Bâti ancien: Etude Eskal-Eureka, un outil pour bien rénover

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

2643 Dernière modification le 07/03/2014 - 09:36

Comment éviter que le mouvement de rénovation énergétique ne débouche sur des aberrations dans le bâti ancien, aux procédés constructifs hétérogènes, conçus selon des logiques puissantes (et durables, car elles ont duré) mais que le XXe siècle a peu à peu estompées ?

La question n’est pas anodine : selon le ministère du logement, les logements anciens, antérieurs à 1948, représentent un tiers du parc, soit 10 millions de logements, immeubles et maisons mélangés. Ils entrent donc dans la grande catégorie des bâtiments conçus avant les chocs pétroliers et l’apparition des premières réglementations thermiques.

Mais au delà de ce point commun basique, le parc résidentiel ancien se caractérise par ses innombrables particularismes et pourrait presque rappeler la géographie des vins, totalement dépendante des terroirs. Comme le rappelle l’association Maisons paysannes de France, ces habitations « sont trop souvent traitées avec les mêmes méthodes que le bâtiment actuel, par un désir de simplification. Cette grave erreur est toujours une régression de leurs qualités et peut se révéler destructrice à terme ». Leurs qualités physiques ont d’ailleurs été clairement mises en évidence dans plusieurs études, l’une des plus fouillée étant celle dénommée BaTan, pour Bati Ancien, réalisée en 2011.* Elle a mis en évidence « une consommation moyenne du parc ancien inférieure à celle du parc existant, un bon confort d’été, une forte perméabilité à l’air, la variabilité des propriétés thermiques des matériaux en fonction de l’humidité». Le danger ? Que lors d’une rénovation, notamment énergétique, le remède soit pire que le mal.

Le cluster Eskal Eureka, de Bayonne, vient de terminer une étude pour le PUCA sur les particularités des maisons anciennes (avant 1950) d’Aquitaine, qui d’ailleurs sera présentée lors du salon écobat (stand région Sud Ouest). Selon Charlie Urrutiaguer, directeur adjoint de ce cluster, « un des enjeux majeurs de la réussite en rénovation d’habitat individuel ancien est de ne pas engendrer de sur-pathologies après rénovation par manque de connaissance sur le comportement et l’équilibre propres au bâti ancien. » Une erreur courante, parmi d’autres : mésestimer les échanges d’air et d’eau à travers les murs et plaquer un revêtement trop étanche. Moisissures garanties, et plus si affinités. Or, la connaissance de l’ancien est désormais diffuse, les savoir-faire survivants sont concentrés chez certains architectes, artisans et autres passionnés, compétents mais rares. Toute la difficulté est de retrouver cette connaissance intime du bâti ancien, de la confronter aux objectifs de performances énergétiques et de déterminer les travaux.

De ce point, de vue, l’étude du cluster basque, menée par Nadège Dal-Zotto, chef de projet, ressemble à un bon point de départ. Après un an et demi d’enquête auprès d’artisans, bureaux d’études, architectes, CAUE, le cluster est prêt à éditer un applicatif tablette et un logiciel contenant des fiches:

  • sur les typologies d’habitat ancien aquitain,
  • sur les matériaux locaux,
  • sur les procédés de rénovation et leurs caractéristiques.

Le tout visualisable aussi via des tableaux d’analyses multicritères. Un outil qui permet de mieux définir les travaux à effectuer (ou non…) et, sans doute, de mieux prendre conscience des foisonnantes subtilités de l’habitat ancien de la région. Autre bonne nouvelle, selon Charlie Urrutiaguer, « cette recherche exploratoire est centrée sur la région Aquitaine mais la méthodologie employée vise à être dupliquée aux autres régions françaises». 

D’ailleurs, une collaboration a déjà été mise en place avec certains clusters, en particulier celui de la région Poitou-Charentes. L’idée à terme est de disposer, pour tous les territoires, d’un outil logiciel sérieux, issu des compétences des vrais connaisseurs (climat, méthodes et matériaux, en gros) et accessibles via des plate-forme de gestion de projet - c’est le chantier du RehabSystem.

Jean-Philippe Pié pour Ecobat

* Une étude menée par le CNRS, le CETE de l’Est, le CETE de l’Ouest, Maisons Paysannes de France et l’INSA de Strasbourg.

Légende photo : L’étude Euskal Eureka permet de prendre conscience des subtilités de l’habitat ancien en Aquitaine

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