Le béton, partie intégrante du patrimoine français

Rédigé par

Raphael Laurent

3267 Belgique - Dernière modification le 07/02/2018 - 18:40
Le béton, partie intégrante du patrimoine français

En septembre 2017, le béton a été mis en lumière au Palais d’Iéna, à Paris, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Le Palais d’Iéna, seul palais de la République française en béton, constitue en effet l’une des plus belles illustrations d’une intégration manifeste du béton au patrimoine architectural français. Un privilège historique qui a toutes les chances de perdurer compte tenu des qualités toujours d’actualité du matériau.  

A l’occasion des Journées européennes du patrimoine organisées sur le thème de la jeunesse, les 16 et 17 septembre 2017, le Syndicat national du béton prêt à l’emploi (SNBPE) s’est associé avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour sensibiliser le jeune public au patrimoine et à l’architecture béton. Matériau de prédilection du 20e siècle, le béton a largement contribué à la réalisation d’ouvrages exceptionnels. Dans le cadre de son partenariat avec le CESE, le SNBPE a souhaité ainsi « faire découvrir aux plus jeunes le béton prêt à l’emploi, à l’origine des constructions les plus innovantes et les plus durables ».

L’architecture béton à l’honneur

Cette action pédagogique s’inscrit dans une série d’événements qui contribuent à remettre le béton sur le devant de la scène architecturale. Plusieurs expositions et quelques réalisations emblématiques ont en effet contribué, ces dernières années, à faire redécouvrir les nombreuses qualités de ce matériau, incontournable pour l’architecture et l’urbanisme contemporains.

Symbole de la reconstruction d’après-guerre et de l’urbanisation des Trente Glorieuses, le béton a parfois souffert d’une mauvaise image liée à l’édification rapide – et pas toujours réussie – de grands ensembles durant cette période. Pourtant, l’architecture de béton a également produit à cette époque des réalisations originales et esthétiques, comme par exemple le CNIT de La Défense (1952), le Parc des Princes (1972) ou l’Auditorium de Lyon (1975). De nombreux architectes se sont appropriés ce matériau. Même la ville de La Grande-Motte, née dans les années 1970 et qualifiée à l’époque de « Sarcelles-sur-mer » ou de « Béton-Plage », fait aujourd’hui l’objet de nombreux articles élogieux et d’un dossier dans la prestigieuse revue d’architecture AMC. Les pyramides de béton blanc de la station balnéaire proche de Montpellier ont d’ailleurs obtenu le label « Patrimoine du 20e siècle».

Preuve supplémentaire que le regard est en train de changer : le monolithe de béton de l’architecte français Rudy Ricciotti qui constitue le bâtiment principal du Mémorial du Camp de Rivesaltes, inauguré en octobre 2015 par le Premier ministre, a été unanimement salué par la critique. Sa « beauté austère et respectueuse » (Le Monde) et son « architecture sobre et délicate » (La Croix) répondaient en effet parfaitement au contexte sensible de cet ancien lieu d’internement. Deux ans plus tôt, le MuCEM de Marseille, également signé Ricciotti, avait fait la Une de l’actualité architecturale. Cette réalisation exceptionnelle pousse à l’extrême les qualités du béton fibré à ultra-hautes performances, employé dans l’industrie, pour créer notamment les 384 panneaux de résille qui constituent l’enveloppe du bâtiment.

Une expo-photo au musée d’art moderne du Havre, à l’occasion des dix ans de l’inscription du centre-ville au patrimoine mondial de l’Unesco, a également fait la part belle au béton d’Auguste Perret. L’exposition « Sacré béton », présentée en 2016 au musée Tony Garnier de Lyon, a aussi participé de ce mouvement de redécouverte des innombrables qualités du béton.

Résistance et maniabilité

Ses qualités techniques naturelles d’abord, et tout particulièrement sa résistance exceptionnelle, sa durabilité et sa très grande maniabilité, qui en font un matériau de choix pour les architectes. Certains types d’ouvrages, comme les hautes tours – fussent-elles en verre – ou les grands ponts, ne peuvent faire l’impasse sur ce matériau structurant.

