Comment prédire plus précisément l’efficacité énergétique d’un bâtiment : enjeux, protocoles de mesures et scénarios

3277 Dernière modification le 18/10/2019 - 18:32
Comment prédire plus précisément l’efficacité énergétique d’un bâtiment : enjeux, protocoles de mesures et scénarios

Alors que le défi actuel est de passer d’une réglementation exclusivement thermique RT2012 à une règlementation environnementale RE2020 qui prend en compte l’ACV du bâtiment, l’aspect performance énergétique semble être totalement maîtrisé. Pourtant entre les calculs de gains énergétiques et la réalité, le fossé peut être important, comme le souligne Myriam Humbert, responsable de l'activité efficacité énergétique des bâtiments au Cerema.

Quels sont les grands enjeux de la performance énergétique ?

Différents aspects rentrent en ligne de compte lorsque l’on fait de la performance énergétique en neuf comme en rénovation. L’enjeu majeur est cependant celui des modèles de calculs pour estimer les gains.

La performance énergétique est en effet rarement mesurée et vérifiée in situ, or l’expérience montre qu’une amélioration théorique de 30% peut régulièrement être réduite à 5% ou à néant par certains facteurs non pris en compte dans les calculs. Chaque bâtiment est en effet un prototype grandeur nature situé dans une zone météorologique bien particulière et dont le mode d’occupation est variable.

 

Comment peut-on réduire cette incertitude ?

Tout d’abord en remplaçant les modèles théoriques statiques par des simulations dynamiques. Dans ces dernières nous ne travaillons plus seulement sur l’enveloppe et les systèmes, mais aussi sur la météo du site, les températures estimées d’occupation et les apports internes en chaleur des différents appareils présents dans l’enceinte du bâtiment.

Au Cerema, nous sommes en pointe sur ce sujet. C’est exceptionnel de pouvoir travailler sur des bâtiments à l’échelle 1, instrumentés dans les règles de l’art et occupés. Nous recueillons de nombreuses données qui nous permettent de fiabiliser ces modèles dynamiques.

Il est aussi important de préciser qu’une performance énergétique ne devrait jamais être exprimée par un chiffre seul. Aussi précises soient les mesures et fiabilisé le modèle, il y a toujours une incertitude qu’il convient d’indiquer par un ordre de grandeur. Un bâtiment consomme par exemple 65kWh +-10%.

 

L’industrialisation de la construction est-elle un autre facteur pour réduire cette incertitude ?

Pour une part probablement, le fait d’avoir des données sur le comportement d’un type d’enveloppe en fonction des conditions météorologiques est un plus. Néanmoins, n’oublions pas l’utilisateur qui contourne certains usages prévus. Je pense à des choses toutes simples comme les stores qui sont baissés pour l’éblouissement ou une incompréhension du système de thermostat automatique. Avec le programme PREBAT nous avons bien vu qu’il est difficile de prédire ce type de difficultés de calcul car elles dépendent de nombreux facteurs.

 

Quelles sont les initiatives conduites pour consolider les modèles prédictifs ?

La première étape a été de revoir les modes de calculs. Dès 2009-2010 nous nous sommes penchés sur cette problématique et nous avons défini un ordre de grandeur pour l’erreur sur l’énergie nécessaire au chauffage. Celle-ci varie communément de 0,1 à 20% pour un calcul statique, hors occupation et conditions météorologiques.

Cette première étape conclue, nous nous focalisons aujourd’hui sur la collecte des données et les protocoles de mesures. Cela nous permet d’affiner les scénarios nécessaires aux simulations dynamiques. Par ailleurs, s’il est relativement aisé de mesurer la performance d’un bâtiment neuf, cela est beaucoup plus difficile de le faire en site occupé. Il est donc essentiel de trouver des méthodologies de mesure légères.

Le Cerema participe ainsi à différents projets nationaux qui concernent les protocoles de mesures. L’enjeu est de faire connaître ces derniers (atelier FBE MPEB), définir à quelles situations ils sont adaptés, favoriser leur diffusion (programme PROFEEL qui met à disposition des kits de mesure) et, finalement, travailler à ce qu’ils soient moins lourds. Avec un projet comme Diane destiné aux maisons neuves, nous sommes par exemple sur quatre jours de mesures pour obtenir une marge d’erreur réduite. En outre, l’objectif de ce projet n’est pas seulement de créer la méthodologie, il est aussi de former des techniciens à celle-ci. Avec un projet comme SEREINE, piloté par l’AQC, nous voulons transposer ces avancées aux maisons rénovées, en réduisant le temps de mesure à une journée. Actuellement nous sommes sur une marge d’erreur de 40%. C’est donc un vrai défi et nous recherchons des volontaires pour cette expérimentation. Les candidatures seront ouvertes à partir du 23 octobre.

La performance énergétique apparait comme simple aujourd’hui car elle est largement diffusée, mais ils restent en réalité de grands défis à relever pour que les calculs correspondent à la réalité.

 

En dehors des programmes de recherches, comment le Cerema peut aider les entreprises sur la performance énergétique ?

Comme nous intervenons sur ces programmes de recherches dans nos bâtiments occupés ou des bâtiments candidats, il est facile de transposer les méthodologies pour des programmes de garanties de performances énergétiques commerciaux. Nous pouvons ainsi former des techniciens de bureaux d’études, pour qu’ils aient les outils méthodologiques d’appréhension de l’incertitude, accompagner la mesure des performances, etc.

Nous pouvons aussi créer des référentiels de mesures très précis pour les grands acteurs de l’immobilier. Cela leur permet d’avoir une idée plus précise des performances énergétiques réelles de leur parc neuf ou rénové.

Entretien réalisé par Clément Gaillard - Construction21

 

Pour en savoir plus sur les différents projets cités dont le Cerema est partenaire :

- atelier FBE MPEB
http://www.batiment-energie.org/index.php?p=60
- protocole Promevent (où l'on peut télécharger le protocole + guide logement et où est présenté le projet en cours sur le tertiaire
http://www.promevent.fr/
- Capitalisation prébat (suivi instrumentés de 140 bâtiments basse consommation) : rapport gratuit téléchargeable / nouveau rapport final prévu en avril 2020 et colloque le 12 mai 2020
https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/batiments-demonstrateurs-basse-consommation-energie-prebat
- PACTE MERLiN
https://www.cerema.fr/fr/actualites/projet-pactemerlin-mesurer-performance-reelle-isolation


 

Le Cerema sera présent au salon Bâtimat, Stand 6-H044: l'occasion de découvrir ses projets de recherche dans le domaine du bâtiment, ses publications et actions de diffusion des connaissances auprès des milieux professionnels, ses modes d'intervention auprès des acteurs du bâtiment.

 

Thématiques des produits et innovations présentés sur son stand :

Lundi 4 après-midi et mardi 5 : Concevoir les bâtiments autrement : comment gagner le pari sur les performances environnementales et thermiques du bâti ? (réhabilitation du patrimoine ancien, mesures et performances du bâtiment E+C-, matériaux bio-sourcés, la nature comme condition de performance des bâtiments…)

Mercredi 6 : Stratégies  immobilières pour limiter et anticiper les changements climatiques (Cube.S, contrats de performance énergétique, projets Carnot…)

Jeudi 7 : Pour une meilleure qualité des environnements intérieurs (accessibilité du cadre bâti et de la chaîne de déplacement, qualité de l’air intérieur, systèmes de ventilation…)

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