[Dossier RE2020] 24# La place des équipements dans le calcul ACV

Rédigé par

Emmanuelle Brière

Chef de projet PEP

9756 Dernière modification le 01/07/2020 - 12:00
[Dossier RE2020] 24# La place des équipements dans le calcul ACV

Dans cet article, nous nous intéressons à l’indicateur Eges PCE qui correspond aux émissions « carbone » des Produits de Construction et des Equipements (PCE) du bâtiment sur tout leur cycle de vie (en kgCO2eq.) et aux données environnementales relatives aux équipements techniques du bâtiment

Les principes de la réglementation pour la saisie des lots techniques 

Pour les équipements techniques, l’évaluation du Eges PCE peut se faire de deux façons :

  • Evaluation simplifiée à partir de valeurs forfaitaires par lot technique et par application (maison individuelle, logement collectif, tertiaire bureaux…)
  • Evaluation détaillée à partir de :
    • Données Environnementales par Défaut (DED, anciennement appelées « MDEGD »)
    • Profils Environnementaux Produits (PEP)

Les DED sont établies par le Ministère tandis que les PEP sont mis à disposition par les industriels ou les groupements d’industriels et vérifiés par tierce partie indépendante. Ces données sont disponibles dans la base INIES.

L’impact environnemental du bâtiment tient compte du renouvellement des produits ou équipements au travers d’un facteur de renouvellement basé sur la durée de vie théorique des produits ou équipements mentionnée dans les FDES ou les PEP.

Quelles sont les données disponibles pour évaluer l’impact des lots techniques ?

Les valeurs forfaitaires et les DED sont majorantes afin de privilégier une évaluation détaillée du bâtiment à partir de données détaillées de type PEP.

 

Hiérarchie des données environnementales pour l’évaluation du Eges PCE (Source : Uniclima)

La méthode de définition des DED sera disponible dans le cadre de la future réglementation mais elle n’est pas encore connue à ce jour.

Pourquoi est-il nécessaire de réaliser un calcul détaillé sur les lots techniques ?

Comme c’est déjà le cas pour les produits de construction avec les FDES, les équipements techniques disposent de PEP afin d’évaluer leur impact environnemental à l’échelle d’un projet. Lorsqu’on étudie le « poids carbone » des différents lots techniques comptabilisés dans l’indicateur Eges PCE pour les différentes applications, on constate que le poids du lot technique CVC (Chauffage, Ventilation et Climatisation) est très significatif.

Répartition du poids « carbone » sur un exemple de maison individuelle (Source : Uniclima)

Une saisie détaillée du lot CVC permet donc d’affiner l’évaluation environnementale du bâtiment afin de respecter le ou les futurs seuils réglementaires « carbone ».

En réalisant une étude comparative sur un projet de maison individuelle, on constate que l’utilisation de PEP dans les logiciels d’ACV du bâtiment pour la saisie du lot CVC permet de diminuer significativement l’impact Eges PCE sans modification du cahier des charges du projet.

Comment utiliser un PEP pour réaliser l’ACV d’un projet ?

Concernant les impacts environnementaux des équipements techniques du bâtiment, ils sont disponibles à partir d’un PEP collectif ou d’un PEP individuel qui peuvent couvrir un produit ou une ou plusieurs gammes de produits. Ce PEP fournit les indicateurs du produit de référence et, le cas échéant, pour les autres produits de la gamme, il faut :

  • Vérifier que le produit respecte le cadre de validité indiqué dans le PEP
  • Appliquer les règles d’extrapolation (coefficients ou formules) via un fichier Excel associé au PEP (base INIES) ou des coefficients d’extrapolation indiqués dans le PEP sachant que ces éléments font partie intégrante du PEP et ont été vérifiés par tierce partie indépendante.

Il est à noter que les données « extrapolées » ne sont pas numérisées sur la base INIES et que leur utilisation est possible uniquement via un fichier xml fonctionnant sur le même principe que les configurateurs.

Par ailleurs, si le PEP fournit les indicateurs de façon détaillée pour le module B (phase utilisation/exploitation) alors les valeurs du PEP sans B6 « consommation énergétique en phase d’utilisation » peuvent être utilisées pour l’évaluation du projet. En effet, les autres valeurs des indicateurs du module B (B1, B2…) doivent être utilisées sous peine de négliger des impacts significatifs.

A titre d’exemple, les PEP collectifs réalisés par Uniclima sur des chaudières gaz à condensation ou des PAC montrent que les indicateurs « carbone » en kg CO2eq. B1, B2 ou B7 ne sont pas négligeables (à minima 10^2). Toutefois, il est à noter que les DED ne fournissent pas le détail du module B et ne permettent donc pas de prendre en compte ses impacts.

Cas particulier des équipements utilisant un fluide frigorigène

En cas d’installation ou d’équipement contenant du fluide frigorigène, il est nécessaire de comptabiliser l’impact « carbone » lié à l’utilisation d’un fluide soit au travers de la donnée issue du PEP (Modules B1 et B2), soit en réalisant un calcul complémentaire à partir de la charge de l’installation et du GWP du fluide. Le GWP des principaux fluides est donné dans la base INIES.

