Bâtiment : les politiques d’insonorisation et de rénovation énergétique convergent

Rédigé par

denis bozzetto

Directeur

1986 Dernière modification le 19/10/2017 - 10:52
Bâtiment : les politiques d’insonorisation et de rénovation énergétique convergent

Historiquement menées en parallèle, sans synergie, les politiques d’insonorisation et de rénovation énergétique des bâtiments entament leur convergence. Les bâtiments exposés au bruit des infrastructures de transport seront les premiers à en bénéficier.

Les nuisances sonores sont une préoccupation majeure pour de nombreux Français. Selon une étude IFOP réalisée en septembre 2014, 86% d’entre eux déclarent être gênés par les nuisances sonores à leur domicile. Selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE), en France près de 9 millions d’individus sont en effet exposés à de forts niveaux sonores sur l’ensemble de la journée. Les infrastructures de transport sont les premières causes : 7 millions de personnes sont ainsi affectées par le bruit du trafic routier (> 65 dB), 1 million par le bruit du trafic ferroviaire (> 65 dB) et 500.000 personnes exposées au bruit du trafic aérien
à un niveau critique (> 55 dB). Cette situation n’est pas nouvelle mais avec l’urbanisation qui se poursuit le long des grands axes et autour des pôles d’activités que constituent souvent les aéroports, la population exposée augmente. Aujourd’hui, la politique de lutte contre les nuisances sonores liées aux infrastructures de
transport terrestres s’appuie sur deux dispositifs distincts mais complémentaires : le classement sonore des infrastructures de transports terrestres et un dispositif européen : les cartes de bruit stratégiques et les plans de prévention du bruit dans l’environnement issus de la directive européenne.

Recenser pour mieux combattre

Le classement sonore des infrastructures permet de repérer les secteurs les plus affectés par le bruit. Les bâtiments d’habitation, les établissements d’enseignement et de santé, ainsi que les hôtels, venant s’édifier dans les secteurs classés doivent respecter des prescriptions particulières
d’isolation acoustique. Ce recensement a aussi permis aux gestionnaires de réseau d’infrastructure de prendre en main cette question. SNCF Réseau, par exemple, mène une politique de résorption progressive des “points noirs du bruit” (PNB), ces lieux impactés par des nuisances excessives supérieures à 73dB le jour et 68 dB la nuit. 58.000 bâtiments sont visés. “Depuis 2001, la lutte contre le bruit ferroviaire a fait l’objet de nombreux plans dont celui issu du Grenelle de l’Environnement porté par l’Ademe. Le soutien de cette dernière a permis à SNCF Réseau de disposer de financements plus robustes et ainsi d’accélérer le programme”, explique Anne Guerrero, directrice du programme national de résorption des points noirs du bruit ferroviaire. En 2009, une convention a été signée qui vise à traiter environ 2.500 points noirs du bruit pour un investissement de 140 millions d’euros. “Le point focal a porté sur l’Ile de France, la région Rhône-Alpes et dans la continuité le Sud de la Vallée du Rhône (Languedoc-Roussillon) ainsi que l’agglomération de Bordeaux (Gironde). Toutes les opérations sont engagées, plus de 1.500 bâtiments ont été traités à ce jour et nous avons construit plus de 10 kilomètres d’écrans acoustiques le long des voies. En 2019, cette première tranche d’opérations sera finalisée”, résume Anne Guerrero. 

En parallèle, les services de l’Etat réalisent des cartes de bruit stratégiques (CBS) et des plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE). Mais la France est très en retard dans la mise en oeuvre de ces obligations. La Commission européenne a mis en demeure Paris en mai 2013. Les cartes de bruit des agglomérations de plus de 250.000 habitants auraient toutes dû être publiées avant le 30 juin 2007 et les plans de prévention du bruit avant le 18 juillet 2008. Pour les autres agglomérations, ces documents auraient dû l’être avant le 30 juin 2012 et le 18 juillet 2013. Mais l’arrêté listant les collectivités concernées par la seconde échéance a été publié… le 29 avril 2017.

