Comment intégrer la désimperméabilisation des sols sur son territoire? L'exemple du Grand Narbonne

3615 Dernière modification le 04/10/2019 - 11:24
Comment intégrer la désimperméabilisation des sols sur son territoire?  L'exemple du Grand Narbonne

Comment intégrer la désimperméabilisation des sols dans les documents d’urbanisme?
Tel a été l'enjeu de la mission du Cerema pendant un an auprès de la Direction Départementale des Territoires de l’Aude et de l’équipe du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) du Grand Narbonne.
Le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) édicte les principes généraux de désimperméabilisation à l’échelle du bassin. L’enjeu pour les acteurs locaux est de décliner ces principes à l’échelle de leur territoire en les intégrant dans les documents de planification et à l’échelle des projets.

Le Cerema a accompagné les équipes du Grand Narbonne durant un an pour intégrer les principes du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin hydrographique Rhône-Méditerranée-Corse 2016-2021 au sein du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) de la Narbonnaise.

Pourquoi désimperméabiliser ?

La désimperméabilisation concourt à l’adaptation au changement climatique par :

  • la réduction du risque inondation en limitant le ruissellement sur les surfaces imperméabilisées ;
  • la préservation des ressources naturelles en permettant le rechargement des nappes phréatiques ;
  • la réintroduction de la nature en ville : le cadre de vie et le bien-être des habitants sont améliorés, des îlots de fraîcheur se créent, la biodiversité se développe et l'attractivité du territoire s'accroit.

Que dit le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux ?

Le SDAGE du bassin hydrographique Rhône-Méditerranée-Corse 2016-2021 prévoit d’éviter, réduire et compenser l’impact des nouvelles surfaces imperméabilisées sur la base de 3 grands principes :

  • EVITER en limitant l’imperméabilisation nouvelle des sols par rapport à l’urbanisation future ;
  • REDUIRE en limitant l’impact des nouveaux aménagements ;
  • COMPENSER en renouvelant le tissu existant via la désimperméabilisation de surfaces déjà aménagées.

Dans l’hypothèse de la compensation, il est indiqué que « la surface cumulée des projets de désimperméabilisation visera à atteindre 150% de la nouvelle surface imperméabilisée suite aux décisions d’ouverture à l’urbanisation prévues dans le document de planification. »

Comment intégrer la désimperméabilisation sur son territoire ?

La mise en œuvre de la désimperméabilisation sur un territoire repose sur :

  • une volonté politique forte et une exemplarité de l’action publique (effet d’entraînement) ;
  • des coûts de désimperméabilisation politiquement et socialement acceptables au regard des gains ;
  • des bénéfices pour la population à valoriser : santé, bien-être, cadre de vie ;
  • des opportunités au sein des projets urbains à mobiliser au profit d’opérations emblématiques ;
  • une anticipation et une intervention publique en amont des projets auprès des aménageurs et promoteurs (négociation) ;
  • de l’ingénierie qualifiée prenant en compte les conditions climatiques locales ;
  • la sensibilisation des habitants et notamment des résidents non permanents dans le cas des communes touristiques.

Port Leucate ParkingA Port Leucate, parking réaménagé avec un système d'infiltration au sol

 

Comment désimperméabiliser?

Deux options sont possibles:

- changer le matériau de recouvrement du sol imperméable par un matériau plus perméable ;

- déconnecter les eaux pluviales d’un réseau de collecte pour une gestion à la source c’est-à-dire au plus près du lieu où l’eau est tombée et en favorisant l’infiltration totale ou partielle à la parcelle.

 

 

 

 

Les documents de planification de l'urbanisme : les clés de la désimperméabilisation

Si la désimperméabilisation s’adresse à tout maître d’ouvrage public ou privé disposant de surfaces imperméabilisées (voiries, parkings, zones d’activités, places, terrasses…), elle s’organise au niveau des documents de planification de l’urbanisme (SCoT, PLU-i).

