Manifesto du Congrès Cities to Be

Rédigé par

Pierre-Yves Legrand

Directeur

3833 Dernière modification le 10/07/2019 - 14:00
Manifesto du Congrès Cities to Be

Depuis le début du 19e siècle, l’activité humaine a émis dans l’atmosphère une quantité considérable de gaz à effet de serre (GES). Ces émissions proviennent principalement de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) qui ont elles-mêmes permis le développement industriel et conduit à notre civilisation actuelle.

Ces gaz restent longtemps dans l’atmosphère. Le CO2 y demeure 125 ans en moyenne, le N2O (qui réchauffe l’atmosphère 310 fois plus que le CO2) y reste 150 ans et les gaz fluorés (qui réchauffent l’atmosphère 16 000 fois plus que le CO2) y restent environ 120 ans.

La concentration actuelle du CO2 dans l'atmosphère est d’environ 360 ppm, soit 30% de plus que le pic maximum observé sur terre depuis une durée de 400 000 ans. En observant cette même période de 400 000 ans grâce aux sondages dans la calotte glacière antarctique, on constate que la température moyenne à la surface de la Terre et la concentration en CO2 ont évolué de façon très similaire.

 

« The climate emergency is evolving faster than predicted. We must accelerate our response, with ambition and urgency. This is the battle for our lives. And it’s a battle we can and must win » António Guterres, Secrétaire général de l'ONU, 30 juin 2019.

 

Les scénarios du changement climatique

Compte tenu de ces éléments, les scientifiques ont élaboré des modèles permettant de simuler le climat de demain. Selon les modèles et les hypothèses, ils prévoient que la température de la Terre d’ici à 2100 devrait augmenter en moyenne de 1,4 à 5,8 °C. Jusqu’à maintenant, ce sont les prévisions les plus pessimistes qui se sont toujours confirmées. Nous savons que nous ne sommes pas pour le moment dans la trajectoire posée au moment de la Cop 21 de limiter l’augmentation à 2°C, loin s’en faut. On peut difficilement se figurer ce que représente une hausse de 5 degrés en moyenne, mais on sait que lors de la dernière glaciation, il y a 20 000 ans, la température moyenne était de 5 degrés inférieure à la moyenne actuelle, et le climat était à l’opposé du nôtre. Le plus complexe sera la rapidité avec laquelle il nous faudra nous adapter à des conditions de vie qui seront difficilement supportables.

Le constat fait depuis les années 60, date où l’on commence à percevoir les effets du dérèglement climatique, est qu’il entraîne l’augmentation globale de la température à la surface du globe, une augmentation des pics de chaleur en durée et en intensité, la perturbation des cycles pluviaux suivant les continents, la diminution de la couverture neigeuse et le recul des glaciers, la réduction de l’épaisseur de glace dans les pôles, l’augmentation du niveau de la mer, etc.

En France, la température moyenne a déjà augmenté entre 0,6°C et 1,1°C selon les régions depuis 1900.

Si on se projette dans les années à venir, l’été 2003 qui a provoqué 70 000 morts en Europe, correspondra à un été moyen en 2075.

Les conséquences du dérèglement à l’avenir seront multiples sur la santé et la qualité de vie des habitants, sur l’agriculture, sur les stocks d’eau, sur la résistance des ouvrages à ces tensions extrêmes, etc.

La construction et l’immobilier et le réchauffement climatique

Les filières de la construction et de l’immobilier sont directement concernées par ces questions.

Notre secteur porte une part importante du problème du fait que son usage émet plus de 30% des gaz à effets de serre, induit plus de 40% de la consommation énergétique, que son activité produit la grande majorité des déchets, génère l’une des plus importantes consommations de matériaux non renouvelables et porte une responsabilité sur la baisse de la biodiversité, notamment par l’artificialisation des terres.

Part du problème, notre filière est donc aussi une part de la solution. C’est pourquoi les politiques d’atténuation du changement climatique concernent directement la construction et l’immobilier. Mais force est de constater que malgré les efforts déjà fournis, nous sommes loin du compte, notamment parce que la construction neuve continue d’être fortement émettrice de GES dans sa fabrication, et que le stock des constructions existantes a été jusqu’à maintenant peu concerné par les mesures d’atténuation, du fait notamment de notre incapacité collective à générer la massification de la rénovation.