Le béton résiste à la compression, aux intempéries, aux chocs et même aux séismes. Etant incombustible par nature, c’est aussi un matériau privilégié dans la sécurité incendie. Il n’est pas non plus affecté par l’eau ou l’humidité et n’est pas attaqué par les micro-organismes (moisissures, bactéries, etc.) ni par les insectes, pour lesquels il ne constitue pas un milieu nutritif. A l’heure où les exigences européennes et internationales sur la durabilité des constructions se font de plus en plus élevées, le béton, qui permet de garantir certains ouvrages plus de cent ans, garde une longueur d’avance.

Mais, comme le souligne l’architecte Claude Parent, le béton est aussi « une matière malléable, qui fournit une grande liberté de création ». La plasticité du matériau lui permet en effet de prendre toutes les formes possibles grâce à la réalisation de moulages et de coffrages. Grâce à la variation de ses constituants (ciment, sables, granulats, « fines », pigments), le matériau offre également une palette quasi illimitée de couleurs... Et sa surface peut être satinée ou granuleuse, proposer des anfractuosités ou des aspérités, ou même arborer des dessins décoratifs.

De multiples atouts écologiques

Aujourd’hui, le béton met également en avant ses atouts pour relever le défi de la construction durable et de la performance énergétique. Matériau minéral, le béton n’émet aucune substance chimique nocive et en particulier aucun composé organique volatil (COV), susceptible de polluer l’air intérieur de nos habitations. Il est également recyclable à 100 %, ne produit pas de déchets, et peut être réutilisé, après déconstruction, pour fabriquer de nouveaux bétons ou des sous-couches de routes, ou encore pour remblayer des tranchées.

La filière s’inscrit également dans une logique d’économie circulaire et de marché de proximité au sein des territoires : le béton est fabriqué, utilisé et recyclé localement avec, à la clé, des emplois non délocalisables. Les quelque 1 800 centrales de béton prêt à l’emploi françaises sont en effet situées à moins d’une demi-heure de transport des lieux de consommation ; les matériaux effectuent ainsi une distance moyenne de vingt kilomètres, ce qui limite les émissions de CO2.

La forte inertie thermique du béton, c’est-à-dire sa capacité à stocker puis à restituer de la chaleur ou de la fraîcheur, en fait également l’un des matériaux privilégiés pour atteindre les nouveaux standards des bâtiments à énergie positive. Pour améliorer la performance énergétique, il s’agit d’abord en effet de profiter au mieux des apports de chaleur gratuits du soleil, et de limiter au maximum les déperditions thermiques. Des bétons innovants, aux performances thermiques renforcées, sont également apparus sur le marché, comme le béton isolant et structurel, les « blocs isolants », les bétons végétaux ou les blocs de béton cellulaire.

Des innovations au service de la construction durable

D’autres innovations de la filière viennent également répondre aux nouveaux défis de la construction durable, comme les bétons autoplaçants, mis en œuvre sans vibration, les bétons fibrés à ultra-hautes performances, qui permettent de diminuer le volume des structures, ou encore les bétons autonettoyants et les bétons dépolluants, capables de décomposer les composés gazeux contenus dans l’air ambiant, en particulier les oxydes d’azote et les composés organiques volatils (COV).

En matière d’empreinte carbone, le process de fabrication à froid du béton n’engendre pas d’émissions directes de CO2. Ce qui n’est pas le cas de la production de ciment, fondée sur la cuisson à 1 450 °C du calcaire et de l’argile, et qui s’accompagne d’un phénomène de décarbonatation du calcaire. Pour réduire son empreinte carbone et sa consommation d’énergies non renouvelables, l’industrie cimentière s’emploie à améliorer l’efficacité énergétique de ses processus de fabrication. Une partie du mélange est ainsi remplacée par des coproduits industriels issus des centrales thermiques ou de la sidérurgie, afin de réduire la quantité de combustible utilisée et les émissions liées à la décarbonatation du calcaire.

Des déchets d’origine industrielle, ménagère ou végétale sont aussi utilisés pour diminuer la quantité de combustible fossile. En 2015, le taux moyen de substitution énergétique dans les cimenteries françaises a ainsi atteint 38% et devrait franchir la barre des 50% à l’horizon 2020. Certaines cimenteries atteignent même déjà un taux de 60% avec, à l’horizon, la barre des 80%. La recherche travaille également sur de nouveaux ciments à basse empreinte carbone, certaines start-ups annonçant déjà une réduction potentielle de 70% du bilan carbone global de la chaîne de fabrication…

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