[Dossier Biosourcés #18] Le Collège Vitry-sur-Seine, premier équipement public à intégrer des voiles en béton isolant structurel et des mur rideaux en béton de chanvre

Rédigé par

Laurent Goudet

Dirigeant

7623 Dernière modification le 26/03/2020 - 12:20
[Dossier Biosourcés #18] Le Collège Vitry-sur-Seine, premier équipement public à intégrer des voiles en béton isolant structurel et des mur rideaux en béton de chanvre

Le collège de Vitry sur Seine est le premier équipement public de cette dimension à utiliser des voiles en béton isolant structurel et du béton de chanvre isolant en mur rideau pour la réalisation du Gymnase. Dès la phase concours, Demathieu Bard s’est rapproché de partenaires capables de répondre efficacement à ces concepts novateurs. Le choix des voiles en béton isolant pour le collège et de l’enveloppe isolante en béton de chanvre pour le Gymnase se justifie par l’architecture de Rudy Riccotti, ambassadeur du béton apparent, et par la double certification HQE et labellisation « Bâtiment Biosourcé » niveau 1.

Présentation du projet

En 2014, le groupement représenté par DEMATHIEU BARD BÂTIMENT ILE-DE-FRANCE a été retenu pour la conception-réalisation du 105ème collège du département, situé sur la commune de Vitry-sur-Seine.

L’opération est la première du quartier du Port à l’anglais qui a permis la transformation d’un ancien site industriel en zone résidentielle en bordure de Seine.

Le bâtiment du collège a été conçu pour des coûts de gestion optimisés : gestion de l’énergie, gestion de l’eau, maintenance et pérennité des performances de la certification HQE. En parallèle, sa conception a été pensée pour un confort optimisé : confort hygrométrique, confort acoustique, confort visuel et confort olfactif de la certification HQE.

Le programme prévoit :

  • 26 salles d’enseignements
  • 1 salle de sport de 800 m²
  • 1 Centre de Documentation et d’Information
  • 1 restauration (unité de production)
  • 1 salle polyvalente
  • 1 espace dédié aux parents
  • 5 logements de fonction
  • 45 places de stationnement souterrain

Une première livraison en 2019

A la suite de la découverte d’une nappe d’hydrocarbure située à 8 mètres sous le gymnase, le début des travaux prévu en septembre 2015 a été repoussé de 2 ans, entraînant un risque de coactivité des travaux avec la dépollution.

Compte tenu des besoins de la ville en locaux d’enseignement, le choix de réaliser le collège seul pour la rentrée 2019 s’est imposé ; la seconde phase de travaux comportant une salle polyvalente, un gymnase et les logements de fonction sera reportée de 7 mois après avoir purgé la nappe polluée et remblayé sous le futur préau du gymnase.

Le collège a été inauguré le 12 septembre 2019.

Une première en France pour ce type d’équipement

Habituellement, le chanvre est surtout utilisé dans la construction pour ses propriétés d’isolation thermique ; les quantités de matériaux biosourcés imposées par le label étaient telles, que le béton de chanvre mis en œuvre sur des épaisseurs de 47cm sur les façades du gymnase a permis de garantir la quantité imposée par le règlement de la Zone d’Activité Concertée, soit 122 tonnes.

Des études comparatives avec d’autres systèmes constructifs tels que les Murs à Ossature Bois ne permettaient pas d’atteindre cet objectif en respectant le parti architectural de Rudy Ricciotti.

 

Les atouts du béton biosourcé sont nombreux :

  • Une résistance caractéristique de 3 MPa permet une utilisation en matériaux de remplissage autoportant sur des hauteurs de 3 mètres moyennant une cornière de reprise ;
  • Une résistance thermique qui lui confère une très bonne capacité isolante ;
  • Un confort hygrothermique exceptionnel pour l’utilisateur puisqu’il régule la température de surface et l’atmosphère ambiante, tout en économisant la pose d’un pare-vapeur.
  • Une bonne tenue au feu et des propriétés acoustiques avérées ;

Cette technique est non seulement une première pour DB, mais également une première en France pour un ouvrage d’une telle dimension. Auparavant, seuls des logements et une mairie (Villers-le-Bouillet) avaient été réalisés avec ce matériaux structurel projeté.

 

La spécificité de ce projet réside dans les grandes dimensions de l’ouvrage ; une structure porteuse en béton armé a donc été nécessaire, ainsi qu’une structure secondaire en bois. La projection du béton de chanvre peut se faire, soit directement sur un « Fermacell » (qui assurera la finition intérieure), soit sur des panneaux de bois du type OSB.


La paroi de béton de chanvre de 47cm d’épaisseur viendra recouvrir la structure porteuse, alors qu’un enduit à la chaux constituera la finition perspirante du complexe.

Dès la phase du concours, DB a su créer un partenariat avec Laurent Goudet de la société AKTA afin d’intégrer toutes les préconisations de mise en œuvre pour la conception du gymnase. En 2014, ce matériau alors peu connu, était seulement utilisé pour des logements en R+2 maximum, bien qu’utilisé depuis 30 ans dans la construction.

Le dirigeant de la société AKTA a développé un savoir-faire précurseur dans le domaine du béton de chanvre projeté, plus spécifiquement dans le dosage des liants et dans le processus de projection du mélange (brevet en 1993). Les règles professionnelles en vigueur qualifient ce matériau de « technique courante » ne nécessitant pas d’ATEX.

