[Cas illustré] : Que produisent les opérations d'aménagement ?

615 Dernière modification le 19/03/2019 - 10:19
[Cas illustré] : Que produisent les opérations d'aménagement ?

La séance du 22 novembre 2018 du réseau national des aménageurs (RNA) sur la sobriété foncière a été l'occasion pour le Cerema de présenter ses travaux en cours sur ce que produisent les opérations d'aménagement en l'illustrant sur quelques territoires.

Lors du premier groupe de travail, les participants se sont interrogés sur : "Faire la ville sur la ville, que produit la ville en "patchwork" ?".

Devant la crainte d'une "fin" des opérations d’aménagement d’ensemble, au profit d'opérations immobilières à l’échelle de l’îlot, voire de la parcelle, avec le risque de produire une ville en "patchwork", une première question était de s'interroger sur la réalité du phénomène au-delà du ressenti des acteurs de l'aménagement et surtout d'interroger sur ce que produisent réellement les opérations d'aménagement au regard de la production en diffus.

Lors de la séance du Réseau national des aménageurs de novembre 2019, Juliette MAITRE du Cerema a présenté les premiers résultats de ses travaux pour le ministère sur ce que produisent les opérations d’aménagement sur quelques métropoles.

Quelles sont les tendances aujourd’hui ? Produit-on réellement de plus en plus de logement hors de toute opération d’aménagement ? Y a-t-il des différences entre ce que l’on produit dans et hors des opérations d’aménagement ?

Les objectifs de la méthode employée

On entend régulièrement des critiques sur les opérations d’aménagement en général et sur la ZAC (Zone d'Aménagement Concertée) en particulier. Mais on dispose aujourd'hui de peu de données objectives pour savoir :

  • où sont les opérations d’aménagement,
  • quel outil d'urbanisme opérationnel est utilisé et qui mène ses opérations,
  • ce qu’elles produisent.

Menée pour le ministère du logement, cette étude, réalisée en lien avec les travaux du réseau national des aménageurs, s'est centrée sur la production de logements, notamment en promotion immobilière (d’autres données étant disponibles sur le logement social).

Pour répondre à ces questions, plusieurs approches et sources de données ont été croisées :

  • analyse des opérations d'aménagement durable présentes dans la base du ministère (en lien avec la démarche Ecoquartiers) pour qualifier un panel de projets urbains (non forcément représentatifs de la production)
  • analyse de la production de logements en promotion immobilières en secteur aménagé dans 3 métropoles (Lyon, Nantes et Rennes) et dans la région Bretagne pour mieux comprendre ce qui se produit en s’appuyant sur les données de la promotion immobilière (données provenant des sociétés Adequation et Explore)
  • analyse des données de la DRIEA pour une première approche sur l’Ile de France du poids de l’aménagement.

Le croisement des 3 approches permet d’énoncer de premières hypothèses (du fait du faible échantillon temporel et géographique) sur :

  • le poids des opérations d’aménagement dans la production de logement (dont la part de la procédure ZAC) : en Ile de France, sur les 3 métropoles et sur une partie de la Région Bretagne.
  • quelques différences entre les procédures (liées à l’analyse des opérations d’aménagement de la plateforme EcoQuartiers)
  • ce que produisent les opérations d’aménagement en matière de logement par rapport au diffus (dans les 3 métropoles et la région Bretagne).
 

Le poids de l'aménagement en Ile-de-France

 
Part des logements autorisés dans des opérations d'aménagement réalisées par un aménageur public en Ile de France depuis 2013

 

La DRIEA réalise depuis 2014 une enquête annuelle auprès des principaux aménageurs publics d’Île-de-France afin de rendre compte de la production de logements (tout compris) dans leurs opérations.

On constate qu'il n'y a pas réellement de baisse des logements autorisés produits dans des opérations d'aménagement. Qui plus est, ces chiffres ne concernent que les aménageurs publics et n'intègrent donc pas les opérations réalisées par des aménageurs privés.

 
 
 

Le poids de l'aménagement dans 3 métropoles (Lyon, Rennes et Nantes)

 
 
 
Part des logements vendus en promotion immobilière dans les 3 métropoles

Comme en Ile de France, on constate que les résultats sont très variables d’un territoire à l’autre et dans le temps : en baisse à Rennes Métropole mais en partant de plus de la moitié de la production, stable à Nantes Métropole et en hausse sur la métropole de Lyon.

 

Le poids de l'aménagement dans quepques EPCI bretons (hors Rennes métropole)

Part des logements vendus en secteur aménagé sur les EPCI bretons

En Bretagne aussi, on constate que les résultats sont très variables d’un territoire à l’autre (plus de 40 % en 2016 sur l'agglomération de St Malo) et dans le temps.

 

La production (de logements en promotion immobilière) en ZAC chute-t-elle ?