La ville de Saint-Brieuc aux avant-postes

Certaines collectivités, bien qu’elles ne soient pas obligées de réaliser un plan de prévention du bruit, se sont lancées dans l’exercice. C’est notamment le cas de la ville de Saint-Brieuc (Côtes d’Armor). Pour mener à bien cette opération, la collectivité a signé une convention avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Grâce à ce plan, la ville prévoit de cibler son action sur les points noirs du bruit. La ville va proposer aux propriétaires de ces logements
PNB un audit mixte “insonorisation - performance énergétique”. “Il s’agit d’un diagnostic acoustique comprenant un volet thermique qui permet de déterminer si les logements sont bien isolés acoustiquement ou s’il est nécessaire de réaliser des travaux d’isolation sonore. Ces derniers amélioreront également l’isolation thermique des logements. Ces diagnostics sont gratuits pour les propriétaires. Ils sont pris en charge à 80% par l’Ademe et à 20% par la Ville de Saint-Brieuc”,
explique un porte-parole de la ville. Pour les logements dont l’isolation phonique n’est pas suffisante, il est proposé ensuite aux propriétaires de réaliser des travaux d’isolation de façade (changements d’huisseries des pièces principales...). Ces travaux pourront être subventionnés à hauteur de 80% du montant TTC par l’Ademe. Aujourd’hui, un peu plus de 120 diagnostics acoustiques ont été réalisés par le cabinet Venathec et une cinquantaine de logements ont été identifiés à ce jour comme pouvant faire l’objet de travaux d’isolation acoustique et thermique.

Harmoniser les exigences acoustiques et thermiques 

Cette idée de cumuler des travaux d’insonorisation et de performance énergétique prend forme peu à peu dans les politiques publiques. La loi pour la transition énergétique et la croissance verte impose, à partir du 1er juillet 2017, d’embarquer des travaux d’isolation acoustique en cas de rénovation lourde dans des zones particulièrement exposées aux bruits des infrastructures de transports. Ces exigences sont fonction des types de bâtiments, de la zone d’exposition au bruit extérieur et du type de travaux de rénovation projeté. Elles peuvent être respectées, selon les cas, par la réalisation de travaux d’isolation acoustique déterminés dans le cadre d’une étude acoustique ou par application d’exigences acoustiques par élément. Les bâtiments concernés sont les bâtiments d’habitation, les établissements d’enseignement, les établissements de santé et les hôtels. Quant aux travaux visés, il s’agit du remplacement ou de la création de portes et
fenêtres, de la réfection de toitures ou de travaux d’isolation thermique. “L’arrêté du 13 avril 2017 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments existants
lors de travaux de rénovation importants est une belle avancée réglementaire”, estime Denis Bozzetto, président du Giac, groupement de l’ingénierie acoustique.

Concrètement, lorsque les travaux de rénovation, déterminés dans le cadre d’une étude acoustique, comprennent le remplacement ou la création de parois vitrées ou portes donnant sur l’extérieur de pièces principales de bâtiments d’habitation, de pièces de vie d’établissements d’enseignement, de locaux d’hébergement et de soins d’établissements de santé, ou de chambres d’hôtels, ces parois vitrées ou portes doivent respecter des performances acoustiques supérieures à un certain seuil. Lorsque les travaux portent sur l’isolation thermique de parois opaques donnant sur l’extérieur, ils ne doivent pas avoir pour effet de réduire l’isolation aux bruits extérieurs.

“Avec cette nouvelle disposition réglementaire, la prise en compte des qualités acoustiques visent essentiellement les façades. Le Giac milite pour aller au-delà, et notamment pour les travaux de rénovation lourde, avec ou sans changement de destination, qui doivent s’inscrire dans la même logique que les travaux neufs”, estime le président du Giac. Il serait ainsi nécessaire de faire appel à un bureau d’étude en acoustique afin de définir les qualités acoustiques relatives à la modification des planchers ou la performance sonore des équipements collectifs, chaufferie, ascenseur, VMC collective… “Les acousticiens s’engagent à relever ce défi car il faut reconnaître que la partie n’est pas gagnée d’avance. Les études seront menées une fois de plus avec rigueur mais il faudra surveiller de près les mises en oeuvre des solutions acoustiques dans un environnement constructif hétérogène et nécessitant des adaptations en cours d’avancement du chantier”, prévient Denis Bozzetto. “Il sera important de faire appel à des acousticiens travaillant dans des bureaux d’études dont l’activité principale est l’acoustique menée
en toute indépendance de tous produits de la construction et en partenariat avec des bureaux de contrôle ou de certification”, plaide M. Bozzetto.

Article rédigé par Florence Roussel pour Environnement & Technique
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