SDAGELa pyramide de compatibilité des documents de planification de l'urbanisme

Le SCoT définit un projet d’aménagement et de développement durables pour le territoire. Il analyse la consommation d'espaces sur les dix ans précédant l'arrêt du projet et justifie les objectifs chiffrés de limitation de cette consommation. Les surfaces à compenser seront calculées en fonction des besoins en extension foncière identifiés dans le SCoT.

Plus le contenu du SCoT sera « vertueux » dans la limitation de sa consommation d’espaces future et au sein des prescriptions de son document d’orientations et d’objectifs (partie opposable du SCoT), plus les obligations de compensation seront allégées.

Les plans locaux d’urbanisme devront être compatibles avec les dispositions du SCoT.

 

Le Cerema a identifié dans le document d’orientations et d’objectifs (DOO) du SCoT du Grand Narbonne les dispositions en faveur de la limitation de l’imperméabilisation ou de la désimperméabilisation. Cette lecture a été croisée avec les leviers mobilisables au sein du code de l’urbanisme au bénéfice de ces mêmes objectifs.

A partir de ce croisement, des pistes de renforcement du document d’orientations et d’objectifs (DOO) du SCoT sur ces thèmes ont été proposées.

Pour les espaces déjà artificialisés, le Cerema a proposé par exemple de mobiliser la réglementation relative au maintien de la biodiversité, à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques et aux objectifs de qualité paysagère (articles L141-10, L141-18).

 

Au-delà de l’expérience du SCoT du Grand Narbonne, ces travaux mettent en exergue les leviers du code de l’urbanisme qui pourraient être ré-utilisés dans d’autres démarches de SCoT au profit de la désimperméabilisation. Ils identifient également les déclinaisons nécessaires entre SCoT/PLU/Permis d’aménager.

Où désimperméabiliser ?

Une fois les objectifs de compensation fixés, il faut identifier les zones les plus propices à la désimperméabilisation au sein des secteurs urbains.

Port LeucateAménagements de désimperméabilisation en zone urbaine (Port-Leucate)

Pour le Grand Narbonne, le Cerema a croisé les données du sous-sol (infiltrabilité des eaux) avec celles de la structure superficielle du sol (imperméabilité du sol).

L’infiltrabilité est déterminée suite à un travail géomatique qui permet de prendre en compte la texture des sols et les critères environnementaux qui permettent d'identifier des points de vigilance pour désimperméabiliser certaines zones (zones de captage des eaux potables, sols pollués, pente trop importante…). S’ensuit une hiérarchisation des secteurs en fonction du nombre de critères environnementaux non propices à l’infiltration.

L’imperméabilité du sol est variable en fonction de l'usage du sol ; cette connaissance est possible grâce à la couche d’information « Imperviousness » issue du programme européen Copernicus. Dans le cas du SCoT du Grand Narbonne, le modèle d’occupation du sol a été utilisé pour identifier et classer les secteurs les plus imperméabilisés.

 

La désimperméabilisation est d’autant plus pertinente qu’elle porte sur les zones les plus imperméabilisées.

Le Cerema a proposé de sélectionner les surfaces imperméabilisées à plus de 60 % en calculant le taux d’imperméabilisation de chaque poste du modèle d’occupation du sol. Ces taux sont disponibles à l’échelle du SCoT (moyenne des 37 communes) et à l’échelle de chaque commune car ils peuvent varier en fonction des caractéristiques de la commune et de son mode d’urbanisation.

SCoT Grand Narbonne : zones d’activités économiques du Sud de Narbonne

Carte Grand Narbonne

A Narbonne, les zones d’activités économiques (ZAE) ont un taux d’imperméabilisation de plus de 80%, ce qui est un taux courant pour ce type d’occupation du sol. Les ZAE représentent le 2ème poste le plus imperméabilisé de la commune.