 

 

Des synergies gagnantes au service d’un projet audacieux

Les équipes de la Direction Technique Bâtiment du Groupe, du service Etudes de prix et Méthodes de DEMATHIEU BARD BÂTIMENT ÎLE-DE-FRANCE ont développé des synergies efficientes qui ont permis l’exploration de multiples modes constructifs, tout en respectant les choix de l’architecte concernant le béton apparent en façade et les contraintes de certification :

  • Le choix architectural de matériaux nobles en façade (béton, enduits à la chaux) étant incompatible avec les rupteurs de ponts thermiques imposés par la certification HQE, le béton thermique en façades du collège s’est rapidement imposé face au béton armé couramment utilisé ;
  • L’avis technique du béton thermique imposant des voiles coulés en place, la préfabrication des façades a été abandonnée bien que sécurisant la qualité du parement ;
  • Afin de répondre au label Biosourcé niveau 1, une solution en ossature bois s’est avérée être une hérésie compte-tenu de la finition en béton souhaitée par l’architecte ;

Tout au long du projet, les équipes DEMATHIEU BARD et l’architecte ont mené une collaboration constructive permettant la réalisation d’un projet audacieux et de relever des défis architecturaux et techniques :

  • Des réunions de groupement hebdomadaires permettaient de proposer de nouvelles solutions constructives au groupement du projet, des visites de chantiers permettaient d’en valider la mise en œuvre.
  • La participation des Bureaux d’Etudes Techniques, Structure et HQE du groupement, adossés à la Direction Technique DB, des BE et service Méthodes internes ont permis de proposer des solutions techniques répondant au cahier des charges du concours.

Par exemple, pour la création d’une façade irrégulière et aléatoire, seuls 8 types de mannequins différents ont été nécessaires pour réaliser les façades en béton thermique.

La parfaite collaboration entre DB et l’architecte ont permis de concevoir des façades aux ouvertures aléatoires (es poteaux servant de brise-soleil) compatible avec l’économie du projet, compte-tenu du grand nombre de réemploi des mannequins. Ces mannequins, définis par le service méthodes, ont été répartis par l’architecte sur les façades afin de créer un motif répondant aux critères de non-répétitivité des ouvertures.

Le béton bio-sourcé

Selon Laurent Goudet de la société AKTA, le béton biosourcé constitue une alternative écologique au béton armé :

  • en remplaçant les granulats traditionnels (ressource non-renouvelable et dont l’extraction provoque des catastrophes environnementales) par des granulats biosourcés tels que le chanvre ;
  • en réduisant les émissions de CO2 : 50 m3 de béton de chanvre représentent 1 Hectare de chanvre qui consomme 15 tonnes de CO2 (contre 2,2 tonnes pour 1 Hectare de maïs), de plus, lors de la prise de la chaux, la réaction de carbonatation continue d’absorber du CO2 ;
  • en valorisant l’agriculture : la culture du chanvre ne nécessite aucun produit phytosanitaire ni pesticide, enrichie les sols dans les rotations de culture, ne nécessite aucun arrosage ni désherbant et produit rapidement des matières premières pour diverses industries (alimentaire, automobile, pharmaceutique, habillement…)
  • en développant le tissu local : selon les régions, différentes ressources végétales peuvent être incorporées au béton : fibre de chanvre, de lin, de canne à sucre, de bambou ou de miscanthus (cette dernière permettant de végétaliser des espaces impropres à l’agriculture) ;
  • Concernant notre opération, le chanvre est produit en Ile-de-France et valorisé dans l’une des deux chanvrières de la région (6 chanvrières en France), d’où un circuit court ;
  • En favorisant l’économie circulaire : la chènevotte est la partie du chanvre qui est peu valorisée par l’industrie du chanvre ;
  • La faible consommation en eau du mélange chanvre-chaux-pouzzolane pour la projection par voie humide ;
  • La durabilité du béton de chanvre est la même que celle du béton armé, l’analyse du cycle de vie en fait un matériau recyclable ou compostable très intéressant au regard de la réglementation E+C-

Cette innovation majeure de valorisation des granulats végétaux vertueux permettra de réduire l’empreinte environnementale de la construction en France.

Informations projet

Acteurs du projet

  • Groupement : DEMATHIEU BARD BÂTIMENT ILE-DE-FRANCE (mandataire et constructeur)
  • Architecte : Rudy Ricciotti
  • Bureau d’études technique : BERIM
  • Bureau d’études Structure : Lamoureux & Ricciotti Ingénierie
  • Bureau d’études HQE : INCET

Chiffres cles de l’operation

  • 6 780 m2 de locaux
  • 5 240 m3 de béton
  • 28 000 heures de production
  • 430 T d’acier
  • Respect de l’architecture : 8 types de mannequins de façade, jusqu’à 30 réemplois
  • 24 mois de travaux en co-activité partielle avec la dépollution pour la 1ère phase

Les spécificités du projet :

  • Façades du collège en béton thermique incorporant des brise-soleils aléatoires
  • Façades du gymnase en béton de chanvre structurel projeté

Le planning de l’opération

  • concours conception/réalisation : remise le 8 août 2014
  • jury de sélection du projet lauréat :  9 décembre 2014
  • notification du marché : 28 avril 2015 pour un début de travaux en septembre 2015
  • début des travaux et dépollution : septembre 2017
  • ouverture du collège : 2 septembre 2019
  • fin de l’opération : mars 2020

Un article signé Laurent Goudet, PDG AKTA

 

Consulter l'article précédent :  #17 - Les bétons végétaux, potentiels techniques et performances environnementales - Sable Vert


           

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