Au-delà des questions d’atténuation des changements climatiques, notre secteur a une responsabilité à endosser en ce qui concerne le volet adaptation. Nous passons 80% de notre temps dans un bâtiment, et mise à part la population habitant en territoire rural, nous vivons les 20% de temps restant dans des aménagements urbanisés. Or, ni les bâtiments, ni les aménagements et l’urbanisme n’ont été conçus dans notre pays pour des températures extrêmes. La question des îlots de chaleur, largement débattue au moment du dernier épisode caniculaire, est la démonstration que nos ouvrages accroissent les difficultés alors qu'ils pourraient les amortir. Il faut bien le dire, si le dérèglement climatique s’apprête à rendre la vie humaine difficilement supportable, nos ouvrages non adaptés à ces changements peuvent la rendre carrément invivable.

Nous devons dès maintenant penser nos ouvrages, l’architecture et les plans d’urbanisme, en intégrant le dérèglement climatique avec le double volet "atténuation" pour freiner le plus possible, et "adaptation" pour mieux se préparer aux chocs, sans attendre que les réglementations aient intégré l'ensemble de ces enjeux. Car, c’est une coïncidence, avec une durée de vie globalement similaire, nos ouvrages et les gaz à effets de serre que nous aurons produits en les fabriquant, seront encore là dans cent ans, quand le climat, lui, aura complétement changé.

 

Engagement et innovation « utile »

Nous avons longtemps cru que l'innovation était la solution. Nous ne pouvons que constater la lenteur de prise de conscience et d’action du cœur de marché de l’industrie de la construction. Nombre d’innovations, alimentant les tribunes de la presse spécialisée, ne tiennent pas suffisamment compte de leur impact environnemental. Il faudra que les engagés de la construction durable soient en mesure de prioriser les innovations qui facilitent la mutation à entreprendre et affirmer clairement que toutes les innovations ne sont pas souhaitables. Nous pensons notamment aux produits de construction qui ne seraient pas détachables et récupérables dans la perspective de l’économie circulaire. De plus, les innovations à retenir pour demain devront viser une certaine simplicité, nous permettre de rester en phase avec le vivant et ne pas nous en éloigner artificiellement, car cet éloignement rend encore plus difficile la prise de conscience des changements nécessaires. Nos efforts doivent moins porter sur l’invention de nouveaux produits et matériaux, qu’orienter nos choix vers ce qui existe déjà ou a existé dans le passé, et qui a été délaissé ou qui reste marginal.

La construction durable allant au-delà du cadre réglementaire actuel, dont tout le monde convient pour dire qu'il n'est pas encore à la hauteur des enjeux, n'est pas assez généralisée, et n'est pas devenue une pratique courante.

L'engagement volontaire reste marginal et le chemin parcouru trop faible, comme le dénonce le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat. Les neuro-psychologues expliquent que la réalité désespérante du désastre à venir et la hauteur de la marche à franchir, bloquent la mise en mouvement. C’est pourquoi, l’Alliance HQE-GBC et NOVABUILD ont voulu faire de Cities to Be le « Congrès du passage à l’action ».

 

Alors, comment changer la donne ?

Que ce soit sur la question de l'atténuation ou de l'adaptation aux dérèglements climatiques, le temps n'est plus à la transition graduelle, celle-ci est désormais dernière nous, même si on peut considérer que seule une infime partie du chemin a été parcourue. Qu'on le dénomme "choc", "révolution", "mutation complète et systémique" ou "rupture", les organisateurs du Congrès Cities to Be lancent un appel aux professionnels de la construction et de l'immobilier en vue d'un changement profond de leurs pratiques, et de leur production.

Nous pensons qu'il faut changer radicalement, sans attendre quoi que ce soit, ni qui que ce soit. Trop longtemps les professionnels ont attendu que les pouvoirs publics enclenchent des perspectives nouvelles, pendant que ces derniers attendaient que les professionnels soient prêts…

Ce que nous avons à faire est tellement dur, et va se confronter fortement aux facilités habituelles, que nous devons insérer toute initiative individuelle et tout projet d’entreprise, dans une dynamique collective pour co-construire ensemble le nouveau modèle. L’entraide et le « faire avec » seront des clés essentielles de la réussite. Nous devons nous saisir de la Loi qui permet désormais aux entreprises de se donner une raison d'être, devenir des entreprises à mission, et créer un collectif des acteurs de la construction qui auront intégré les objectifs d'atténuation et d’adaptation dans leur raison d’être.

