment pétrole et gaz. Ces énergies fossiles, importées à 99%, sont sujettes à des variations de coût et à des risques d’approvisionnement dont les conséquences sociales peuvent être capitales. La mise en œuvre des deux leviers discutés, rénovation énergétique ambitieuse pour réduire les besoins et utilisation d’énergies renouvelables et/ou locales, peut permettre d’avoir une meilleure maîtrise des factures sur le long terme et contribue à réduire notre dépendance envers des combustibles étrangers carbonés. C'est pourquoi l'ANRU impose aux porteurs de projets de contribuer à la transition énergétique et à maîtriser les charges énergétiques pour les habitants, et encourage les projets les plus ambitieux en proposant des financements plus élevés. Dans le logement social, de nombreux logements sont des passoires énergétiques (étiquette DPE F ou G). La rénovation énergétique haute performance, dont la performance est garantie sur le long terme type EnergieSprong, est le seul outil qui permet de baisser durablement les coûts.

La performance des bâtiments est également un objectif porté par l'EPAPS sur le réseau de chaleur de Saclay où la sobriété énergétique est imposée avant tout raccordement. Le raccordement ne doit pas être surdimensionné et les réseaux secondaires doivent être conçus et réalisés de manière à fonctionner à des régimes de températures les plus bas possibles afin d’améliorer l’efficience du réseau de chaleur et de froid. Des discussions ont été réalisées pour déployer ces bonnes pratiques. La climatisation des logements est notamment proscrite. Une bonne conception aujourd'hui permet de s'en passer, en revanche sur les bâtiments tertiaires il y a plus de dégagement de chaleur liée à l'activité.

Aussi cela a permis à l'EPAPS de réfléchir à de nouvelles pistes de tarification sociale, où la chaleur récupérée suite à la production de froid pour la climatisation des locaux tertiaires serait vendue à moindre coûts aux logements précaires.

Des discussions sont nécessaires pour arriver à un tarif social, progressif de la chaleur des réseaux. Aujourd'hui des rénovations ambitieuses qui permettent de réduire drastiquement le besoin sont moins avantageuses en cas de raccordement à un réseau de chaleur où la part fixe initiale représente 70% du coût annuel. Il est donc indispensable d'entamer un dialogue avec les gestionnaires de réseaux.

Viser d'abord la sobriété, ensuite la neutralité carbone est un changement de paradigme pour les réseaux de chaleur mais c'est le cas des boucles basses température de 5ème génération. Aller plus loin avec la régénération est l'ambition portée par EnergieSprong. Finalement cela concourt à remettre l'utilisateur au cœur de l'enjeu énergétique.

De ce partage il ressort que décarboner les territoires et rendre les enjeux de confort (chauffage et climatisation) plus sociaux vont de paires. La mise en œuvre passera nécessairement par des projets innovants, ambitieux et donc plus complexes. Le dialogue, le partage de retours d'expérience sont indispensables et favorisent le bon déroulement de ces projets.

A propos des intervenants :

Mathilde Henry fait partie de l'équipe de développement de marché de la démarche EnergieSprong en France qui a pour objectifs :

  • L'amélioration et la consolidation du concept
  • L'agrégation d'une demande significative
  • L'accompagnement des projets pilotes
  • L'activation de nouvelles solutions moins chères

Mathilde Henry est également coordinatrice de la démarche EnergieSprong dans la Région Grand Ouest et accompagne principalement la démarche collective menée par 19 bailleurs en Pays de la Loire qui a pour objectif de rénover 2000 logements selon ce cahier des charges.

Simon-Pierre Kuzar est chef de projet énergie à l'Etablissement Public Paris Saclay (EPAPS) qui a pour fonction d'aménager l'Opération d'intérêt national (OIN) Paris Saclay, futur cluster de l'innovation en France. En tant que chef de projets Energie au sein de la direction développement durable, ses missions sont :

  • Le pilotage des études d’opportunités pour le développement des énergies renouvelables à l’échelle du territoire de Paris-Saclay.
  • La définition des stratégies énergétiques à l’échelle des opérations d’aménagements urbains.  
  • L'accompagnement des équipes opérationnelles de l’aménagement pour le respects des ambitions environnementales dans le cadre des projets immobiliers.

Jean-Benoît Cariou est chargé de mission Innovation et Transition Ecologique à l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). L'ANRU est un établissement public de l’Etat sous tutelle du ministère en charge de la politique de la ville, responsable de la mise en œuvre de programmes nationaux visant le renouvellement urbain des quartiers prioritaires de la politique de la ville (définis par le fort taux de pauvreté qu’ils concentrent). L'ANRU finance des projets portés par des collectivités et leurs partenaires dans 450 quartiers prioritaires où se concentre la pauvreté. Jean-Benoit Cariou fait partie du pôle innovation et ville durable qui a vocation à soutenir des projets d’innovation dans une trentaine de ces quartiers, et à faire émerger de ces sites pilotes des savoir-faire nouveaux autour des thématiques travaillées par les territoires comme notamment la performance énergétique.

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