La cartographie ci-contre identifie sur une zone géographique donnée, les secteurs les plus propices à l’infiltration des eaux pluviales. Les secteurs identifiés en vert sont les plus favorables en théorie à la désimperméabilisation car ils présentent un nombre de critères environnementaux limitatifs inférieur à 2.

Cette analyse théorique doit être complétée par un examen des leviers fonciers éventuels pour intervenir sur ce type de secteurs et des visites de terrain pour vérifier les résultats obtenus par traitement de système d’information géographique.

 

QUELS SONT LES LEVIERS POUR DESIMPERMEABILISER ?

La mise en œuvre de la désimperméabilisation va mobiliser plusieurs types de leviers. A partir de recherches bibliographiques, de retours d’expériences, d’analyse de documents de planification, de visites terrains, le Cerema a recensé les leviers mobilisables au profit de la désimperméabilisation des sols.

Les leviers techniques 

Ces leviers résident dans l’utilisation de solutions de gestion des eaux alternatives à l’usage du « tout tuyau » qui peuvent être couplées à la réintroduction de la nature en ville.

Rond Point Port leucateRond-point aménagé (Port-Leucate)

 

Système de récupération et d'infiltration des eaux pluviales à Port-Leucate (Aude)

Un système de récupération et d’infiltration des eaux pluviales a été installé sur un rond-point.

Les eaux pluviales sont collectées via des structures réservoirs passant sous les chaussées et sont réinjectées au sein du rond-point constitué de fossés.

Le sol étant constitué essentiellement de sable, les eaux s’infiltrent progressivement en mettant moins d’une demi-journée à s’évacuer même en cas d’épisode pluvieux sévère.

 

 

 

Les leviers opérationnels 

Ils peuvent être actionnés au travers des dispositions mobilisables des plans locaux d’urbanisme (comme les emplacements réservés aux coefficients de pleine terre) et des outils de l’aménagement (convention d’aménagement, cahiers des charges de cession de terrain) pour limiter l’urbanisation future et/ou favoriser la désimperméabilisation.

 

Les leviers financiers

Les financements peuvent être directs via les Agences de l’eau si le projet de désimperméabilisation est couplé avec l’introduction de techniques alternatives de gestion des eaux pluviales.

Ils peuvent être indirects en fonction de la localisation du projet (quartier politique de la ville, littoral) et de sa nature (restauration de continuité écologique, renaturation pour expansion des crues, végétalisation de toitures, friches urbaines en renouvellement, aménagement d’espaces publics…). L’objet principal de l’opération n’est pas, ou pas uniquement, la désimperméabilisation des sols mais comporte d’autres volets qui peuvent mobiliser d’autres sources financières.

Cet examen se fait au cas par cas et nécessite de développer une bonne connaissance des dispositifs financiers mobilisables.

Le Cerema a examiné les principales sources de financements directs et indirects en Occitanie mobilisables au profit des projets de désimperméabilisation.

 

Grand NarbonneGrand Narbonne

La limitation de l’imperméabilisation étant un thème à peine encore intégré dans les pratiques actuelles, la désimperméabilisation des sols, qui va au-delà, reste encore un sujet largement exploratoire.

Au terme de l’accompagnement du Cerema et de la DDTM de l’Aude, le syndicat du SCoT de la Narbonnaise a pu étayer son projet de Document d'Orientations et d'Objectifs (DOO) dans la limite du calendrier de réalisation qui lui était imparti. A la suite de ces travaux, le SCoT a sollicité le Cerema, en lien avec la DDTM, pour construire une synthèse communicante permettant d’expliquer les enjeux de la désimperméabilisation et sa traduction opérationnelle.

Le SCoT envisage d’élaborer un cahier d’application sur la désimperméabilisation pour permettre d’accompagner les communes dans la traduction de cette thématique au sein de leurs documents d’urbanisme et des projets d’aménagements.

 

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