À Angers, du 12 au 13 septembre 2019, nous rassemblons plus de 1000 participants engagés dans la construction durable. Près de 150 intervenants en provenance de toute l'Europe viendront nous faire part de leurs retours d'expérience. Il n'est pas trop fort de dire qu'ils ont les solutions, il suffit de s'en saisir, et d’oser. Le Congrès Cities to Be sera une source d'inspiration pour tous, et l'occasion de redonner espoir aux pionniers qui commencent à se désespérer de la lenteur que prend le mouvement. Vous pourrez vous appuyer sur eux, pour aller plus loin dans vos projets.

Nous devrons aussi faire de l’opinion publique notre alliée car ce sont nos clients et les usagers de nos ouvrages. Nous pourrions nous appuyer sur eux pour qu’ils disent NON à des ouvrages qui auraient nécessité d’en détruire un autre pour le remplacer, qui auraient artificialisé des terres, qui auraient un poids carbone déraisonnable, qui n’aurait pas été conçu avec les habitants, et qui ne pourrait pas leur assurer un minimum de confort lors des chocs climatiques à venir. C’est pourquoi, durant Cities to Be, nous organisons des événements en ville pour associer les habitants à nos travaux.

 

Angers, une ville durable inventive

Le choix d’Angers ne doit rien au hasard. Par sa taille, la métropole est particulièrement représentative de l’urbanisme européen et de ses réseaux de villes. Angers est la ville pionnière dans les agendas 21 et dans le développement durable à l’image des enjeux des territoires. Capitale française du végétal avec le siège de Végépolys, lieu d’expérimentation d’un urbanisme inventif et participatif (avec "Imagine Angers"), siège de l’ADEME, Angers est aussi la ville choisie par le gouvernement français pour le lancement de ses plans rénovation et vélo. Le Centre de Congrès Jean Monnier, avec ses larges ouvertures sur le jardin des Plantes, et dont la rénovation a été achevée au premier semestre 2019, est représentatif de l’engagement de la collectivité qui privilégie la rénovation à la démolition.

Le Congrès Cities to Be se place sous l’égide des 17 objectifs de développement durable (17 ODD ou Agenda 2030) adoptés en septembre 2015 par 193 pays aux Nations Unies. Dans cette optique, pour nous, aujourd’hui, l’urgence est d’apporter notre contribution aux 17 ODD et d’amortir les chocs du changement climatique.

 

Cycle carbone, économie circulaire ou végétalisation, mais aussi finance durable et ateliers

Tout naturellement le Congrès abordera les questions de la prise en compte du carbone, de l’analyse du cycle de vie, et de l’économie circulaire vue sous un angle systémique, allant jusqu’à l’urbanisme circulaire. L’anticipation de la résilience de nos ouvrages et des personnes qui y vivent, suite aux chocs qui ne manqueront pas de survenir, sera un sujet clé. De ce point de vue, l’urbanisme et l’architecture dans les climats chauds constituent une source d’inspiration importante, de nombreux témoignages et retours d’expériences seront débattus avec les participants.

Le végétal représente une des solutions les plus accessibles, aussi, plusieurs moments seront consacrés au végétal dans la ville, au biomimétisme et à l’agriculture urbaine par exemple.

Il sera fait appel aux innovations qui vont dans le sens de l’atténuation et/ou de l’adaptation avec par exemple la question de la réversibilité des ouvrages, l’impression 3D, ou le carnet numérique. La notion d’autonomie sera abordée avec l’autonomie des bâtiments et des villages, les quartiers à énergie positive, ou les smart grids.

L’humain étant à la fois l’objet et le levier de toutes ces transformations, de nombreux ateliers et plénières porteront sur les questions du passage à l’action, de l’engagement volontaire, de l’habitat participatif, de la concertation, et sur les questions de santé dans l’habitat (acoustique, qualité de l’air intérieur, etc.), le confort d’été, la climatisation, et la prise en compte de l’évolution des usages.

Enfin, le sujet de la mobilisation des financements, et le rôle clé de la valeur verte de nos ouvrages comme levier pour agir, constitueront naturellement le thème de la plénière conclusive.

Cities to Be sera donc le Congrès qui propose les partenaires et les solutions concrètes pour réussir à « bien vivre la ville pour longtemps », aux acteurs de la construction, de l’immobilier et de la ville. Nous avons sélectionné pour vous dans le dossier de Construction 21 une partie des intervenants auxquels nous avons demandé de vous faire découvrir des retours de terrain en France et à l’international, de partager leurs bonnes pratiques et solutions, pour vous permettre d’agir dès maintenant.

 

Pierre-Yves Legrand

Directeur de Novabuild, et co-directeur de Cities to Be.


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