 

Principes de calculs en cas de systèmes thermodynamiques (source : Uniclima)

Quelles sont les données disponibles pour réaliser un calcul détaillé du lot CVC ?

En l’état actuel des PEP ou des DED disponibles, la saisie détaillée du lot CVC est possible pour les solutions techniques les plus courantes :

- En maison individuelle :

  • Chaudière à condensation gaz mixte avec chauffe-eau thermodynamique 
  • PAC air-eau double service
  • PAC air-air avec appareils à Effet Joule direct et chauffe-eau thermodynamique  
  • Poêle à bois avec appareils à Effet Joule direct et chauffe-eau thermodynamique  
  • Et associés à des radiateurs ou un plancher chauffant/rafraichissant et à une VMC simple flux hygroréglable de type B ou un double flux

- En immeuble de logements collectifs :

  • Chaudière à condensation gaz mixte individuelle
  • Chaudière à condensation gaz collective
  • PAC eau-eau collective
  • Et associés à des radiateurs ou un plancher chauffant/rafraichissant et à une VMC simple flux collective hygroréglable de type B (C4)

- En tertiaire :

  • Chaudière à condensation gaz
  • Groupe de production de froid (chiller)
  • Système DRV (Débit de Réfrigérant Variable)
  • PAC eau-eau
  • Et associés à tout type d’émetteur sauf plafond rayonnant et à une CTA ou double flux

Toutefois, certains équipements techniques ne disposent toujours pas de PEP ce qui empêche une saisie détaillée d’un lot technique. C’est pourquoi, lors des de concertation sur la future RE2020, les bureaux d’études et les industriels ont proposé la création de sous lots techniques forfaitaires, ou de DED, afin de permettre un calcul détaillé du  lot CVC qui impacte significativement le poids carbone d’un bâtiment. Malheureusement, cette approche n’est pas décrite dans la méthode à ce jour ce qui n’incitera pas à une saisie détaillée du lot CVC.

Les nouveautés introduites dans la méthode en lien avec les lots techniques

Dans le projet de méthode publié en avril 2020, deux nouveautés importantes ont été introduites qui impactent le « poids carbone » des équipements :

  • Le module D qui permet de comptabiliser les bénéfices et charges environnementaux au-delà du système étudié ; il ne fait pas partie intégrante du cycle de vie du bâtiment mais peut être pris en compte dans certains cas pour le calcul de la performance environnementale du bâtiment.
  • Le calcul dynamique qui fixe un horizon temporel (100 ans) auquel évaluer les impacts de ces émissions ; le calcul considère alors que l’impact d’une émission ou captation pour l’horizon choisi dépend de sa date d’émission : plus l’émission est tardive plus son impact est faible ; inversement plus l'émission est précoce plus son impact est fort.

Il est à noter que :

  • Le module D sera disponible dans les PEP qui seront établis selon le nouveau PCR édition 4 du programme PEPecopassport® à partir de 2021 ; en attendant les bénéfices liés à l’utilisation de certains équipements ne pourront pas être valorisés comme, par exemple, les équipements de production de chaleur renouvelable.
  • Pour l’évaluation de l’impact lié au fluide frigorigène, le calcul dynamique est défini uniquement pour le fluide R410A, fluide le plus impactant en termes de GWP et qui a été remplacé par un fluide à plus faible impact dans la plupart des équipements thermodynamiques assurant le chauffage, le refroidissement ou la production d’eau chaude sanitaire.

Les équipements ont un rôle majeur à jouer dans la politique publique « bas carbone » du bâtiment

Dans un contexte environnemental complexe de réchauffement climatique et de dégradation de la qualité de l’air extérieur, la stratégie bas carbone du gouvernement affiche une volonté d’un bâtiment décarboné à l’horizon 2050.

La réduction au maximum les déperditions/apports au niveau de l’enveloppe des bâtiments afin de limiter les consommations énergétiques semble alors inéluctable. Cependant, les équipements techniques, notamment le lot CVC, auront toujours un rôle important à jouer dans les bâtiments de demain et des années à venir pour maintenir le confort et la qualité de l’air nécessaires aux occupants.

Nous l’avons vu, la future réglementation du bâtiment neuf nécessite que l’ensemble des professionnels de la filière adopte de nouvelles pratiques pour intégrer l’impact « carbone » des lots techniques, jusque-là encore peu connus, car ils impactent significativement le poids « carbone » du bâtiment. Il est donc indispensable que, dans les bâtiments neufs de demain, le poids « carbone » de ces équipements soit évalué et vérifié selon des règles fiables et reconnues via les PEP afin d’avoir une évaluation fiable et reconnue du poids carbone du bâtiment.

Un article signé Emmanuelle Brière, Responsable technique Froid climatisation chez Uniclima

Consulter l'article précédent :  #23 Impact environnemental et évolution des fluides frigorigènes


           

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Ce dossier est composé de contributions des membres de la Fédération CINOV, des adhérents Construction21 et de leurs partenaires. En animant ce dossier, la Fédération CINOV concoure ainsi aux échanges et à la réflexion sur la future réglementation environnementale. Le contenu des articles sont néanmoins publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

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