Part des logements vendus en promoition immobilière en ZAC sur les 3 métropoles

On entend beaucoup de critiques sur la ZAC, mais la procédure est-elle réellement moins utilisées ces dernières années ?

Dans le cadre du travail réalisé et des données fournies par Adequation et Explore, l'échantillon reste assez limité et il est difficile de conclure sur seulement 3 métropoles et sur 3 ans. Sur Rennes Métropole, où la ZAC est historiquement la procédure prépondérante (> 50 % en moyenne), elle a eu tendance à baisser ces 3 dernières années (volonté de faire moins d’opérations d’aménagement), mais devrait remonter. C’est sur Nantes Métropole qu’elle est la plus « faible », mais en progression, de même qu’à Lyon. Il faudrait aussi compléter avec le lot libre (surtout sur Rennes) et le logement social.

Au regard des échanges avec les participants à la journée, on assisterait plutôt à une disparition d’un modèle unique de montage plutôt qu’à la disparition de la ZAC. Le modèle « classique » de la ZAC, concédée à une SEM, devrait perdurer sur certaines opérations mais on constate un écart important entre les grandes opérations, « publiques », complexes, longues, sur des périmètres importants, réservées aux EPA (ce qui marque un vrai retour de l’État dans l’aménagement), SPL et SEMOP, et des opérations plus réduites, relevant plutôt du « patchwork », à l’image des macro-lot, plutôt portées par des privées.

 

Les différences entre procédures

Les opérations en ZAC sont généralement plus grandes, plus complexes, plus mixtes (mixités sociale et fonctionnelle).
Par conséquent, elles sont souvent plus longues qu’en permis d’aménager. Mais il convient de préciser qu’en ZAC, on compte aussi les phases pré-opérationnelles alors qu’en permis d’aménager, on prend comme date de départ la date de l’obtention du permis d’aménager. Par contre, les opérations en ZAC semblent plus « efficientes » si on rapporte la durée à la surface aménagée et au logement produit.

Concernant les données détaillées sur les 3 métropoles, l’écart en terme de production entre ZAC/PA/autres procédures est plus difficile à évaluer du fait de la prépondérance de la ZAC dans la part de la production de logements. Il est assez variable d’une année sur l’autre et d’une métropole à l’autre.

Ce que produisent les opérations d'aménagement

Sur les 3 métropoles étudiées, la production de logements en accession en secteur aménagé se caractérise (par rapport au diffus) par une meilleure répartition des logements avec :

  • plus de grands logements,
  • plus d’accession aidée,
  • plus de diversité des formes urbaines,
  • moins de ventes à investisseur,
  • des prix moindres par rapport à la production en diffus (en collectif libre, les prix étant plus similaires en accession aidée), que ce soit en prix unitaire ou au prix au m² (jusqu’à -15 % sur Rennes Métropole).

Ces résultats permettent aussi de poser de premières hypothèses quant aux relations entre les filières de l’aménagement choisies localement et les résultats en matière de production de logement.

Ainsi, compte tenu des revenus des ménages rennais, qui sont légèrement plus élevés qu'à Nantes ou Lyon, les prix de l'immobilier pourraient être "plus élevés". Or ils sont moins chers, en moyenne que les 2 autres métropoles, principalement en secteur aménagé. C'est ce résultat qui permet notamment d'interroger l'impact d'une maitrise publique forte de l'aménagement.

Les écarts de prix entre secteur aménagé et diffus peuvent être très importants mais toujours plus bas dans les opérations d'aménagement: de 0,2 % pour le T3 à Lyon à 20,8 % pour le T4 à Rennes.

L’accession aidée permet vraiment d’offrir des prix plus bas que le libre : a minima 30 % pour les T3, mais jusqu’à 50 % pour des T4.

L’individuel en VEFA, bien qu’assez réduit en volume, permet d’avoir des prix plus faibles que le collectif. De même, le lot libre permet d’obtenir des prix proches de l’accession aidée, mais sans aide publique.

Sur les principaux EPCI bretons (hors Rennes), on peut tirer globalement les mêmes conclusions.

De même, les conclusions d’une étude parallèle réalisée en 2018 par Adequation et Urbanics sur une quarantaine d’EcoQuartiers confirment ces résultats.

 

Conclusion

Ces premières conclusions seraient à confirmer sur d’autres territoires et à mettre en regard avec les coûts engagés par les collectivités, à mettre en relation avec les politiques locales, notamment les politiques foncières et la les filières de l’aménagement mobilisées. Elles démontrent en tout le cas la nécessité d’avoir des données sur ce que produisent les opérations d’aménagement afin d’être à même d’évaluer les politiques publiques et les différentes procédures.

En 2019, le travail doit se poursuivre sur 3 agglomérations supplémentaires afin de confirmer ou nuancer ces premiers résultats qui montrent l'importance de l'aménagement pour les collectivités.

 

Article publié sur Cerema Actualités
Consulter la source

Partager :