[Dossier Biosourcés #30] L'internat biosourcé à énergie positive : retour d'expérience dans la Vienne

Rédigé par

Nicolas Rabuel

Cluster de l'aménagement et de la construction durable

4922 Dernière modification le 06/04/2020 - 12:20
[Dossier Biosourcés #30] L'internat biosourcé à énergie positive : retour d'expérience dans la Vienne

L'internat des apprentis, situé à Rouille dans la Vienne, est un projet ambitieux de construction d'un bâtiment à énergie positive intégrant une grande part de matériaux biosourcés. Gauthier Claramunt, architecte et Julien Coeurdevey, ingénieur, livrent un retour d'expérience de ce chantier aux objectifs bas carbone.

Nous avons répondu en 2015 à un appel à candidatures diffusé par la région Poitou-Charentes pour choisir l’équipe de maîtrise d’œuvre pour la construction d’un nouvel internat sur le site du lycée agricole de Venours. Le programme de l’opération définissait des exigences de performances très en avance par rapport à la réglementation : le bâtiment devait être à énergie positive, et incorporer significativement des matériaux biosourcés. Nous avons constitué une équipe de maîtrise d’œuvre réunissant autour de Dauphins architecture, le bureau d’études en ingénierie environnementale 180 degrés, le bureau d’études fluides Overdrive, le bureau d’études structure bois B.ing, le paysagiste Plein Air.

Lors d’une visite du site préalable à la conception, pas de doute pour l’architecte et l’ingénieur en environnement, le bâtiment doit s’implanter de plain-pied, en lisière du champ de blé, selon un axe nord-ouest/sud-est.

Faisant écho au site et à la vocation de l’établissement d’enseignement, ses façades sont à ossature bois et isolées en bottes de paille. L’apport d’inertie nécessaire dans ce type de structure légère est réalisé par un doublage de briques de terre crue tout le long de la circulation distribuant les chambres. Et, au sol, par une chape en béton brut.

Les chambres sont chaleureuses, enveloppées de panneaux de bois, et généreusement ouvertes sur les vues extérieures : grandes baies côté nord-est vers les champs et les forêts, fenêtres multiples plus petites au sud-ouest pour bien maîtriser l’ensoleillement pernicieux à cette orientation, en complément d’un débord de toiture dimensionné pour éviter le soleil direct à partir de la mi-saison jusqu’en été. Il en résulte qu’il a suffi d’installer des rideaux intérieurs pour finir de protéger les baies des surchauffes au cœur de l’été. Pas de motorisation, pas de stores fatigués par l’effet du vent, des UV et de la pluie. Ces rideaux fournissent également l’occultation nécessaire pour le sommeil dans les chambres.

La toiture, relativement plate au-dessus des chambres, vient décoller nettement pour former une crête le long de l’axe de circulation central, lui donnant un volume plus noble. Par trois fois, cette crête est coiffée d’un chapeau pointu pour recevoir des menuiseries apportant de la lumière zénithale et des ouvrants de ventilation naturelle offrant un tirage efficace par effet cheminée. Ces trois chapeaux sont équipés de vitrages tournés exactement vers le sud, protégés par des lames brise soleil extérieures fixes allant capter le soleil hivernal et bloquant les rayons d’été.

La charpente est constituée de caissons isolés en ouate de cellulose, aussi performants en thermique d’hiver qu’efficaces pour déphaser et amortir l’onde de chaleur solaire en été.

Les menuiseries sont en bois, et la façade est en enduit chaux/sable projeté sur les bottes de paille.

 

Un grand soin a été apporté au traitement de la continuité de l’enveloppe thermique, particulièrement à toutes les jonctions toiture/façades et façades/plancher bas, et des dispositions assurant l’étanchéité à l’air du bâtiment.

Pour assurer le confort hygrothermique en dehors de la période froide, une stratégie de ventilation naturelle a été déployée : chaque chambre est équipée d’ouvrants spécifiques dédiés à la ventilation naturelle, dimensionnés pour atteindre des débits d’air élevés, et protégés de l’intrusion/extrusion.

Pour assurer le renouvellement hygiénique, l’air neuf est insufflé dans le bâtiment, via un puits climatique implanté dans le sol jouxtant le bâtiment. Cet échangeur air/sol fonctionnant en été et en hiver vient stabiliser gratuitement la température de l’air neuf : moins chaud en été et moins froid en hiver.

Les besoins en chaleur nécessaires en complément sont générés par la chaufferie bois existante alimentant déjà les bâtiments du lycée. Le coût énergétique de l’eau chaude sanitaire est réduit par l’installation de récupérateurs de chaleur sur eaux grises dans toutes les douches.

Toutes ces dispositions, articulées autour de la conception bioclimatique et de l’exploitation des grandes qualités des matériaux biosourcés et géosourcés, ayant engendré un niveau de besoin en énergie exceptionnellement faible, le bilan du calcul BEPOS n’a imposé l’installation que de très faibles surfaces de panneaux photovoltaïques. Petit clin d’œil, une éolienne installée au point culminant de la toiture, vient produire l’électricité consommée par les petits ventilateurs qui extraient l’air vicié des salles de bains.

L’eau de pluie ruisselant sur toute la couverture est collectée dans deux grandes cuves enterrées, l’une dédiée au remplissage des chasses d’eaux des sanitaires et l’autre à l’arrosage des espaces verts.

Un point cependant que le maître d’ouvrage n’a pas retenu dans nos propositions initiales : l’installation de toilettes à compost dans les locaux communs. Dont acte. Nous étions déjà quittes d’une bonne série d’innovations visant l’autonomie du projet !

Ce chantier a été le support d’une démarche pédagogique d’envergure auprès des lycéens et de professionnels des métiers de la construction : présentation des principes de conception appliqués, visites de chantier, chantier participatif. Des ateliers ont permis aux lycéens de poser les bottes de paille, de réaliser des briques de terre crue, et de comprendre le fonctionnement des récupérateurs d’énergie sur eaux grises.

Le bâtiment est occupé depuis le printemps 2018. Le puits climatique est surveillé par une instrumentation dont le suivi est mis à disposition de toute l’équipe d’ingénierie. Il donne des résultats dépassant les attentes.

Bas carbone, sobre, simple d’usage, et sain pour les compagnons durant le chantier comme pour les occupants aujourd’hui, le bâtiment a fait l’objet d’un retour d’expérience dans le cadre du programme national « Objectif bâtiment énergie-carbone » et pour notre plus grand plaisir a été un des deux premiers en France à atteindre le niveau maximum « E4C2 ».

Un article signé Gauthier Claramunt, architecte associé et co-gérant Dauphins Architecture et Julien Coeurdevey, ingénieur co-fondateur 180° Ingénierie

 

Consulter l'article précédent :  #29 - Expérimentation E+C- : bilan et perspectives à travers le programme OBEC - Sabrina Talon & Pierrick Nussbaumer Cerema


           

Dossier soutenu par

Dossier biosourcés

 

Matériaux et constructions biosourcés

Retrouvez tous les articles du dossier

 Matériaux et constructions biosourcés

Partager :